The Ugly Stepsister
Norvège, Pologne, Danemark, Suède : 2025
Titre original : Den stygge stesøsteren
Réalisation : Emilie Blichfeldt
Scénario : Emilie Blichfeldt
Acteurs : Lea Myren, Thea Sofie Loch Næss, Ane Dahl Torp
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h49
Genre : Comédie, Horreur
Date de sortie cinéma : 2 juillet 2025
Date de sortie DVD/BR : 5 novembre 2025
Dans un royaume où la beauté règne en maître, la jeune Elvira doit faire face à une redoutable concurrence pour espérer conquérir le cœur du prince. Parmi les nombreuses prétendantes, se trouve notamment sa demi-sœur, à l’insolente beauté. Pour parvenir à ses fins dans cette impitoyable course au physique parfait, Elvira devra recourir aux méthodes les plus extrêmes…
Le film
[4/5]
Au fil des années, le conte de Cendrillon a déjà été trituré dans tous les sens : version Disney, version gore (Cinderella’s Curse), version féministe, version parodique… The Ugly Stepsister nous arrive de Norvège, avec une proposition qui, au lieu de se contenter de recycler le mythe, choisit de le dynamiter de l’intérieur. La réalisatrice Emilie Blichfeldt s’attaque ici à la figure honnie de la demi-sœur, celle qu’on ne regarde jamais, celle qui reste dans l’ombre. Et soudain, l’ombre devient le centre. Le film, porté par Lea Myren et Thea Sofie Loch Næss, transforme la rivalité familiale en cauchemar baroque, où la beauté est une arme et la laideur une malédiction sociale.
The Ugly Stepsister met en scène une société obsédée par l’image : la beauté y est un capital, une monnaie d’échange plus puissante que le Bitcoin ou les NFT. Le royaume imaginé par Emilie Blichfeldt fonctionne comme une dystopie où l’apparence détermine la valeur des individus. Elvira, l’héroïne, doit affronter sa demi-sœur, incarnation de la perfection physique, pour conquérir le cœur du prince. Mais derrière cette lutte amoureuse se cache une réflexion sur la tyrannie des standards esthétiques. Le film rejoint ainsi des préoccupations extrêmement contemporaines : réseaux sociaux, filtres Instagram, chirurgie esthétique. A sa façon, The Ugly Stepsister est le miroir noir de notre époque, un Black Mirror médiéval, où la quête de likes se traduit par une quête de couronne.
Et parce qu’il s’agit d’un film parlant de « beauté », The Ugly Stepsister nous propose une esthétique absolument remarquable. Marcel Zyskind, chef-opérateur, compose des images qui oscillent entre le conte de fées et le cauchemar gothique. Les couleurs saturées, les éclairages contrastés, les gros plans sur les visages déformés par la douleur ou la jalousie, tout participe à créer une atmosphère de body horror élégante. On pense parfois à Julia Ducournau (Titane) ou à Ari Aster (Midsommar), mais Emilie Blichfeldt garde sa singularité : elle ne cherche pas le choc gratuit, elle construit une tension lente, presque insidieuse. The Ugly Stepsister est un film qui prend son temps, qui installe ses personnages avant de les détruire. Et cette lenteur, loin d’être un défaut, donne au récit une densité rare dans le cinéma d’horreur contemporain.
Dépassant le simple conte revisité, le film d’Emilie Blichfeldt interroge la notion de beauté comme instrument de pouvoir, mais aussi la sororité, la rivalité, et la manière dont les femmes sont enfermées dans des rôles imposés. La demi-sœur, traditionnellement caricaturée en figure grotesque, devient ici une héroïne tragique. La scénariste / réalisatrice détourne les clichés : au lieu de dénoncer la méchante sœur, elle montre que la méchanceté est produite par un système qui valorise la perfection et rejette la différence. Alors bien sûr, on pourrait affirmer que The Ugly Stepsister prouve qu’il vaut mieux avoir une sœur moche qu’un beau-frère idiot, mais derrière le bon mot se cache une vérité : le film déconstruit les hiérarchies arbitraires qui régissent les relations humaines.
