Test Blu-ray : Un Zoo la nuit

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Un Zoo la nuit

Canada : 1987
Titre original : –
Réalisation : Jean-Claude Lauzon
Scénario : Jean-Claude Lauzon
Acteurs : Gilles Maheu, Roger Lebel, Lynne Adams
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h56
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie cinéma : 13 avril 1988
Date de sortie DVD/BR : 2 septembre 2025

Tout juste sorti de prison, Marcel retrouve sa vie d’avant, son appartement, ses synthétiseurs, et Julie, la fille qu’il aime mais qui s’est éloignée de lui. Il retrouve aussi son père, malade et abandonné, avec qui il voudrait bien se réconcilier. Harcelé par deux policiers qui cherchent à s’emparer de l’argent provenant du trafic pour lequel il est tombé, Marcel va tenter d’offrir un cadeau d’adieu à son père : une partie de chasse dans un zoo, la nuit…

Le film

[4/5]

Un zoo la nuit est un film extrêmement méconnu ; il s’agit d’un film québecois sorti en France au printemps 1988, et n’ayant eu aucun retentissement particulier dans notre pays, en dépit de son immense succès au Québec. Inattendu et dérangeant, le film de Jean-Claude Lauzon fait partie d’une espèce rare : celle des œuvres qui ne cherchent pas à plaire mais à exister, viscéralement. Pour son premier long-métrage, le futur réalisateur de Léolo balancait à la face du spectateur un véritable cocktail de tendresse et de brutalité, un peu comme si Ken Loach avait partouzé dans une cage à fauves avec David Lynch et le Mike Leigh de Naked. Vous avez dit « inattendu » ? Plutôt, oui…

Un zoo la nuit suit l’histoire de Marcel (Gilles Maheu), ex-taulard au regard de chien battu, qui tente de recoller les morceaux avec Albert, son père mourant (Roger Lebel), tout en échappant à deux flics corrompus qui veulent lui faire les poches – et pas seulement au sens figuré. Le film, tourné dans le Montréal nocturne et poisseux de la deuxième moitié des années 80, explore les liens familiaux, la rédemption, et les cicatrices qu’on ne montre pas sur Instagram. Et si l’on faisait un parallèle entre Un zoo la nuit et Naked un peu plus haut, c’est parce qu’au cœur de ces deux films, la nuit n’est pas seulement un décor : c’est un état d’âme. Chaque plan semble suinter une mélancolie urbaine, une solitude qui colle aux murs comme du sperme oublié dans une cabine de peep-show. La photographie de Guy Dufaux, tout en contrastes et en lumières rasantes, transforme les ruelles de Montréal en théâtre d’ombres, où les personnages errent comme des fantômes en quête de sens.

Et puis bien sûr il y a le zoo, lieu emblématique du film, qui devient presque naturellement le symbole d’une société qui enferme ses pulsions, ses désirs et ses douleurs derrière des barreaux bien propres. Et si l’on pousse la métaphore jusqu’à l’absurde – ce qui est toujours une bonne idée, n’est-ce pas – et quitte à passer pour un dangereux enculeur de mouches adepte de la branlette intellectuelle, on aurait tendance à penser qu’Un zoo la nuit peut aussi être considéré comme une fable sordide sur l’animalité refoulée, sur la bestialité qui sommeille en chacun – chez nous, chez vous, chez tout le monde, même – et peut-être encore plus – chez les épiciers de la BioCopp du coin ou les comptables véganes.

Mais Un zoo la nuit ne se contente pas de faire joli. Il interroge les notions de justice, de rédemption et de liberté ; il gratte également là où ça démange dans sa représentation des rapports père-fils. Albert, le paternel, est un vieux bougon cardiaque qui n’a jamais su dire « je t’aime » sans s’étouffer dans sa bière. Marcel, le rejeton, traîne quant à lui son mal-être comme une capote usagée dans une poche de jeans. Leur relation, faite de silences, de regards fuyants et de gestes maladroits, est filmée avec une pudeur rare, loin des clichés hollywoodiens où les retrouvailles se font toujours sous la pluie avec une musique de Coldplay. Un zoo la nuit préfère les non-dits, les frictions, les petits riens qui font les grands tout. Et c’est dans cette retenue que le film s’avère sans doute le plus beau.

