Test Blu-ray 4K Ultra HD : Jarhead – La fin de l’innocence

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Jarhead – La fin de l’innocence

États-Unis : 2005
Titre original : Jarhead
Réalisation : Sam Mendes
Scénario : William Broyles Jr.
Acteurs : Jake Gyllenhaal, Jamie Foxx, Peter Sarsgaard
Éditeur : Universal Pictures
Durée : 2h03
Genre : Guerre, Drame
Date de sortie cinéma : 11 janvier 2006
Date de sortie BR/4K : 17 décembre 2025

Été 1990, 1ère guerre du Golf. Anthony Swofford, tout juste 20 ans, est envoyé dans le désert saoudien. Son bataillon de Marines est parmi les premiers à se déployer dans l’immense étendue de sable. Pour ces jeunes déracinés, gavés d’images et de répliques guerrières, ivres de rock et de bière, commence alors la longue et dérisoire attente d’un ennemi fantôme. La soif, la peur, l’épuisement, les frustrations et les tensions extrêmes s’additionnent dans un climat de plus en plus explosif…

Le film

[3,5/5]

Jarhead, la fin de l’innocence n’est pas un film de guerre classique, mais un film sur l’attente, sur le vide qui ronge plus sûrement que les balles. Sam Mendes y transforme le désert saoudien en salle d’attente géante, où les Marines se consument dans l’ennui et la frustration, comme s’ils étaient les figurants d’un blockbuster qui ne démarre jamais. Le cinéaste filme l’ennui comme d’autres filment l’action, et c’est là que réside la force du film : montrer la guerre du Golfe non pas comme une succession de batailles héroïques, mais comme une interminable attente, ponctuée de sueur, de paranoïa et de blagues douteuses. L’innocence se perd moins dans le fracas des balles que dans le silence des journées où rien ne se passe.

Jarhead, la fin de l’innocence repose sur Jake Gyllenhaal, dont le visage oscille entre la rage contenue et l’ennui abyssal. Le film ne cherche pas à glorifier le Marine, mais à le montrer comme un pion perdu dans un échiquier trop grand pour lui. Roger Deakins, derrière la caméra, transforme le désert en une toile monochrome, un tableau hypnotique où chaque grain de sable semble peser plus lourd qu’un tank. La mise en scène épouse cette idée : les plans larges écrasent les personnages, les rapprochant de fourmis en uniforme. Et quand Mendes ose un travelling, c’est pour souligner l’absurdité de cette guerre fantôme.

Et puisque la guerre est une promesse non tenue, Jarhead, la fin de l’innocence devient une méditation sur l’attente, presque une performance artistique sur le vide. Comme un ado s’astiquant tranquillement dans sa chambre, les Marines s’entraînent, fantasmant sur le moment où ils tireront enfin… Mais ce moment n’arrive jamais. Le film devient alors une espèce de parabole sur le désir frustré : l’arme reste vierge, le tir n’a pas lieu, et l’énergie accumulée se transforme en névrose. Mendes filme cette frustration comme une tragédie intime, où l’ennemi est invisible, et où la seule bataille est contre soi-même. Il n’est pas interdit de penser à Apocalypse Now, mais vidé de ses hélicoptères et de ses flammes : ici, le chaos est intérieur, et c’est encore plus dérangeant.

Le film joue aussi avec l’idée de masculinité en uniforme. Dans Jarhead, la fin de l’innocence, les Marines, coincés entre fantasme héroïque et réalité monotone, se construisent une virilité de pacotille, façon concours de testostérone. La caserne est transformée en un club de stand-up, où chaque punchline sent la sueur et la bière tiède. Mais derrière ces plaisanteries, Mendes dévoile une fragilité profonde : ces hommes sont des gamins qui se cachent derrière des insultes pour ne pas avouer qu’ils sont terrifiés. L’humour devient un masque, et c’est là que le film touche juste. On rit, puis on réalise que ce rire est une béquille pour ne pas s’effondrer.