The Ugly Stepsister s’inscrit dans une vague de films qui revisitent les contes sous un angle horrifique. On pensera forcément un peu à Blanche-Neige : Le Plus Horrible des contes de Michael Cohn, au Gretel & Hansel d’Osgood Perkins, ou même aux mises en scène de Joël Pommerat pour le théâtre. Mais là où ces œuvres se contentaient souvent de simplement ajouter une couche de noirceur aux contes qu’ils adaptaient, Emilie Blichfeldt va plus loin : elle questionne la fonction même du conte. Pourquoi raconter toujours l’histoire de la belle et pas celle de la laide ? Pourquoi valoriser la pureté et condamner la différence ? La cinéaste a le mérite de revisiter le mythe sans le trahir, qu’importe si son film est imparfait et parfois trop démonstratif : il possède une sincérité et une force visuelle qui invitent le spectateur à regarder autrement, à accepter que la beauté n’est pas une vérité absolue, mais avant tout une construction sociale.
Avant de terminer, il nous faut également souligner la performance des actrices. Lea Myren, en Elvira, incarne la fragilité et la rage avec une intensité rare. Thea Sofie Loch Næss, en demi-sœur parfaite, joue sur l’ambiguïté : beauté glaciale, mais aussi vulnérabilité cachée. Ane Dahl Torp, en marâtre, apporte une dimension presque shakespearienne au récit. The Ugly Stepsister repose en grande partie sur ces interprétations, qui donnent chair à des archétypes et les transforment en personnages complexes. Bref, si vous voulez vous convaincre que les Norvégiens savent faire autre chose que du saumon et des pulls en laine, foncez sur The Ugly Stepsister – un film qui bouscule les codes et réussit le tour de force de s’avérer tout à la fois drôle, beau et dérangeant.
Le coffret Blu-ray 4K Ultra HD
[5/5]
Le coffret Blu-ray 4K Ultra HD de The Ugly Stepsister, édité par ESC Films, est une véritable pièce de collection. Édition limitée à 2000 exemplaires, il se présente sous la forme d’un boîtier Mediabook finition tissu, avec débossage et dorures à chaud, accompagné d’une couverture de protection. L’objet en lui-même est déjà une œuvre d’art, digne des plus beaux livres illustrés. À l’intérieur, on trouve le Blu-ray 4K Ultra HD du film, le Blu-ray standard, ainsi qu’un livret de 52 pages richement illustré. L’image, qui nous est proposée en Dolby Vision + HDR10, est tout simplement splendide : les contrastes sont profonds, les noirs denses, les couleurs saturées sans excès. Les séquences nocturnes, souvent délicates à restituer, sont ici parfaitement lisibles, et les gros plans sur les visages conservent une précision chirurgicale. Le son, en DTS-HD Master Audio 5.1 en VF comme en VO, offre une spatialisation immersive : la version originale se distingue par une dynamique plus ample, notamment dans les moments de tension ; la version française reste claire mais légèrement moins nuancée. Les dialogues, en particulier ceux de Lea Myren, gagnent à être savourés en version originale, où l’intonation et la musicalité de la langue norvégienne ajoutent une dimension supplémentaire.
Côté suppléments, le Blu-ray 4K Ultra HD de The Ugly Stepsister est plutôt bien pourvu. On commencera par un commentaire audio de la réalisatrice Emilie Blichfeldt et du chef-opérateur Marcel Zyskind, qui reviendront sur les choix esthétiques et narratifs du film. On poursuivra ensuite avec un entretien avec Emilie Blichfeldt (32 minutes), qui s’avère particulièrement riche : elle y reviendra notamment sur la genèse du projet, sur son envie de revisiter le conte de Cendrillon sous un angle horrifique, et sur la manière dont le film reflète les obsessions contemporaines autour de la beauté et du corps. La scène coupée (3 minutes) montre un échange intime entre Elvira et Agnès, révélant à la fois complicité et rivalité. Deux courts-métrages d’Emilie Blichfeldt complètent l’ensemble : How Do You Like My Hair ? (11 minutes), déjà centré sur la question de l’apparence, et Sara’s Intimate Confessions (22 minutes), qui explore la sexualité et la vulnérabilité avec une audace rare. Les featurettes promotionnelles (2 minutes) sont anecdotiques, mais ajoutent un petit complément sur le casting. Enfin, la galerie de projets d’affiche et la bande-annonce permettent de mesurer l’évolution de l’identité visuelle du film. L’ensemble compose un panorama cohérent et passionnant, qui éclaire le travail de la réalisatrice et enrichit considérablement l’expérience de visionnage. En somme, le Blu-ray 4K Ultra HD de The Ugly Stepsister est une édition de référence, à la fois pour la qualité technique et pour la richesse des suppléments.






