L’ensemble est d’ailleurs d’autant plus marquant qu’Un zoo la nuit s’avère un bijou de mise en scène. Jean-Claude Lauzon, ancien publicitaire, maîtrise le rythme comme un DJ en fin de soirée : il sait quand faire monter la tension, quand lâcher la bride, et quand balancer une scène de violence crue pour réveiller le spectateur. Le montage de Michel Arcand, nerveux sans être hystérique, donne au film une respiration organique, presque animale. Et la musique de Jean Corriveau, discrète mais efficace, accompagne les errances de Marcel comme une bande-son intérieure, entre spleen et espoir. Les personnages secondaires sont également très intéressants. Julie, l’ex de Marcel devenue prostituée (Lynne Adams), incarne la désillusion amoureuse avec une justesse désarmante. Les flics véreux (Lorne Brass et Germain Houde) sont quant à eux des caricatures à peine déguisées du pouvoir en roue libre, et leur présence ajoute une couche de tension quasi kafkaïenne à l’ensemble.

Le Blu-ray

[4/5]

Le rôle d’un bon éditeur vidéo n’est pas seulement de nous permettre de revoir des films très attendus : c’est également de porter le regard du cinéphile sur des œuvres méconnues et/ou oubliées. Et c’est exactement ce que vient de faire Artus Films avec son édition Combo Blu-ray d’Un zoo la nuit, qui se distingue de plus également par son packaging élégant : un boîtier Digipack deux volets avec étui cartonné, contenant également un livre de 64 pages signé Sylvain Garel, intitulé « Jean-Claude Lauzon, le ciel est la limite », qui explore la trajectoire fulgurante du réalisateur québécois. Côté Blu-ray, la restauration Haute-Définition qui nous proposée ici par Artus Films s’avère globalement convaincante. L’image, bien que marquée par le grain typique du cinéma québécois des années 80, restitue avec fidélité la photographie nocturne et urbaine du film. Le piqué reste modeste, mais les contrastes sont bien équilibrés, avec des noirs profonds et une palette de couleurs respectueuse de l’ambiance crépusculaire voulue par Jean-Claude Lauzon. Quelques plans souffrent encore de légers fourmillements, notamment dans les séquences les plus sombres, mais l’ensemble demeure stable et agréable à l’œil. Côté son, la piste LPCM 2.0 en français offre une restitution claire des dialogues, sans souffle ni saturation. Le film nous est également proposé en Dolby Digital 5.1 : le mixage reste essentiellement frontal, cohérent avec le matériau d’origine, et la musique de Jean Saint-Jacques conserve toute sa puissance émotionnelle.

Les suppléments proposés par Artus Films sur cette édition Combo Blu-ray + DVD d’Un Zoo la nuit sont à la hauteur de l’événement. On commencera avec le court-métrage La Théorie Lauzon de Marie-Josée Saint-Pierre (15 minutes), hommage animé et sensible au cinéaste disparu. On continuera avec un entretien avec l’acteur Gaston Lepage (10 minutes), qui revient avec émotion sur le tournage et sa relation avec Lauzon. On terminera avec un diaporama d’affiches et de photographies ainsi qu’avec la traditionnelle bande-annonce. Bref, une édition indispensable pour les amateurs de cinéma québécois et les nostalgiques de ces années lointaines où les zoos avaient encore quelque chose à dire. Pour vous procurer ce Combo Blu-ray + DVD d’Un Zoo la nuit, rendez-vous sur le site d’Artus Films !

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