Livre : A la recherche de la lumière (Oliver Stone)

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A la recherche de la lumière
États-Unis, 2020
Titre original : Chasing the Light Writing Directing and Surviving Platoon Midnight Express Scarface Salvador and the Movie Game
Auteur : Oliver Stone
Traduction : Diniz Galhos
Éditeur : Les Éditions de l’Observatoire
477 pages
Genre : Autobiographie
Date de parution : 7 octobre 2020
Format : 227 mm X 148 mm
Prix : 23 €

3,5/5

Même si Oliver Stone n’occupe plus le devant de la scène médiatique depuis de nombreuses années, il fut un temps où le réalisateur de Platoon et JFK avait de quoi remuer les bonnes consciences aux États-Unis et à l’international. Considéré à juste titre comme le trublion du cinéma américain des années 1980 et ’90, Stone avait toujours su garder une remarquable liberté de ton et d’esprit, quitte à se faire de nombreux ennemis. Cette même indépendance farouche porte son autobiographie, parue en 2020, de la première jusqu’à la dernière page. Il y adopte le parti pris de n’évoquer que ses premières années de lutte acharnée pour se faire une place dans le monde du cinéma hollywoodien, faisant dès lors l’impasse sur la quasi-totalité de son œuvre après sa première nuit de consécration unanime, lors de la 59ème cérémonie des Oscars en mars 1987.

Bien que l’on puisse éprouver une certaine frustration face à ce récit sciemment tronqué – à quand les tomes suivants, susceptibles de nous en apprendre davantage sur cette carrière passionnante en dents de scie ? –, Stone est un conteur passionnant de son propre destin cabossé. Sans doute, cette aisance manifeste de se raconter lui provient-elle de ses débuts prometteurs en tant que scénariste de films aussi mémorables que Midnight Express de Alan Parker et Scarface de Brian De Palma. Toujours est-il que les digressions vers le travail et la vie plus récents du cinéaste s’y font excessivement rares, l’auteur nous amenant à travers ses premières années de doutes et de galères sans jamais faillir dans son propos et avec une sagesse considérable.

Ainsi, « A la recherche de la lumière » fait office d’un formidable avant-goût de ce qui pourrait peut-être suivre un jour, à l’image de l’ample autobiographie de Michael Powell, même si l’âge de celui qui deviendra octogénaire dans un peu plus d’un an ne nous autorise pas trop d’espérer à ce niveau-là !

Midnight Express © 1978 David Appleby / Casablanca Filmworks / Columbia Pictures / Sony Pictures Entertainment France
Tous droits réservés

Synopsis : Avant de connaître la consécration tardive à quarante ans passés grâce à l’épopée de la guerre du Vietnam Platoon, Oliver Stone avait déjà vécu mille vies. Le fils unique d’une jeune Française et d’un soldat américain et banquier à Wall Street, Stone ne s’était guère prédestiné à cette vie sous les projecteurs d’Hollywood. Après des études bâclées, il s’était engagé dans l’armée américaine et avait participé activement à la guerre du Vietnam pendant plus d’un an. Cette expérience au front l’avait profondément marqué. Alors que son récit fictif de cette vie en pleine jungle allait mettre près de vingt ans avant de débarquer sur les écrans de cinéma du monde entier, Stone s’était fait auparavant un nom en tant que scénariste de films aux sujets sulfureux, voire tendancieux.

Scarface © 1983 Sidney Baldwin / Martin Bregman Productions / Universal Pictures International France
Tous droits réservés

Rétrospectivement, il ne serait pas exagéré de considérer la vie et la carrière de Oliver Stone comme une odyssée en trois actes. Pour le moment, nous ne disposons hélas que du premier chapitre – en près de cinq-cents pages, tout de même ! – de cette vie d’exception. Et pourtant, il y aurait tant à dire et à apprendre des deux volets suivants, à savoir celui de la maturité avec des films marquants, de Wall Street à Alexandre, en passant par Né un 4 juillet, JFK, Tueurs nés, Nixon et L’Enfer du dimanche, puis celui d’un certain déclin ou en tout cas d’un choix formel, le documentaire, et thématique, des portraits discutables des autocrates d’hier et d’aujourd’hui, loin de la passion communicative du jeune cinéaste. Or, c’est probablement ce même idéalisme propre à la jeunesse qui rend la lecture de cet ouvrage si passionnante !

