Lake Mungo
Australie : 2008
Titre original : –
Réalisation : Joel Anderson
Scénario : Joel Anderson
Acteurs : Talia Zucker, Rosie Traynor, Steve Jodrell
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h29
Genre : Thriller, Fantastique
Date de sortie DVD/BR : 6 août 2025
Endeuillée par le disparition de leur fille une famille se retrouve confrontée à d’étranges événements paranormaux…
Le film
[4/5]
Malgré tout ce que l’on peut lire ici ou là sur les éditeurs vidéo en France, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce métier est en général pratiqué par de véritables passionnés, qui au-delà de l’aspect financier font preuve d’un réel désir de « transmission ». Dans le cas de la sortie en Blu-ray et DVD de Lake Mungo ce mois-ci, une partie du boulot éditorial effectué ici par ESC Éditions réside dans le fait de porter le regard du cinéphile vers une œuvre inconnue, afin de la lui faire découvrir dans toute son originalité, dans toute sa singularité. C’est précisément ce travail de transmission qui est à l’œuvre du côté de chez ESC quand l’éditeur prend la décision de sortir Lake Mungo, film australien datant de 2008 et jusqu’ici totalement inédit en France. Cela fait donc 17 ans que ce faux documentaire a été présenté en avant-première au Festival du film de Sydney, et s’il a gagné sa place dans le cœur des amateurs d’histoires de fantômes dans de nombreux pays anglophones, il restait jusqu’à ce jour quasiment inconnu chez nous. La sortie du film en Blu-ray devrait lui permettre de conquérir le public français.
Lake Mungo est donc un faux documentaire, utilisant avec habileté les codes du documentaire de type « True Crime », multipliant les formats de prises de vue en fonction des différentes séquences qu’il nous propose, et s’amusant également, au détour d’une poignée de scènes mémorables, à détourner le genre dit du « found footage ». Ainsi, même les cinéphiles considérant le found footage comme la lie du cinéma horrifique ne pourront que saluer les efforts du scénariste / réalisateur Joel Anderson, qui replace la mise en scène au cœur de son projet par l’utilisation d’une idée aussi simple qu’imparable : toute la force de ce film australien à petit budget réside en effet dans les recoins flous de chaque image, où se cachent des secrets, des souvenirs et peut-être – mais juste peut-être – des fantômes.
Véritable tour de force technique, Lake Mungo n’est pas une histoire vraie, mais donne vraiment l’impression d’en être une, grâce à son dispositif formel. Le film développe une histoire sombre tournant autour de la noyade d’une jeune fille de 16 ans, Alice Palmer (Talia Zucker). A partir des témoignages de ses proches, et notamment de ses parents June (Rosie Traynor) et Russell (David Pledger) et son frère Mathew (Martin Sharpe), le film parvient à capturer la difficulté de faire son deuil ainsi que la profonde tristesse qui persiste chez les vivants. Plutôt que de se confronter aux réalités de la perte, les personnages mis en scène par le film commencent à penser que le fantôme de leur fille hante désormais leur maison.
Ne parvenant à faire le deuil, les personnages sont tous confrontés à des difficultés différentes et terrifiantes : June se met à rentrer de nuit dans les maisons de ses voisins, d’étranges ecchymoses apparaissent sur le corps de Mathew, et Russell est confronté au fantôme de sa fille alors qu’il se recueillait dans sa chambre. Confrontés à ces événements déroutants, les Palmer commencent à penser que leur fille est peut-être encore en vie quelque part ; peut-être Russell a-t-elle mal identifié le corps ? Ils sollicitent donc l’aide d’un médium, Ray Kemeny (Steve Jodrell), et installent des caméras partout dans la maison. C’est à partir de ce moment que Lake Mungo va confronter le spectateur à des images étranges, dont les pixels semblent parfois témoigner de la présence d’Alice, qui semble jouer à cache-cache avec le spectateur.
