Critique : Été 93

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Été 93

Espagne : 2017
Titre original : Estiu 1993
Réalisation :   Carla Simón
Scénario :   Carla Simón 
Acteurs : Laia Artigas, Paula Robles, Bruna Cusí, David Verdaguer
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h34
Genre : Drame
Date de sortie : 19 juillet 2017

3.5/5

Avec ce premier long métrage, un film très personnel, la réalisatrice catalane Carla Simón s’est vu décerner le Prix du meilleur premier film, toutes sections confondues, lors de la dernière Berlinade ainsi que le Grand Prix de la  Generation Kplus décerné par le Jury International.

Synopsis : Suite à la mort de ses parents, Frida, 6 ans, quitte Barcelone et part vivre à la campagne chez son oncle et sa tante et leur petite fille de 3 ans. Le temps d’un été, l’été 93, Frida apprendra à accepter son chagrin, et ses parents adoptifs apprendront à l’aimer comme leur propre fille.

Difficile à vivre pour une fillette de 6 ans

Lorsque, âgée de 6 ans, Frida se retrouve orpheline, ce sont Esteve, son oncle, et Marga, l’épouse d’Esteve, qui accueillent la fillette. Alors que, jusque là, Frida a toujours vécu dans un environnement urbain, Esteve et Marga habitent en pleine campagne, au nord-ouest de Gérone : un monde mystérieux pour elle, presque angoissant par certains côtés. Et puis, il y a Anna, 4 ans, la fille d’Esteve et de Marga, avec qui il va falloir cohabiter. Cela fait beaucoup de paramètres susceptibles de nuire au bon équilibre de Frida. Et, en effet, les débuts dans sa nouvelle famille sont difficiles : très vite, c’est un sentiment d’opposition qui domine chez elle, surtout vis-à-vis de Marga, la femme qui est censée remplacer sa mère. Quant aux rapports avec Anna, pas question de la laisser jouer avec ses poupées, elle risquerait de les casser.

Pour Frida, il n’est toutefois pas possible de rester en permanence dans un tel état d’opposition, d’autant plus que son oncle et sa tante sont plein d’attention pour elle et que l’affection qu’ils lui témoignent ne peut que contribuer à apaiser sa peine. Tout au long de cet été 1993, son comportement va évoluer, son intégration dans sa nouvelle famille s’améliorant petit à petit tout en passant par des hauts et par des bas. C’est ainsi que, au moment où elle commence à appeler papa et maman ses nouveaux parents, elle tient absolument à repartir à Barcelone avec ses grand-parents venus faire une visite.

Très autobiographique

C’est un film très personnel que Carla Simón a réalisé. En effet, à l’âge de 6 ans, elle a vécu elle-même tout ce que le film raconte : le sida qui a emporté ses parents, l’accueil dans une nouvelle famille, la campagne qui remplace la ville. C’est sur les lieux mêmes où elle a vécu cette deuxième partie de son enfance qu’elle est allée tourner Été 93 et la langue qu’on entend tout au long du film est le catalan et non le castillan. Concernant la structure du récit, elle a choisi de procéder à un assemblage de scénettes qui, ajoutées les unes aux autres, lui ont permis de peindre au mieux la façon dont, sur la durée d’un été, elle s’est progressivement intégrée dans sa nouvelle famille.

Des esprits chagrins pourront  trouver que certaines longueurs, parfois, nuisent au rythme du film. En fait, ces « longueurs » étaient inévitables puisqu’il était impératif  de montrer qu’il fallait du temps à Frida pour retrouver un équilibre et réussir à se reconstruire. De plus, pour qui sait se mettre à la place des autres, ces « longueurs », loin d’être inutiles, contribuent à faciliter cette « immersion » dans le maelstrom mental vécu par Frida. Par ailleurs, bien que focalisé sur l’histoire d’une gamine de 6 ans, ce film nous plonge, sans avoir l’air d’y toucher, dans l’atmosphère régnant en Espagne il y a 25 ans : à cette époque, le pays d’Europe le plus touché par le virus du sida ; avec de jeunes citadins venant s’établir à la campagne ; avec un grand décalage entre la génération des grand-parents de Frida, issus de la grande bourgeoisie et dont les idéaux se situent à droite de l’échiquier politique, et la génération de Marga et d’Esteve qui s’oppose à ces idéaux très conservateurs.

 


Deux gamines extraordinaires

Bien qu’on ne puisse que louer les prestations des comédiens adultes et, tout particulièrement, celles de Bruna Carsi qui interprète le rôle de Marga et de David Verdaguer qui joue Esteve, on préférera s’attarder sur Laia Artigas et Paula Robles, repectivement 6 ans et 4 ans, les deux jeunes comédiennes qui interprètent Frida et Anna. Certes, on a l’habitude d’être bluffé par le « jeu » de très jeunes comédiens dont c’est la première apparition à l’écran, mais, dans Été 93, on atteint des sommets. En effet, les scènes que la réalisatrice leur a demandé d’interpréter sont en général loin d’être faciles et elles s’en tirent à merveille. Il y a en particulier une scène assez longue, en plan séquence avec une quantité importante de dialogues, dans laquelle leur naturel et leur brio forcent l’admiration. On n’oubliera pas de féliciter la réalisatrice qui est bien sûr pour beaucoup dans leur réussite.

Conclusion

C’est avec une réalisatrice très prometteuse qu’on fait connaissance grâce à Été 93. Ce premier long métrage étant très autobiographique, on peut penser que le suivant le sera moins, voire pas du tout. On vérifiera alors si elle sait se montrer aussi à l’aise dans l’invention que dans la relation d’une partie importante de son vécu.

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