Car Oliver Stone y fait preuve d’une distance quasiment parfaite à l’égard du débutant passablement naïf qu’il était lors de ces balbutiements dans les métiers de scénariste et de réalisateur. Tout en étant largement conscient des erreurs qu’il a pu commettre à l’époque, Stone ne prend ni une posture de vieux sage aigri, ni de nostalgique pleurant sur le temps perdu et les occasions ratées. Bien au contraire, son style d’écriture très fluide, à la vulgarité finement dosée, nous permet de prendre entièrement part à ce cheminement longtemps dépourvu d’une finalité claire.

A ce sujet, l’auteur n’est certes pas tendre avec ses parents – rien de plus ordinaire de la part d’un enfant confronté à la tragédie du divorce de ses parents, alors qu’il est un adolescent envoyé dans un internat loin du foyer familial ! –, mais il sait saisir brillamment cet éternel rapport de positionnement ambigu que la progéniture humaine doit négocier toute sa vie envers les exigences de son père et de sa mère.

Salvador © 1986 Gary Anthony Farr / Hemdale / Cinema 84 / Patsa Productions / Amazon MGM Studios
Tous droits réservés

Ce qui ne veut aucunement dire que « A la recherche de la lumière » ne serait qu’une banale séance d’autoanalyse écrite de tout ce qui n’aurait pas marché dans l’éducation du jeune Oliver. Pour l’essentiel, le livre constitue une observation aussi riche que révélatrice des dures réalités du monde du cinéma. Le fait de se concentrer exclusivement sur la première période difficile du parcours de Stone prend dès lors tout son sens, grâce aux innombrables obstacles qui lui barraient alors la route vers la gloire et la reconnaissance. En premier lieu, ce sont la plupart des producteurs, Dino De Laurentiis et Martin Bregman en tête, dont Stone a gardé de (très) mauvais souvenirs. À l’exception notable de son mentor mille fois remercié John Daly, responsable de son envol tardif à travers le coup double la même année de Salvador et Platoon.

Par contre, Oliver Stone affiche un regard plus nuancé sur le travail de ses confrères qui transposaient ses histoires originales avec plus ou moins de fidélité sur grand écran. En dehors de la descente en flammes de Alan Parker, son propos se distingue par une honnêteté très appréciable pour mettre les choix des uns et des autres dans leur contexte respectif. Ainsi, il ne se réjouit nullement des fins de carrière compliquées de Hal Ashby (Huit millions de façons de mourir) et Michael Cimino (L’Année du dragon), pas plus qu’il ne s’attarde sur les différents qui avaient pu l’opposer à John Milius (Conan le barbare) et Brian De Palma (Scarface). Sur toute cette série de déceptions à répétition plane plutôt la conscience éclairée que cette première longue traversée du désert lui aura permis d’apprécier d’autant plus sa fin inopinée à partir de décembre 1986.

Avec en prime des rencontres savoureuses avec des légendes du cinéma, de Billy Wilder à Marlon Brando, et des possibilités de casting qui peuvent laisser doucement ou amèrement rêveur, comme Al Pacino en vétéran de guerre dans Né un 4 juillet ou Tom Cruise et Warren Beatty en tête d’affiche de Wall Street.

Platoon © 1986 Ricky Francisco / Hemdale / Cinema 84 / Orion Pictures / Amazon MGM Studios Tous droits réservés

Conclusion

Contrairement à l’image clivante qu’il traine actuellement derrière lui en guise de casserole idéologique, Oliver Stone se présente en quelque sorte sous son meilleur jour dans cette autobiographie passionnante. C’est-à-dire non pas comme un fayot qui n’aurait rien à se reprocher et qui ferait tout son possible pour se mettre abusivement en avant, mais en tant que conteur lucide de sa propre histoire, aussi décourageante puisse-t-elle être parfois. De surcroît, « A la recherche de la lumière » bénéficie d’une traduction de qualité, avec en prime le choix éditorial plus que raisonnable de regrouper la cinquantaine de photos personnelles à la fin du livre, afin de ne pas perturber sa lecture des plus plaisantes !

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