Critique : Le défi du champion

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Le défi du champion

Italie : 2019
Titre original : Il Campione
Réalisation : Leonardo D’Agostini
Scénario : Leonardo D’Agostini, Antonella Lattanzi, Giulia Steigerwalt
Interprètes : Stefano Accorsi, Andrea Carpenzano, Ludovica Martino
Distribution : Destiny Films
Durée : 1h45
Genre : Comédie, Drame
Date de sortie en salles: 5 août 2020
Date de sortie en VOD : 5 novembre 2020

4/5

Comme la plupart de ses collègues, Leonardo D’Agostini, par ailleurs monteur et scénariste, a commencé sa carrière de réalisateur par des court-métrages, des publicités et des vidéos clips. A 41 ans, le voilà qui réalise son premier long métrage, une plongée pleine d’intérêt sur la rencontre de deux hommes que tout sépare se déroulant dans un contexte footballistique. Alors que le film est sorti il y a un plus d’un an en Italie, Leonardo D’Agostini s’est vu décerner le Ruban d’Argent du meilleur nouveau réalisateur, en juin 2019, par le syndicat national des journalistes cinématographiques italiens.

Synopsis : Christian, jeune star du football de l’AS Roma, est un joueur rebelle, indiscipliné et immensément riche. Suite à de nouvelles frasques, le président du club doit rapidement remettre son champion dans le rang : s’il veut continuer à jouer, il doit étudier et passer son bac ! Valerio, un homme solitaire et fauché, est embauché comme professeur particulier. Ils vont apprendre l’un de l’autre et, entre les deux, va naître une amitié inattendue..

la rencontre de deux hommes que tout sépare

Peut-être faites vous partie de celles et ceux qui apprécient de regarder un match de football, que ce soit dans un stade ou à la télévision. Peut-être même êtes vous fan d’un joueur particulier ou supporter ou supportrice de tel ou tel club. Peut-être, au contraire, êtes vous choqué.e par les salaires que touchent les stars du football et/ou par des facettes de leur comportement, que ce soit sur le terrain ou en dehors. Au contraire ? Pourquoi « au contraire » ? Après tout, il est tout à fait possible pour une seule et même personne de faire partie de l’ensemble des familles évoquées ci-dessus ! De toute façon, le plus important réside dans le fait que, quelle que soit votre position par rapport au football et à ses stars, elle aura une influence minime sur votre ressenti de Le défi du champion, car, si l’action se déroule dans un contexte footballistique, le plus important est ailleurs : il est dans la rencontre de deux hommes que tout sépare, l’âge, le milieu d’origine, la culture, la fortune, à l’exception d’un point commun, la solitude. Il est dans la complicité, dans l’amitié qui va naître et s’épanouir durant les 105 minutes que dure le film. Il réside dans la réflexion sur l’éducation que le film nous propose.

La solitude ? A voir le nombre de gens qui tournent autour de lui, on pourrait  douter que Christian Fero, la star de l’AS Roma, soit vraiment seul dans la vie : un père qui l’escroque et dont l’intérêt pour son fils n’est fonction que des zéros sur son compte en banque, un agent agité mais dont l’utilité est douteuse, une petite amie dont l’intérêt principal dans la vie consiste à compter ses « followers » sur Instagram, des « amis » qui s’incrustent dans sa vaste villa et qui vivent à ses crochets. Eh bien, oui, malgré toutes ces présences autour de lui, Christian est bel et bien seul car il n’y a rien de profond dans les liens qui le réunissent à tous ces parasites. Quant à Valerio Fioretti, un professeur cultivé et désargenté, il vit seul dans le souvenir cruel d’un deuil qui a entrainé sa séparation d’avec son épouse. Le football ? C’est à peine s’il sait qu’il s’agit d’un jeu de ballon qui se joue avec les pieds. Pour tout dire, quand le Président de l’AS Roma, exaspéré par les frasques de son joueur vedette et voyant dans une préparation au baccalauréat le moyen de le ramener dans le droit chemin, lui propose de servir de professeur/tuteur à Christian, Valerio ne sait même pas de qui il s’agit.

Une métamorphose

Pour Leonardo d’Agostini, « les meilleurs films de foot sont des films sans foot ». Qui ne montrent pas d’actions footballistiques, voulait-il dire sans doute. « Sans foot du tout » s’apparentant à une gageure, il y a quand même quelques scènes de football dans Le défi du champion. Très bien filmées, elles mettent en scène de véritables joueurs professionnels et des effets spéciaux numériques permettent de croire que l’action se déroule dans le Stade Olympique de Rome alors que les joueurs officiaient sur la pelouse du stade de Pise. Toujours dans le cadre du football, le film ne se prive pas, également, d’égratigner le business du foot dans la mesure où il est difficile de ne pas comprendre que, pour le Président de l’AS Roma, la préparation au baccalauréat qu’il impose à Christian est motivée beaucoup plus par l’augmentation de la valeur de son joueur qu’il pourra en tirer que par une éthique lui paraissant importante concernant le comportement des joueurs de son équipe.

