Critique Express : Leila et les loups

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Leila et les loups

Liban, France, Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, Suède : 1984
Titre original : Leila wa al ziap
Réalisation : Heiny Srour
Scénario : Heiny Srour
Interprètes : Rafik Ali Ahmad, Nabila Zeitouni, Raja Nehme
Distribution : DHR distribution / A Vif Cinemas
Durée : 1h35
Genre : Documentaire, Histoire, Drame
Date de sortie : 7 mai 2025

3.5/5

Synopsis : Leila, étudiante libanaise, voyage à travers le temps et l’espace pour réfuter la version coloniale et masculine de l’Histoire présentée par son amoureux Rafic. Son périple commence sous le Mandat Britannique des années vingt et finit dans la Guerre Civile libanaise. Survolant 80 ans d’Histoire, elle procède à l’excavation archéologique de la mémoire collective des femmes palestiniennes et libanaises et révèle leur rôle occulté. Au bout de son voyage elle réalise que le Patriarcat opprime également les hommes.

Une vision féministe de 80 ans d’histoire

L’histoire mondiale bafouille tellement qu’on peut assister aujourd’hui à la première sortie en salles dans notre pays d’un film de 1984 sur la situation dans le Moyen Orient et se dire tout du long que ce film est d’une actualité brulante. Ce film, Leila et les loups, est l’œuvre de Heiny Srour, une réalisatrice issue d’une famille libanaise de confession juive. En 1974, son premier film, L’heure de la libération a sonné, film sur la lutte du très féministe Front Populaire pour la Libération d’Oman et du Golfe Arabe  (FPLGAO) dans le Dhofar contre le régime du sultan Saïd ibn Taïmour puis contre son fils Qabus ibn Saïd, soutenu par l’armée britannique, avait été  le premier film réalisé par une femme du « tiers – monde » à être sélectionné au Festival de Cannes. Présenté au Festival International de Mannheim-Heidelberg en octobre 1984, Leila et les loups a depuis été projeté dans de nombreux pays mais les copies utilisées étaient le plus souvent considérées comme  « désastreuses » par la réalisatrice. Heureusement, le film a fait l’objet en 2021 d’une restauration réalisée par le CNC pour l’image et le British Film Museum et Le Diapason pour le son, à partir d’un négatif 16 mm conservé au British Film Museum, ce qui permet de le voir, enfin, dans d’excellentes conditions.

Leila et les loups, film de fiction accueillant quelques images d’archive, a pour ambition de visiter d’un point de vue féministe, en opposition à la version coloniale et masculine, l’histoire de la Palestine et du Liban de 1900 à 1980  en s’intéressant plus particulièrement à l’implication des femmes dans les nombreuses luttes enregistrées durant cette période. Sa culture ayant été fortement imprégnée dès son plus jeune âge par les contes des Mille et Une nuits que lui racontait sa grand-mère, Heiny Srour s’en est inspirée pour examiner les rôles qu’ont joués jouent les femmes palestiniennes et libanaises au sein de leurs luttes nationales. Face à Rafic, son amoureux, qui, à l’occasion d’une exposition photo organisée à Londres en 1975 sur l’invasion du Levant par les loups britanniques puis israéliens, prétend que, dans le passé, les femmes n’avaient rien à voir avec la politique ce qui, pour oui, explique l’absence de photos  mettant en scènes des femmes, Leila, personnage inspiré par Shéhérazade, rétorque « Je vais te prendre avec moi pour voir ».  Leur déambulation va nous entrainer d’abord dans la Palestine sous mandat britannique pour se terminer par l’invasion israélienne du Liban en 1982.

Tourné dans des conditions très difficiles en Syrie, ce film au format carré qui voyage dans le temps et dans l’espace nous rappelle, si besoin était, qu’il y avait bel et bien un peuple qui vivait en Palestine avant 1948. Il nous permet aussi de comprendre que, dans cette région du Levant comme ailleurs dans le monde,  les femmes ont été invitées par les hommes à  participer aux changements sociaux et à la lutte armée, afin d’en accélérer les résultats, et ont été renvoyées dans leurs cuisines par ces mêmes hommes dès que ces résultats ont été obtenus. De plus, les femmes sont, comme par hasard, absentes des images tournées pendant ces conflits, et leur rôle est passé sous silence. Parmi les images proposées par le film, il y en a deux qui sont particulièrement marquantes : à plusieurs reprises, le film se focalise sur un groupe de femmes sur une plage, des femmes dont le niqab qu’elles portent toutes ne laissent voir que les yeux. Ces femmes, on va en quelque sorte les voir en négatif, au même endroit, en tenues militaires avec un bandeau noir sur les yeux lors d’un entrainement à l’aveugle au démontage et au remontage d’armes de guerre. Puissant !


 

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