Critique Express : On vous croit

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On vous croit  

Belgique : 2025
Titre original : –
Réalisation : Charlotte Devillers, Arnaud Dufeys
Scénario : Charlotte Devillers, Arnaud Dufeys
Interprètes : Myriem Akheddiou, Laurent Capelluto, Natali Broods
Distribution : Jour2fête
Durée : 1h18
Genre : Drame
Date de sortie : 12 novembre 2025

4.5/5

Synopsis : Aujourd’hui, Alice se retrouve devant un juge et n’a pas le droit à l’erreur. Elle doit défendre ses enfants, dont la garde est remise en cause. Pourra-t-elle les protéger de leur père avant qu’il ne soit trop tard ?

Est-il indispensable qu’un film ait une durée supérieure à 3 heures pour qu’on puisse parler de grand film à son sujet ? Est-il nécessaire qu’un film aligne moult scènes de poursuites, ou de bagarres, ou d’échanges de coups de feu pour qu’on ressente à sa vision une grande tension, un suspense haletant, ou, tout simplement, le sentiment d’être pris aux tripes ?  On vous croit, le film belge réalisé par Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys, apporte de façon très claire une réponse négative à ces 2 interrogations : ce film ne dure que 78 minutes, c’est un huis clos se déroulant dans un tribunal, un huis clos ne réunissant qu’une poignée de personnages dans lequel les seules armes utilisées sont celles de la parole et … c’est un grand film qui ne peut que bouleverser les spectateurs les plus endurcis. Une mère, Alice, et ses 2 enfants, Lila et Etienne, ont été convoqué(e)s par la justice pour être confronté(e)s à M. Goossens, l’ex-mari d’Alice et le père de Lila et de Etienne, un homme dont Alice a peur et que ses enfants refusent dorénavant d’approcher.  Entre Alice et son ex-mari, il va être question de la garde des enfants mais aussi de quelque chose encore plus grave. En plus de ces 4 personnages, vont participer à cette confrontation une juge, l’avocate de la mère, l’avocate du père et l’avocat des enfants. On comprend vite que cette affaire n’a rien de nouveau, qu’elle aurait même tendance à durer depuis trop longtemps au détriment des enfants, d’Etienne en particulier, qui, au traumatisme engendré par les abus qu’il a subis de la part de son père, voit s’ajouter le traumatisme de ne pas être cru et de devoir revivre sans cesse ce qu’il a vécu. Loin de protéger les victimes, la justice devient alors un espace où les blessures sont ravivées. Pour Charlotte Devillers, professionnelle de santé travaillant avec des victimes de violences sexuelles, il est particulièrement important d’écouter et de prendre en considération la parole des enfants sans quoi ils n’osent plus parler. D’autant plus important que, selon les expériences qu’elle a vécues, « Les enfants, contrairement aux adultes, ne peuvent pas maintenir des mensonges complexes et cohérents sur une longue durée ».

Face au sujet très sensible qu’elle et lui souhaitaient traiter, Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys se sont retrouvé(e)s face à une difficulté déjà rencontrée par de nombreux réalisateurs, c’est-à-dire réaliser un film qui soit un très fort moment de vérité sans avoir la possibilité de faire ce qui, en principe, se rapproche le plus de la vérité : un véritable documentaire. En effet, il était inimaginable pour eux d’exposer de véritables victimes à l’écran, qui plus est des enfants ! Pour faire en sorte que leur film soit le plus proche possible de cette vérité recherchée et soit également exempt de tout manichéisme, Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys ont fait des choix très forts : l’utilisation du format carré qui rend avec beaucoup plus de justesse le sentiment d’étouffement ressenti par Alice et ses enfants, ainsi que par nous, spectateurs ; le mélange dans le casting d’interprètes professionnels, d’enfants et de véritables avocat(e)s jouant un rôle qu’elles et il connaissent parfaitement, le leur ; le choix d’un décor minimaliste ; et, surtout, le choix de filmer en continu, en temps réel, avec 3 caméras, la scène principale du film, celle de l’audience proprement dite, un choix qui permettait aux interprètes de se rapprocher au maximum des conditions d’une véritable audience, de leur faire oublier qu’ils jouaient une scène de cinéma et d’avoir des réactions spontanées aux actions des autres. Le montage effectué pour reconstituer cette scène à partir des images et du son capté(e)s par ce dispositif est une magnifique réussite et il contribue pour beaucoup à maintenir une très grande tension tout au long du film. Grâce à ce montage, on vit avec une grande intensité la vision et l’écoute de ces plans superbes où, en même temps qu’on entend s’exprimer des avocates qu’on ne voit pas, une caméra scrute les visages et les mouvements corporels d’Alice et de M. Goossens, qui ne peuvent alors extérioriser leur ressenti que par des mimiques plus ou moins appuyées. Bien entendu, le travail demandé aux interprètes professionnels et aux avocat(e)s n’a pas été le même, les premiers ayant travaillé leur texte de façon précise alors que les seconds ont préparé leur scène comme ils l’auraient fait dans le cadre d’une véritable plaidoirie. Le résultat obtenu est exceptionnel. Dans le rôle d’Alice, Myriem Akheddiou, dont on avait déjà apprécié la remarquable prestation dans Sages-femmes de Léa Fehner, est tout simplement époustouflante dans son rôle de mère-louve qui semble se trouver en permanence au bord d’un précipice émotif. A son côté, Laurent Capelluto est excellent dans le rôle difficile du père, un homme qu’on accuse et qui ne comprend pas, ou qui fait très bien semblant de ne pas comprendre, la ou les raisons de ces accusations.

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