Critique : Reservoir Dogs

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quentin tarantino

afficheReservoir Dogs

États-Unis : 1992
Titre original : –
Réalisateur : Quentin Tarantino
Scénario : Quentin Tarantino, Roger Avary
Acteurs : Harvey Keitel, Tim Roth, Michael Madsen, Chris Penn, Steve Buscemi
Distribution : Metropolitan FilmExport
Durée : 1h39
Genre : Policier, Thriller
Date de sortie : 02 septembre 1992 – ressortie 12 août 2009

5/5

Coup d’essai, coup de maître. Bienvenue dans la matrice de ce qui sera l’univers tarantinesque par excellence, pétri de pop culture, de violence décomplexée, d’une bande-son rétro et de dialogues dont on n’a pas fini de vanter la maîtrise.

Synopsis : Six malfrats se lancent dans un braquage qui aussitôt tourne mal : la police est déjà sur place et s’apprête à les cueillir, mais quelques uns parviennent à s’en tirer et se retrouvent sur le lieu de rendez-vous comme prévu. Qui a trahi ? Doute, peur, paranoïa et violence vont alors constituer le cocktail de leurs confrontations.

tim roth

Rire et mourir avec classe

Première leçon de cinéma du maître avec ce film indépendant au pitch minimaliste et à la réalisation hors pair. Récit fragmenté et pourtant d’une saisissante fluidité, Reservoir Dogs nous entraîne dans les coulisses d’un braquage raté qui s’achève en cauchemar sanglant.

Avant de nous plonger dans une spirale de coups de feu et d’hémoglobine, Tarantino nous livre un prologue qui réunit tous les personnages autour d’un petit-déjeuner et introduit une ambiance décontractée – alimentée par des conversations sur le sens de Like a Virgin de Madonna ou encore un discours sur le non-sens du pourboire par un Steve Buscemi à la nervosité piquante. Les répliques dynamiques et improbables si propres à Tarantino fusent déjà et annoncent la couleur – ou plutôt les couleurs, chacun s’étant vu attribué un pseudonyme tels Mr Blue et Mr Brown pour garantir l’anonymat.

Lors de cette scène d’ouverture, la caméra, au plus près des personnages, placée juste derrière leur dos, décompose les visages comme chacun le fera par la suite pour tenter de déceler qui est le traître. Puis, sortie au ralenti, générique et ellipse brutale ; dans une voiture conduite par Mr White (Harvey Keitel), Mr Orange (Tim Roth) se vide de son sang à l’arrière, poussant des gémissements d’agonie. Banquette de cuir blanc maculée d’un sang rouge vif, refus de la linéarité, second degré qui ne vire jamais au vulgaire, le ton est donné : le film se regarde le sourire aux lèvres, mais d’un sourire qui se conjugue parfaitement avec l’élégance subtil de la mise en scène.

Tout au long du film, la caméra avance, se retire, tourne, s’arrête, mais se promène toujours avec discrétion entre les personnages et exploite brillamment les points de vue permis par le décor. Constamment en mouvement, elle semble accrochée aux lèvres et aux actes des protagonistes. Tarantino s’amuse derrière l’objectif et son énergie est communicative : bref, on se délecte de la descente aux enfers de ces malfrats qui pètent les plombs. Car malgré les costards, lunettes, cigarettes, leur braquage ressemble à une farce, une vaste blague, comme ils les apprécient tant, mais dont la chute aurait fait un flop magistral.

quentin tarantino

Quand les grands esprits se rencontrent

La logique narrative suit celle des rencontres successives avec Joe, le mafieux à l’origine du coup qui choisit de réunir les six hommes. Des intertitres annoncent le personnage dont il va être question dans le flash-back qui s’ensuit, éclairant les motivations de chacun. Ces chapitres s’enchaînent sans accroc avec régulièrement des retours au présent. Chaque scène est soignée comme une pièce autonome du puzzle, qui s’assemble en un récit nourri d’anecdotes aussi éloquent sur les personnages que leurs réactions respectives face au désastre : évidemment, trop bavards et confiants pour être sensés. D’où la violente brisure de l’ego, fragilisé par l’imprévu, palpable après l’échec du casse lors du retour au point de rendez-vous : l’absurdité de la situation vient de cette adhésion scrupuleuse au plan, malgré le danger que la police les trouve, « parce que c’était prévu ainsi ».

Au rythme d’une bande-son seventies irréprochable, on explore l’avant et l’après hold-up avec bonheur, le tout saupoudré de dialogues et de scènes qui laissent leur empreinte dans le 7ème art – comment évoquer Reservoir Dogs sans penser à la cultissime scène de l’oreille coupée ? -, jusqu’au retentissant bouquet final.

 

Résumé

Diamant brut du grand écran, Reservoir Dogs s’impose comme une évidence dans la filmographie de Tarantino, le concentré d’un imaginaire qu’il a su et sait toujours exploiter. Tout son cinéma est déjà là, explosif, cinglant et sanglant à souhait. Un avant-goût de ce qui encore vingt ans plus tard reste sa marque de fabrique, maintes fois imitée mais inégalable. Son talent réside peut-être dans cette faculté à se forger un style, une élégance cinématographique unique sans se conforter dans la facilité du moule et de la recette à succès. Goûtez ce premier chef d’œuvre, vous en aurez la preuve.

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