Test DVD : Mystery Road – Saison 1 + Films

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Mystery Road – Saison 1 + Films

 
Australie : 2018
Titre original : –
Réalisation : Rachel Perkins
Scénario : Michaeley O’Brien, Steven McGregor, Kodie Bedford, Tim Lee
Acteurs : Aaron Pedersen, Judy Davis, Deborah Mailman
Éditeur : ARTE Éditions / L’Atelier d’Images
Durée : 5h environ
Genre : Série TV, Policier
Date de sortie DVD : 2 juillet 2019

 

L’inspecteur Jay Swan, d’origine aborigène, est chargé d’enquêter sur une mystérieuse disparition dans une station d’élevage située dans une région reculée de l’Australie. Il enquête avec une flic locale, Emma James et leurs investigations révèlent bientôt une injustice passée qui menace l’ensemble de la communauté…

 


 

La saison + les films

[4,5/5]

Le coffret Mystery Road co-édité par ARTE Editions et L’Atelier d’Images contient rien de moins que deux longs-métrages et la première saison de la série TV dérivée de ces deux films. On notera qu’il s’agit de trois « entités » absolument indépendantes l’une de l’autre, que vous pourrez regarder dans l’ordre qu’il vous plaira sans nécessairement vous y perdre. Les DVD qui composent le coffret conseillent tout de même un « ordre » de visionnage, avec lequel on pourra être d’accord… Ou pas. Il est donc plutôt recommandé de commencer avec Mystery Road, le premier film, tourné en 2013. Jusqu’ici, tout va bien, comme dirait l’autre. C’est ensuite que ça se corse : ARTE Editions et L’Atelier d’Images recommandent d’enchaîner avec la série Mystery Road, tournée en 2018, pour terminer avec le deuxième long-métrage, Goldstone, quant à lui tourné… en 2016.

La chronologie avancée par l’éditeur a une certaine logique, mais celle-ci peut néanmoins être remise en question. En effet, si dans Goldstone, Swan déclare que sa fille est morte, l’information ne doit probablement pas être prise au premier degré : il s’agit d’un mensonge destiné à couper court à toute conversation. Pour s’en convaincre, il suffira de constater qu’au début de la série, l’inspecteur déclare également, ne pas avoir d’enfant, afin d’éviter toute discussion personnelle trop poussée. L’autre élément évident qui lie le premier long-métrage et la série se situe au niveau du casting : outre le personnage central interprété par Aaron Pedersen, on retrouve dans les deux Mystery Road une série de personnages en commun, qui sont en revanche absents du film de 2016. Cependant, une série d’indices dans la narration tendraient à nous laisser penser que Goldstone s’intègre bel et bien à la suite du premier film plutôt qu’à la suite de la série. Il est par exemple tout particulièrement clair que cette première saison de Mystery Road n’est pas une suite « immédiate » au premier film. L’exemple le plus frappant bien sûr concerne Crsytal, la fille de l’inspecteur Swan, qui passe de 16 à 21 ans entre le premier film et la série. De plus, dès le premier épisode de la série, une référence est faite au « gang de bikers » auquel a été confronté « dans le Sud » le personnage principal – ne s’agit-il pas d’une référence aux « Howlers », les motards faisant régner la terreur dans Goldstone ? Dans le même ordre d’idées, dans le film de 2016, on trouvera des références explicites aux événements survenus à la fin du premier film, qui auraient (re)plongé le personnage central dans la dépression et l’alcool, et qui tendent à laisser penser que peu de temps séparent les deux longs-métrages : « Je sais pourquoi ils t’ont envoyé ici… C’est parce que t’as foutu le feu à un gros essaim de guêpes là-bas, chez toi. Cinq types sur le carreau… Et t’as fait ça tout seul… J’imagine que buter autant de gens ça doit pousser n’importe qui dans l’alcool… » Ne vous compliquez donc pas la vie : le plus simple selon nous est – tout bêtement – de visionner films et série dans l’ordre où ils ont été tournés. Ou carrément de les regarder dans l’ordre que vous préférez : il n’est nul besoin d’en avoir vu un autre au préalable pour apprécier les deux films ou la série de façon indépendante.

