
Après les trois mois d’été plutôt copieusement fournis en termes de ressorties, la rentrée rime avec un programme de films de patrimoine sensiblement plus modeste. En effet, ce sont moins de quinze films qui repasseront sur vos écrans de cinéma dans de belles copies restaurées au fil des quatre mercredis que compte le mois de septembre 2025. Ils sont répartis en trois rétrospectives aussi pointues qu’originales, dédiées aux cinéastes Gregg Araki, Vera Chytilova et Kenji Misumi, ainsi qu’en quatre titres signés entre autres par les valeurs sûres de la cinéphilie que sont Akira Kurosawa, Joseph L. Mankiewicz et Nanni Moretti.
Curieusement, ces quatre films reflètent les grandes lignes de la sélection mensuelle. À savoir l’absence totale d’œuvres françaises, une bonne représentation du cinéma asiatique, une présence hollywoodienne à la fois iconoclaste et brillante et, surtout, une drôle de concentration dans le temps sur le début des années 1960 et plus largement sur les années ’80 et ’90.

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Dès aujourd’hui, Carlotta Films, grand vulgarisateur de la filmographie du maître japonais Akira Kurosawa, profite de la sortie prochaine en ligne du nouveau film de Spike Lee – Highest 2 Lowest, disponible sur Apple TV+ à partir de ce vendredi 5 septembre – pour ressortir l’original, Entre le ciel et l’enfer. Le même jour, chez Malavida Films, vous aurez l’occasion de vous replonger corps et âme dans Palombella Rossa, la satire doucement corrosive de Nanni Moretti sortie initialement en France fin novembre 1989.
Une semaine plus tard, grâce aux Acacias, le classique des classiques Eve de Joseph L. Mankiewicz – Oscar du Meilleur Film en 1951 – ressort afin de familiariser de nouvelles générations de spectatrices et de spectateurs avec le tour de force iconique de Bette Davis en particulier et le brio de la plume de Mankiewicz dans ce regard mordant sur le monde du spectacle en général. Enfin, le 24 septembre Splendor Films remet à l’affiche le seul film d’animation de patrimoine de ce mois-ci : Quand souffle le vent de Jimmy T. Murakami et son histoire de peur d’une guerre atomique, parfaitement dans l’air du temps en 1986, l’année de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et l’un des sommets de la Guerre froide !

Trilogie « Teenage Apocalypse »
A l’image de bon nombre de ses contemporains ayant donné un nouvel élan au cinéma indépendant américain dans les années ’90, on n’entend plus tellement parler du réalisateur Gregg Araki (* 1959). Son dernier long-métrage de cinéma remonte carrément à plus de dix ans avec White Bird, qui était sorti en France à la rentrée 2014. Depuis, Araki a essentiellement œuvré pour la télévision, à travers ses participations aux séries « American Crime », « 13 Reasons Why » et « Now Apocalypse ». C’est à se demander si la voix iconoclaste et queer du réalisateur a encore sa place dans un paysage cinématographique de plus en plus aseptisé …
Heureusement pour nous, Capricci nous a concoctés une belle petite rétrospective partielle de Gregg Araki, qui sortira sur les écrans dans deux semaines, le 17 septembre. On y trouve même un inédit puisque Totally F***ed Up n’avait jusqu’à présent pas eu les honneurs d’une sortie en salles vers chez nous. De quoi se familiariser à nouveau avec l’univers décalé du réalisateur, avant que celui-ci n’accède à la maturité artistique en 2004 avec Mysterious Skin. Ces trois films antérieurs, portés par son acteur attitré James Duval, livrent des portraits au vitriol d’une jeunesse américaine aussi punk qu’ouverte dans ses goûts sexuels et affectifs.
A vérifier par conséquent, si cet état d’esprit a su résister à l’épreuve du temps – plus d’un quart de siècle plus tard, tout de même – ou bien s’il s’agit d’un retour nostalgique vers une époque infiniment moins cynique que ne l’est la nôtre actuellement.

L’incandescente Vera Chytilova
Le même jour que la rétrospective Gregg Araki, le 17 septembre donc, la jeune maison de distribution Contre-jour nous gratifie de la pépite filmique sans doute la plus originale du mois. La preuve par trois également, cette fois deux courts-métrages et un long, qui reviennent sur les débuts de la carrière de la réalisatrice tchèque Vera Chytilova (1929-2014). Le seul de ses films a priori familier du public cinéphile serait Les Petites marguerites, qui était ressorti chez Malavida il y a trois ans, presque jour pour jour.
Dans les deux courts-métrages Le Plafond et Un sac de puces, de 42 minutes chacun et donc parfaitement adaptés pour être présentés en un double programme d’une durée plus que raisonnable, la réalisatrice s’interroge sur la place des femmes dans la société tchèque du début des années ’60. Tandis que son premier long Quelque chose d’autre conte la double histoire d’une gymnaste professionnelle et d’une mère de famille dépassée, qui tentent chacune à sa façon de reprendre pied dans une existence qui leur échappe. Avec ce coup de projecteur des plus fascinants, Contre-jour Distribution poursuit son travail de découverte du cinéma de patrimoine d’Europe de l’Est entamé en mars dernier avec Ucho de Karel Kachyna.

Kenji Misumi La Lame à l’œil
Enfin, le 24 septembre, le bras classique de The Jokers persévère lui aussi dans la promotion d’une cinématographie en particulier, en l’occurrence le cinéma de genre japonais des années ’60. Ainsi, quatre semaines après la rétrospective en six films des drames sulfureux signés Yasuzo Masumura, le distributeur déroule le tapis rouge – en quatre films cette fois – au réalisateur japonais Kenji Misumi (1921-1975). A signaler que ces mêmes films avaient d’ores et déjà fait l’objet d’une ressortie en juin 2024, en parallèle d’une rétrospective intégrale en plus de cinquante films à la Cinémathèque Française. Qu’à cela ne tienne, le 50ème anniversaire de la disparition de Misumi, précisément le 24 septembre 1975 d’épuisement, est un prétexte comme un autre pour s’émerveiller devant ses films de sabre.
Car les quatre films retenus de nouveau par The Jokers excellent dans ce genre typiquement japonais, entre l’action sanglante et le respect de traditions et de mythes ancestraux. Cela vaut autant pour Zatoichi Le Masseur aveugle, le premier de six films de l’univers Zatoichi tournés par Misumi que pour Tuer, Le Sabre et La Lame diabolique, tous réalisés en l’espace de trois ans, entre 1962 et ’65. On ne peut qu’encourager cette initiative à répétition de faire découvrir au public français des pans du cinéma japonais du XXème siècle, en dehors des classiques de la part de Kurosawa, Ozu et Mizoguchi, déjà maintes fois restaurés !
