Le Travail c’est la liberté
France : 1959
Titre original : –
Réalisation : Louis Grospierre
Scénario : Louis Grospierre, Jacques Lanzmann
Acteurs : Raymond Devos, Sami Frey, Gérard Séty
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h22
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 20 décembre 1959
Date de sortie DVD/BR : 18 juin 2025
Les éboueurs étant en grève, les services publics font appel à des détenus qui, sous bonne garde, sont chargés d’enlever les ordures dans Paris. Trois d’entre eux essaient de profiter de cette semi-liberté pour entrer en contact avec leurs proches. Non sans difficultés ni péripéties, leurs efforts leur permettent de passer quelques heures dans leur quartier et d’éclaircir certaines situations. Un événement inattendu apportera même aux trois prisonniers la faveur d’une nuit entière près des leurs…
Le film
[3,5/5]
Si le nom de Louis Grospierre est malheureusement un peu retombé dans l’oubli au fil des années, au moment où il s’attelait à la mise en scène de son premier film, Le Travail c’est la liberté, il était encore auréolé, dans le petit monde cinéphile de la fin des années 50, du prix Jean Vigo 1958 pour son court-métrage Les Femmes de Stermetz, qui racontait l’histoire de sept femmes survivantes d’un massacre dans le petit village de Stermetz, en Yougoslavie, pendant la Seconde Guerre mondiale.
Mais Louis Grospierre n’était pas le seul au générique de Le Travail c’est la liberté à avoir été récemment récompensé. En effet, film est adapté d’une nouvelle de Françoise Mallet-Joris, qui venait également d’obtenir le prix Fémina pour son roman « L’Empire céleste », et le scénario était co-signé Louis Grospierre et Jacques Lanzmann, futur parolier de Jacques Dutronc, mais qui à l’époque venait de recevoir le prix Del Duca de soutien à la création littéraire.
Ça fait donc déjà pas mal de beau monde au générique de Le Travail c’est la liberté : à cela, on rajoutera une poignée d’acteurs aujourd’hui reconnus comme parmi les plus grands noms de la comédie française, tels que Raymond Devos (dont les apparitions au cinéma furent finalement assez rares), Sami Frey, ou encore bien sûr Jacques Dufilho et Hubert Deschamps, qui incarnent ici deux agents pénitentiaires attachants, humains et extrêmement professionnels – pendant le service, pas plus d’un apéro à la fois !
Le point de départ de Le Travail c’est la liberté ne manque pas d’originalité : durant une grève des éboueurs (qui sont ici régulièrement appelés les « boueux »), les services publics font appel à des prisonniers de droit commun afin de nettoyer les rues de Paris. Trois détenus, auteurs de menus forfaits (Raymond Devos, Sami Frey, Gérard Séty), en profiteront donc pour aller respirer l’air frais de la liberté durant quelques heures. Et puis, après tout, s’il y a possibilité de s’évader ou d’en profiter pour aller remettre un peu d’ordre dans leurs affaires familiales, pourquoi pas ?
Une partie de l’intrigue de Le Travail c’est la liberté sera consacrée à des balades dans le Paris de la fin des années 50. Montmartre, les gens des quartiers populaires parisiens, des chassés-croisés amoureux, des prisonniers au grand cœur : évidemment, il est bien difficile de ne pas penser au cinéma de René Clair, et en particulier à À nous la liberté. Ce n’est là bien sûr qu’un air de famille, le film de Louis Grospierre s’avérant naturellement plus moderne dans sa tonalité et dans ses dialogues, mais un air de famille tenace.
A mi-métrage, à force de marcher et de faire des pauses apéro avec nos trois prisonniers et leurs deux gardiens à vélo, on comprend où exactement voulait nous emmener Louis Grospierre avec Le Travail c’est la liberté : il nous invite également à prendre le temps, d’écouter son prochain, de boire des apéros et de faire l’amour – éventuellement avec plusieurs femmes, puisqu’on apprendra que le personnage d’Émile incarné par Raymond Devos est au minimum bigame, et peut-être même trigame puisque l’intrigue sous-entend qu’il a peut-être une troisième maîtresse le vendredi. Un bon moment !
Le Blu-ray
[4/5]
Curiosité oubliée du cinéma français exhumée par Gaumont, Le Travail c’est la liberté débarque sur support Blu-ray dans la prestigieuse collection « Blu-ray Découverte » de l’éditeur (également appelée « Gaumont découverte en Blu-ray »). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que pour un film allant tout doucement vers son soixante-sixième anniversaire, le film de Louis Grospierre affiche une bonne forme, prouvant à nouveau le soin maniaque apporté par l’éditeur à ses restaurations de films de patrimoine. L’image est d’une belle stabilité, le grain d’origine a été respecté, le piqué est précis et les contrastes pointus accentuent l’impression de profondeur de l’ensemble ; les gris sont riches, les blancs lumineux, bref, c’est une réussite. Côté son, le film est proposé dans un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine propre et clair, restituant parfaitement les dialogues ; si quelques légères saturations demeurent inévitables, aucun craquement intempestif ne viendra en revanche perturber l’oreille des spectateurs : du très beau travail acoustique.
Du côté des suppléments, étant donné le côté extrêmement confidentiel et oublié du film, l’éditeur nous propose un entretien avec Sylvain Perret (20 minutes). Le responsable éditorial de chez Gaumont nous donnera des informations très intéressantes sur le contexte de tournage et de sortie du film. Sans jamais chercher à affirmer que Le Travail c’est la liberté est un chef d’œuvre, il évoquera néanmoins les qualités d’écriture du film ainsi que ses qualités formelles et son côté « hors du temps », le film de Louis Grospierre empruntant autant au René Clair des années 30 qu’à la Nouvele Vague de la fin des années 50. Très intéressant !