La bande-son de Thomas Newman, discrète mais obsédante, accompagne Jarhead, la fin de l’innocence comme une respiration artificielle. Elle ne cherche pas à galvaniser, mais à accentuer le malaise. Chaque note semble dire : « rien ne viendra », et cette absence devient le cœur du film. Sam Mendes détourne les codes du film de guerre : pas de climax, pas de victoire, juste une longue descente dans l’ennui. Et paradoxalement, c’est ce refus du spectaculaire qui rend son film si puissant. Le film ose montrer que la guerre, parfois, n’est qu’un désert où l’on attend de rentrer chez soi. Et c’est précisément ce refus du spectaculaire qui en fait une œuvre marquante, à la fois drôle, dérangeante et étrangement poétique.

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[4/5]

L’édition Blu-ray 4K Ultra HD de Jarhead, la fin de l’innocence, éditée par Universal Pictures, se présente dans un Steelbook élégant, qui reflète parfaitement l’austérité du film. Le visuel, minimaliste mais classieux, joue sur des teintes sable et acier, rappelant l’univers visuel de Roger Deakins. L’image, en HDR10 et Dolby Vision, est une claque silencieuse : le désert saoudien retrouve une profondeur hypnotique, chaque grain de sable devient une particule de temps suspendu. Les contrastes sont superbes, les noirs profonds, et les visages marqués par la sueur apparaissent avec une précision presque clinique. Côté son, la VO en Dolby Atmos enveloppe l’espace sonore, accentuant l’impression de solitude dans le désert, tandis que la VF en DTS 5.1 fait de son mieux, mais s’avère naturellement moins immersive. Les dialogues sont clairs, les ambiances désertiques bien restituées, même si la version originale conserve une supériorité évidente dans la spatialisation.

Les suppléments du Blu-ray 4K Ultra HD de Jarhead, la fin de l’innocence sont généreux et variés. On aura tout d’abord droit à deux commentaires audio. Le premier est assuré par Sam Mendes, et nous proposera pêle-mêle des anecdotes de tournage, des réflexions sur l’adaptation du livre ainsi qu’une analyse assez fine du positionnement politique du film. Dans le deuxième, on entendra le scénariste William Broyles Jr. et l’auteur Anthony Swofford, qui nous proposent une plongée dans la vie des Marines et les différences entre la guerre du Vietnam et celle du Golfe. Du côté des bonus vidéo, on commencera avec une poignée de scènes coupées (20 minutes). Bien que ces scènes n’apportent pas grand-chose au film, il est intéressant d’entendre les explications de Sam Mendes et du monteur Walter Murch, dans le commentaire audio optionnel, sur les raisons de leur suppression. On continuera ensuite avec d’autres scènes coupées, centrées sur les rêves de Swoff (6 minutes) – des scènes intéressantes, qui ajoutaient une touche poétique et introspective à l’ensemble, mais qui ont dû être coupées faute de temps et pour des raisons de fluidité narrative. Elles disposent également d’un commentaire audio optionnel de Sam Mendes et Walter Murch.

Les interviews inédites intégrales (17 minutes) sont les versions intégrales des scènes d’entretiens avec les soldats du film, et nous permettent de retrouver Jake Gyllenhaal, Peter Sarsgaard, etc. Comme les scènes coupées précédentes, ces interviews sont disponibles avec un commentaire audio optionnel de Sam Mendes et Walter Murch. On continuera ensuite avec le journal de bord du film, présenté par Sam Mendes (31 minutes). Le cinéaste nous y expliquera qu’il a fait appel à son équipe pour réaliser ce making of. La productrice Laura Nix, le caméraman Jerry Henry et les acteurs étaient ainsi équipés de caméras. Une deuxième partie de ce documentaire, essentiellement consacré aux figurants présents sur le tournage de Jarhead, est également disponible, avec une introduction de Sam Mendes (31 minutes). Enfin, Sam Mendes nous présentera également un troisième documentaire, intitulé « Semper Fi », constitué d’entretiens avec d’anciens Marines. Devant le micro de Laura Nix et Anthony Swofford, ils évoqueront leur « retour » et leur réinsertion dans la vie civile – on y découvrira les cicatrices laissées par l’armée.

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