 

 

Commençons donc avec le premier film : Mystery Road (2013) – un polar sombre, sans concession, à l’ambiance suffocante, que l’on pourrait sans peine affilier à la vague de thrillers américains des années 90 souvent appelée « Néo-Noir ». Sauf qu’en lieu et place des immensités désertiques américaines, des motels crasseux, des crimes crapuleux et des flics ripoux filmés par les frères Coen, John Dahl, Stephen Frears, Dennis Hopper ou encore Oliver Stone, Ivan Sen fait quant à lui le choix avec son film de transposer tout cela… En Australie, le bush et l’outback du pays prodiguant à l’écran le même résultat aride, rugueux, abîmant les âmes autant que les corps.

Le film met en scène le personnage de Jay Swan, flic aborigène envoyé enquêter sur le meurtre d’une jeune fille dans une petite ville australienne reculée dans laquelle il a passé des années. Solitaire et taciturne, le personnage incarné à l’écran par Aaron Pedersen se heurtera à la méfiance et à l’animosité de tous ceux qu’il croise : il est considéré comme un « traître » par les aborigènes parce qu’il est devenu flic, et ne semble pas plus intégré au sein de la petite communauté de policiers avec qui il est contraint de collaborer, pour le meilleur et pour le pire.

Avec son personnage quasi-mutique, ses coups de pression et ses affrontements musclés, Mystery Road affiche des accents presque « westerniens », faisant monter la pression jusqu’à un dernier acte littéralement extraordinaire, bain de sang attendu, féroce et jouissif, mis en scène avec une tension et une énergie assez redoutables par Ivan Sen.

 

 

Suite aux événements relatés à la fin Mystery Road, le personnage de Jay Swan semble à la dérive. Au début de Goldstone, il apparaît au spectateur comme l’ombre de lui-même : bourré, titubant, échevelé et au fond du trou, il est envoyé par le gouvernement fédéral australien au milieu de nulle-part (une coopérative minière en plein outback), à la recherche de filles disparues qui semblent être autant de chimères inaccessibles. Mais cette mise en rencard apparaîtra au final comme un véritable « chemin de croix » pour le personnage, qui renouera au fil du récit avec ses racines (par l’intermédiaire d’un aborigène un peu shaman incarné par la légende David Gulpilil) et finira par remonter la pente avec l’aide d’un flic local, enfant dans un corps d’adulte et amoureux d’une pute en situation irrégulière.

Sans doute encore plus âpre et désespéré que le film précédent, Goldstone permet à Ivan Sen d’explorer certaines facettes inconnues de la personnalité de son personnage de flic aborigène, tout en en laissant beaucoup d’autres dans l’ombre. Ainsi, les tenants et les aboutissants de l’enquête menée par Swan seront ici plus accessoires, et le pot aux roses sera vite dévoilé – ce qui intéresse d’avantage Sen dans cette suite est de mettre en évidence la ténacité de son personnage principal, qui s’avère le dernier fil – ténu – le retenant à la vie. Et l’inévitable explosion de violence finale n’en sera que plus forte et émouvante

A l’occasion de cette fusillade de fou furieux rappelant beaucoup le cinéma de Michael Mann, le personnage incarné par Aaron Pedersen s’impose comme une véritable icône badass, éradiquant au fusil à pompe tous les membres d’un gang de bikers engagés pour assurer la « sécurité » d’un système d’état corrompu dissimulant un trafic de prostitution organisée. Puissant, immersif et violent, Goldstone met certes un peu de côté la portée sociale du premier opus, mais livre au final un récit tout aussi extraordinaire, orchestré autour de la « résurrection » d’un homme dans la violence.

