Critique : Sky

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ASky

France, Allemagne : 2015
Titre original : Sky
Réalisateur : Fabienne Berthaud
Scénario : Pascal Arnold, Fabienne Berthaud
Acteurs : Diane Kruger, Norman Reedus, Gilles Lellouche, Lena Dunham
Distribution : Haut et Court
Durée : 1h43
Genre : Drame
Date de sortie : 6 avril 2016

Note : 3,5/5

« Le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs » s’enorgueillissait Shakespeare en laissant fuir la belle Rosalinde dans Comme il vous plaira. Travestie en homme, le costume lui laissait alors le champ libre pour lever toutes les inhibitions qui traversent la vie des hommes. Avec Sky Fabienne Berthaud poursuit cet héritage littéraire pour sublimer les mésaventures d’une femme à la recherche d’elle-même. Récit initiatique ou mythe moderne, le film brouille les pistes pour nourrir l’imaginaire du spectateur. Cinq ans après les fantaisistes Pieds nus sur les limaces, la réalisatrice signe un retour (presque) gagnant !

Synopsis : Tandis qu’elle est en vacances avec son mari dans l’ouest des États-Unis, Romy, la trentaine, se rend compte que cette union ne lui convient plus. Elle décide alors de partir sur les longues routes de ce territoire plein de promesses…

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La route comme seul plan de fuite

Alors qu’elle arbore un kitchissime costume de « rabbit » en plein centre de Las Vegas, Diane Kruger perce l’écran qui sépare le spectateur de cet univers à la fois onirique et tragiquement humain. Fardée et vêtue comme une vulgaire prostituée, l’élégance de ses gestes trahit les subtiles nuances du genre humain. Anéantie, hésitante mais combattive, Romy fuit un mari (Gilles Lellouche) et un drame depuis longtemps enfouis dans les méandres du déni. Malgré une faible présence, l’acteur français parvient à laisser au spectateur un sentiment d’angoisse quasi spectrale. Les longs silences et plans larges donnent à l’agonie de la jeune femme une résonance plus forte encore.

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Fuir, partir loin et ne jamais revenir… L’actrice et le personnage font très vite corps, tant et si bien que la peur devient l’unique horizon du film. Tout tenter, se faire une place quelque part… « J’ai peur, j’ai fait des kilomètres » dit-elle nerveusement au policier qui l’interroge sur son aventure américaine. La route est semée d’embûches, symbole d’une énième difficulté de la vie qu’il faut surmonter. La route lui (re)donnera-t-elle cette liberté tant recherchée ? Tel est l’enjeu de ce film complexe et original.

La difficulté à saisir la portée du message tient à cette hybridité voulue par la réalisatrice. À la croisée du thriller, du film initiatique et du drame, le film tire toutes les ficelles, quitte à verser, parfois, dans une certaine incohérence. Non, Sky ne peut se résumer à un « road movie. » Cependant, il en prend singulièrement les traits à de nombreuses reprises et les paysages arides et désertiques que traverse la vieille guimbarde de l’héroïne acculée, épouse à merveille la tension dramatique. Le regard nerveux et intrusif de la caméra permet aux spectateurs de pénétrer aisément dans cet univers viril, notamment incarné par le talentueux et superbe Norman Reedus.

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Les illusions perdues

Le long-métrage conserve les topoï des grands espaces de l’ouest américain : la route, la liberté, l’espoir d’un renouveau et les innombrables opportunités, sur fond d’héritage amérindien. Le film se moque puis sanctifie les grands emblèmes de l’Amérique contemporaine, avec une allégresse jouissive. L’ex-soldat malade et dépressif, la prostituée colérique et susceptible, le vieux gérant d’hôtel nostalgique des grandes heures de la région ainsi que la mère blanche pauvre et édentée forment la merveilleuse galerie de portraits d’un système à bout de souffle. Les désillusions des uns alimentent les espoirs des autres … et ainsi va la vie ! Cette petite litanie parcoure le film d’un bout à l’autre et lui offre une dimension universelle. La quête du lieu habitable dans cette hostilité écrasante est frappante de justesse. Le ciel et la vie sont changeants, alors autant renoncer à la lutte et lâcher prise.

L’une des plus belles réussites de Sky est justement de conserver l’équilibre entre tradition esthétique et modernité thématique. Les personnages sont tous à bouts de souffle, livrés à eux-mêmes face à l’immensité et à l’hostilité du monde moderne. L’absurde côtoie la contemplation et la beauté avec une étonnante harmonie.

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Conclusion

En somme, Sky est une belle réalisation qui a su tirer le meilleur de plusieurs genres cinématographiques et qui est parvenue à célébrer l’imaginaire de l’ouest américain tout en lui donnant un souffle nouveau.

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