Toutefois, le film se concentre avant tout sur trois sujets : la description très crédible d’un jeune et talentueux joueur de football que des travers de sa personnalité, renforcés par son éducation, ou, plutôt, son manque d’éducation, pourraient empêcher de devenir un immense joueur ; la transformation qui peut s’opérer sur une telle personnalité pour peu que quelqu’un arrive à percevoir quelle est sa forme d’intelligence et le conduise patiemment vers davantage de savoir-vivre, vers davantage de savoir tout court ; la transformation en sens inverse qui s’opère sur le professeur/tuteur retrouvant un sens à sa vie au contact de la jeunesse. Certes, on est au cinéma et on peut être surpris par la rapidité avec laquelle Christian se métamorphose. Il ne faut toutefois pas perdre de vue qu’un élément important est survenu : lui qui croyait être stupide, ce qui d’ailleurs, ne le gênait pas du tout, eh bien quelqu’un s’est aperçu qu’il ne l’était pas, grâce à un exercice de tactique footballistique réalisé sur un tableau, et cette mise en valeur est arrivée à titiller son ego.

Les atouts des comédiens

Le scénario de Le défi du champion n’étant pas d’une grande tendresse envers le milieu du football professionnel de haut niveau, il n’y avait rien d’évident à ce qu’un grand club italien accepte de prêter son nom, ses maillots et ses installations à Leonardo D’Agostini, afin de lui permettre de donner au film la crédibilité qu’il recherchait. Etant supporter de l’AS Roma, ce fut le premier club que le réalisateur contacta, et, à sa grande surprise, le scénario plut à leurs dirigeants. Au départ, Leonardo D’Agostini avait en tête deux joueurs bien précis, deux joueurs de très grand talent mais que leur comportement imprévisible avait empêchés d’atteindre les sommets : Mario Balotelli et Antonio Cassano. Rumeur ou vérité, on a souvent raconté que l’AC Milan aurait engagé un ancien policier pour servir de tuteur/garde du corps au premier et on a aussi parlé de l’embauche d’un psychologue du sport. Quant au second, la mère d’Antonella Lattanzi, compagne du réalisateur et coscénariste du film, fut sa professeure de mathématiques lorsqu’il jouait à Bari. Ses conseils ont été précieux pour comprendre comment s’y prendre face à un élève qui n’a a priori aucune appétence pour les études.

Parfaitement documenté sur le sujet, il restait une étape importante à Leonardo d’Agostini avant de commencer le tournage de son film : choisir les interprètes de Christian et de Valerio. Sur les conseils de Matteo Rovere, un des producteurs du film, le choix s’est porté sur Stefano Accorsi pour jouer le rôle du professeur. Ce comédien, très renommé en Italie et qui a également tourné une demi-douzaine de films dans notre pays, avait manifestement tous les atouts pour briller dans ce rôle : la stature, le look, le calme. Concernant l’interprète de Christian, le réalisateur était parti avec l’idée d’engager un fils d’immigrés. La rencontre avec Andrea Carpenzano, lors du casting, l’a amené à changer son fusil d’épaule. Il est vrai que ce jeune comédien qu’on avait déjà apprécié dans Frères de sang il y a 18 mois, avait également un atout important pour obtenir le rôle : tout en n’étant absolument sportif, il y a tout dans son physique pour qu’on puisse voir en lui un grand joueur de football. A leur côté, on remarque surtout Ludovica Martino, l’interprète d’Alessia, une ancienne amie d’enfance de Christian qui a suivi un tout autre chemin que lui mais qui contribue également à lui remettre les pieds sur terre.

 

Conclusion

Le défi du champion a tout pour devenir la bonne surprise cinématographique de l’été ! Pensez donc : les amateurs de football, sevrés pendant des mois, pourront y voir de belles images de leur sport favori, mais, en même temps, leur longueur, plutôt réduite, sera loin de poser un problème à celles et ceux que ce sport n’intéresse pas, voire même insupporte. Par contre, l’ensemble des spectateurs et des spectatrices devraient se retrouver pour apprécier cette rencontre entre deux hommes que tout sépare et la relation de type père/fils, très positive pour eux, qu’elle va engendrer.

 

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