 

 

Comparé aux deux films écrits et réalisés par Ivan Sen, la série Mystery Road retrouve les rails d’un certain classicisme, et des mécanismes plus proches de la série policière traditionnelle. Développée pour le petit écran sous la supervision d’Ivan Sen, qui apparaît au générique au titre de producteur exécutif, la première saison du show reprend les partis pris esthétiques des deux films qui l’ont précédé (notamment les sublimes plans aériens qui rythmaient les longs-métrages) et développe une enquête volontairement lente et contemplative, jouant habilement sur le côté inquiétant du décor et de la faune locale. La chaleur écrase les personnages, l’atmosphère est étouffante et le résultat des investigations de Jay Swan, ici accompagné par une représentante de la police locale interprétée par Judy Davis, semble malheureusement joué d’avance. Car on n’imagine pas un seul instant qu’un tel décor puisse être celui d’un happy end.

En effet, comme au cœur des deux films, le décor désolé du bush et de l’outback australien semble jouer un rôle prépondérant. A la fois majestueux et dangereux, ce pays est propice à toutes les dérives, à tous les excès. Misère sociale, tensions communautaires, drogues en pagaille, abus sexuels, complots et sombres vengeances… Au fil de ses six épisodes, Mystery Road développe non seulement une lourde ambiance de western contemporain, comme si les personnages évoluaient au cœur d’une de ces villes de l’Ouest où les notions de loi et de justice étaient sans cesse bafouées.

Parallèlement, cette première saison propose également d’approfondir le voyage du spectateur aux côtés du personnage incarné par Aaron Pedersen. On en découvrira en effet un peu plus sur l’homme et ses fêlures, même si les traumatismes de son passé restent toujours un mystère. On découvrira aussi d’avantage sa fille et son ex-femme, aperçus plus ou moins longuement dans le premier film, mais qui prennent ici une importance considérable. On espère que la deuxième saison, prévue pour 2020, prolongera de façon tout aussi brillante cette plongée poisseuse et addictive dans l’enfer du Bush australien.

 

 

Le coffret DVD

[5/5]

C’est donc sous les bannières conjointes de ARTE Éditions et de L’Atelier d’images que le public français pourra aujourd’hui découvrir Mystery Road – Saison 1 ainsi que les deux films Mystery Road et Goldstone, au sein du même coffret 4 DVD. On ne peut que saluer bien bas l’initiative éditoriale d’avoir réuni les deux films et la série au sein d’un même coffret, bravo.

Côté technique, l’image est d’une belle précision, et rend honneur à la sublime photo de la série et des deux films. Les contrastes n’étouffent pas trop les noirs, et on ne dénote pas le moindre souci de compression : si les arrière-plans laissent par moments apparaître de légers fourmillements, l’éditeur compose parfaitement avec les qualités et les limites d’un encodage DVD. Du beau travail, que vient confirmer la présence sur les deux films de mixages Dolby Digital 5.1 VF / VO, immersifs et très efficaces dans les séquences d’action, et notamment lors de la dernière bobine de chacun des deux films, qui défouraillent de façon réellement impressionnante. La série est quant à elle proposée en Dolby Digital 2.0, à la fois en VF et en VO, et s’avère naturellement un peu en dessus niveau finesse et puissance.

Dans la section suppléments, on trouvera sur le DVD de Mystery Road, le film une featurette nous proposant quelques entretiens avec Aaron Pedersen, Jack Thompson et Ryan Kwanten ainsi qu’un long et très intéressant entretien avec le réalisateur Ivan Sen (21 minutes). Sur le DVD de Goldstone, on aura droit à une featurette d’une dizaine de minutes consacrée au tournage du film et donnant notamment la parole à Ivan Sen et Aaron Pedersen. Ils y évoquent les différences entre les deux films et la trajectoire de Jay Swan. Et sur les DVD consacrés à la série, ARTE Éditions et L’Atelier d’images nous proposent de nous plonger dans 18 minutes d’entretiens avec l’équipe, ce qui sera l’occasion de voir et d’écouter Judy Davis, Aaron Pedersen bien sûr, mais également Rachel Perkins, la réalisatrice des six épisodes de cette première saison.

 

Photo John Platt © Bunya Productions & All3Media international

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