Critique : Les Olympiades

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Les Olympiades

France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Jacques Audiard
Scénario : Jacques Audiard, Léa Mysius, Céline Sciamma d’après trois nouvelles graphiques d’Adrian Tomine
Interprètes : Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant, Jehnny Beth
Distribution : Memento Distribution
Durée : 1h47
Genre : Comédie, Drame, Romance
Date de sortie : 3 novembre 2021

3.5/5

La réputation de Jacques Audiard est telle qu’il n’est pas vraiment nécessaire d’écrire de longs chapitres pour le présenter : fils du non moins célèbre Michel Audiard, il a réalisé Regarde les hommes tomber, son premier film, en 1993, il a reçu de nombreuses récompenses aux Césars, il a fait une très belle moisson de récompenses cannoises : Meilleur scénario avec Un héros très discret en 1996, Grand Prix du Jury avec Un prophète en 2009, Palme d’Or avec Dheepan en 2015. Jacques Audiard était de nouveau à Cannes cette année avec Les Olympiades.

Synopsis : Paris 13e, quartier des Olympiades. Emilie rencontre Camille qui est attiré par Nora qui elle-même croise le chemin de Amber. Trois filles et un garçon. Ils sont amis, parfois amants, souvent les deux.

Quatre trentenaires à Paris

Les Olympiades, c’est une ville dans la ville, le résultat d’une opération immobilière qui s’est déroulée il y a une cinquantaine d’années dans le 13ème arrondissement de Paris. Tous les bâtiments, toutes les rues portent des noms en rapport avec les Jeux Olympiques, ceux de villes qui les ont accueillis ou des noms de disciplines olympiques. Après avoir réalisé Les Frères Sisters, un western tourné comme il se doit dans de grands espaces naturels, Jacques Audiard a ressenti le besoin d’aller vers son opposé, de filmer en noir et blanc des citadins dans le confinement d’une grande métropole. Accompagné dans l’écriture du scénario par deux réalisatrices, Léa Mysius et Céline Sciamma, il s’est tourné vers l’adaptation de 3 nouvelles graphiques de l’auteur américain Adrian Tomine. On commence par rencontrer Emilie, qui, après de longues études, se retrouve à travailler dans un centre d’appels. Emilie rencontre Camille, un professeur de français titulaire du CAPES et qui voudrait tenter l’agrégation. On les quitte pour rencontrer Nora qui a travaillé durant plusieurs années dans l’agence immobilière de son oncle, dans une ville de province, et qui a décidé de rejoindre Paris pour reprendre ses études de droit. Suite à une confusion due au port d’une perruque blonde lors d’une soirée et au harcèlement orchestré par certains de ses condisciples, Nora rencontre Amber Sweet, une Cam-Girl. Et puis, pour boucler la boucle, Nora va rencontrer Camille.

Un marivaudage d’aujourd’hui

Dans ce quartier très cosmopolite des Olympiades, les trentenaires Emilie, Camille, Nora et Amber Sweet sont forcément très différent.e.s : Emilie est franco-chinoise et doit faire face à des attentes familiales; Camille est noir, il vient d’une famille « intello », il rechigne à s’engager dans une vraie vie de couple ; Nora est une provinciale qui a tout pour elle sauf qu’elle est persuadée du contraire ; Amber Sweet est franche, elle est libre, elle sait ce qu’elle veut. Emilie, Camille, Nora et Amber Sweet sont très différent.e.s, mais ont au moins un point commun : les 3 femmes et l’homme sont trentenaires dans le monde d’aujourd’hui, un monde connecté, avec tous les nouveaux moyens de communication, avec les réseaux sociaux, avec le porno sur internet, un monde où on ne sait plus dire « Je t’aime ». Observé.e.s par la caméra de Jacques Audiard, c’est donc à un marivaudage d’aujourd’hui que se livrent Emilie, Camille, Nora et Amber Sweet.

Le réalisateur ne s’en cache pas : en 1969, alors qu’il n’avait que 17 ans, la vision de Ma Nuit chez Maud d’Eric Rohmer l’avait beaucoup impressionné, avec cet homme et cette femme qui se séduisent mutuellement en parlant d’une foultitude de sujets durant toute une nuit mais qui, tout étant passé par des mots, ne ressentent même plus le besoin du désir charnel l’un pour l’autre à la fin de cette nuit. Pour Jacques Audiard, un peu plus de 50 ans plus tard, il y a une complète inversion dans la façon dont on aborde une nouvelle rencontre : on couche d’abord et, ensuite, éventuellement, on parle. On pourrait tiquer en insistant sur le fait que Jacques Audiard est un homme, donc pas forcément bien placé pour parler de ce que ressentent, de ce que vivent les 3 personnages féminins, et que, à près de 70 ans, il ne connait pas forcément très bien la façon dont se déroulent aujourd’hui les rapports de séduction chez les trentenaires. Sauf qu’il a travaillé le scénario avec 2 femmes, l’une, Léa Mysius, qui a très exactement l’âge des protagonistes du film, l’autre, Céline Sciamma, une dizaine d’années de plus.

Distribution, photographie

Des quatre comédien et comédiennes interprétant les rôles principaux dans Les Olympiades, la plus connue est sans conteste Noémie Merlant, l’interprète de Nora. Film après film, cette comédienne de 32 ans prend une place de plus en plus importante dans le cinéma français. Dans Les Olympiades, elle est une fois de plus d’une grand justesse ! Moins connue (C’est son premier grand rôle au cinéma !) mais très juste également, Lucie Zhang, l’interprète d’Emilie, est une belle découverte. Jehnny Beth, l’interprète d’Amber Sweet, a une plus grande notoriété, mais plus comme chanteuse que comme comédienne. Quant à Makita Samba, l’interprète de Camille, il avait déjà joué un premier rôle dans Angelo, un film sorti en e-cinema au début de 2019. La justesse de tous ces protagonistes trouve sans doute une grande partie de sa source dans la décision prise par Jacques Audiard : l’organisation, 3 jours avant le début du tournage, d’un filage sans interruption de l’intégralité du scénario sur la scène d’un théâtre parisien. Les acteurs ont pu ainsi se voir jouer les uns et gagner ainsi en confiance.

Par ailleurs, Les Olympiades fait l’objet d’un beau travail artistique au niveau de la photographie. En effet, la vision en noir et blanc de ce quartier parisien qui ne ressemble à aucun autre quartier de la capitale est esthétiquement magnifique, rappelant la vision de New-York donnée par Woody Allen dans Manhattan. C’est la première fois que Jacques Audiard travaillait avec Paul Guilhaume, le Directeur de la photographie. On peut penser que sa coscénariste  Léa Mysius est pour quelque chose dans ce choix : Paul Guilhaume était son directeur de la photographie (et coscénariste) dans Ava, son premier long métrage en tant que réalisatrice, et il occupe les mêmes fonctions dans Les cinq diables, son deuxième long métrage, actuellement en post production.
 

Conclusion

Dans Les Olympiades, Jacques Audiard propose une étude intéressante sur la façon dont les nouveaux moyens de communication ont modifié les rapports intimes entre les êtres, qu’ils soient réellement de type amoureux ou pas. Ce propos est complété par une très belle photographie en noir et blanc tirant partie du charme d’un quartier de Paris qu’on connait peu et qui n’a rien d’haussmannien.

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