L’ambiance développée par Lake Mungo peut s’avérer troublante, voire même terrifiante, mais Joel Anderson n’utilise en rien les codes du film de maison hantée, préférant placer le spectateur aux côtés de cette famille en deuil qui ne semble pas prête à laisser partir leur fille bien-aimée. Au fur et à mesure que le film avance, la véracité des images qui nous ont été montrées est remise en question ; mais à chaque fois qu’une explication nous est fournie pour un détail de l’image, le film nous en fait découvrir un autre, en zoomant sur telle ou telle partie du cadre. C’est ainsi que l’on découvrira dans les images de la chambre d’Alice la silhouette accroupie de leur voisin, Brett Toohey (Scott Terrill), dont la famille Toohey a déménagé six mois après la mort d’Alice. Que faisait-il caché chez eux ?
Au fur et à mesure que Lake Mungo dévoile ses mystères, le spectateur sera donc amené à revoir des images qu’il avait déjà vues, parfois à plusieurs reprises, et découvrira que son regard avait été sciemment dirigé dans le mauvais sens. On apprendra également qu’Alice avait déjà rencontré le médium, Ray, quelques mois avant sa mort. Dans ces scènes brèves et puissantes, enregistrées par Ray en VHS, Alice décrit un cauchemar qui ressemble à la fois à une horrible prémonition de sa mort et au terrible rêve de June où Alice, trempée, la fixait du pied de son lit. La juxtaposition des enregistrements des séances d’Alice et June (© Indochine) nous révélera finalement une autre signification possible des événements. Le générique de fin nous donnera également à revoir un certain nombre d’images que le film nous avait déjà précédemment montrées, en orientant cette fois notre regard dans une autre direction. Mais s’agit-il vraiment de la bonne ?
Tragique, obsédant et immersif, Lake Mungo ne joue par ailleurs jamais la carte de l’humour, pas plus que celle de l’horreur « traditionnelle ». Les fantômes sont ici à peine perceptibles : noyés dans l’obscurité, relégués dans un coin de l’image ou camouflés par un tel bruit numérique que l’on se pose des questions, même lorsque la caméra effectue des panoramiques et des zooms lents vers la silhouette. À l’instar de ces zooms, l’intrigue du film progresse méthodiquement, s’enrichissant progressivement de mystère, tandis que le spectateur est amené à décortiquer les détails de la mort d’Alice. À l’instar de la Laura Palmer de Twin Peaks, la vie d’Alice était imprégnée de secrets inavouables, au cœur desquels il faudra creuser pour trouver la vérité…
Le Blu-ray
[4/5]
C’est donc ESC Éditions qui nous offre aujourd’hui la possibilité de découvrir Lake Mungo sur support Blu-ray. Et pour le coup, l’éditeur a mis les petits plats dans les grands, avec une édition Combo Blu-ray + DVD présentée dans un Digipack trois volets, et surmonté d’un fourreau cartonné. Côté master, l’ensemble est également de toute beauté. En dépit d’un tournage qui alterne volontairement les séquences tournées en pellicule, en DV, en VHS ou même par le biais d’un téléphone portable, le piqué est gloabelement très précis, les couleurs magnifiques et la définition sans faille : c’est un sans-faute absolu. Du côté des pistes son, la VO s’offre un époustouflant mixage DTS-HD Master Audio 5.1, dynamique, immersif, dispensant son quota d’effets multi-canaux d’atmosphère. Pas de version française.
Côté suppléments, on commencera avec un commentaire audio de David Rapsey et John Brawley (VO), qui occupaient respectivement les postes de producteur et de directeur photo sur Lake Mungo. John Brawley y reviendra essentiellement sur les aspects techniques du tournage, les choix de caméra et bien plus encore, alors que David Rapsey évoquera davantage son implication dans le développement du film, la recherche de financement, la logistique, etc. On continuera ensuite avec une série de scènes coupées (14 minutes), probablement écartées du montage final pour des questions de rythme, et on terminera avec la traditionnelle bande-annonce, en faisant un détour par la présentation du film par Antoine Desrues (31 minutes). Ce dernier y reviendra sur la genèse et le tournage du film, sa force intrinsèque, les références à Twin Peaks ainsi qu’à Pique-nique à Hanging Rock, etc. Très intéressant !