Critique Express : Excursion

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Excursion

Bosnie-Herzégovine : 2023
Titre original : Ekskurzija
Réalisation : Una Gunjak
Scénario : Una Gunjak
Interprètes : Asja Zara Lagumdžija, Nađa Spaho, Maja Izetbegovic
Distribution : JHR Films
Durée : 1h34
Genre : Drame
Date de sortie : 12 juin 2024

3/5

Synopsis : À Sarajevo, Iman, une adolescente en quête de reconnaissance, affirme lors d’un “action ou vérité” entre collégiens avoir fait l’amour pour la première fois. Prisonnière de son propre mensonge, elle invente une grossesse et devient le centre d’une controverse qui échappe à tout contrôle.

D’où que viennent les films mettant en scène des adolescentes et des adolescents, ils donnent presque toujours l’impression que ces derniers et leurs parents vivent dans deux mondes qui, sans être absolument parallèles, ont quand même beaucoup de mal à se rencontrer. Une véritable réalité ou une réalité quelque peu exagérée ? En tout cas, c’est dès le début que Excursion nous donne un aperçu de ce divorce en présentant un montage parallèle d’un groupe de parents de Sarajevo qui discutent avec une enseignante d’un voyage scolaire à venir pour les 3 classes de 3ème du collège et de leurs enfants qui s’amusent au jeu « action ou vérité » qui leur permet d’abolir leurs filtres habituels en matière de comportement et de révélations quant à leur vie intime. Alors que les parents, après avoir soupesé le pour et le contre concernant les destinations possibles en matière de sécurité et de coût, en viennent vite à afficher leurs désaccords quant à leur ressenti sur ce qui est arrivé (ou pas !) en 2014 à sept jeunes filles de 13 et 14 ans de Banja Luka supposées être rentrées enceintes d’un voyage scolaire de 5 jours à Sarajevo, la capitale du pays, ce même sujet est abordé de façon à la fois plus crue et plus lucide par leurs enfants. Alors que les parents s’interrogent sur la responsabilité de l’éducation donnée à leurs enfants par leurs homologues de Banja Luka, les ados s’interrogent sur l’avenir de ces jeunes filles. Un point commun, toutefois, entre les deux assemblées : un père met en doute la véracité des informations données par la presse écrite, une adolescente celles diffusées par la télévision. Dans la conversation très libre qu’ont les adolescents et les adolescentes, une d’entre elles, Iman, va en arriver à confirmer une rumeur qui court : elle l’aurait fait, elle aurait couché avec Damir, « le cassos du lycée 5 ». Un aveu qui va lui donner son « quart d’heure de célébrité warholien » dans son collège.

Après tout, elle est la première du collège à l’avoir fait, ou du moins, « la première pour laquelle on sait ». Venant de ses condisciples féminines, les questions fusent : n’est elle pas trop jeune, a-t-elle eu peur, a-t-elle eu mal, était ce spontané, etc ., etc. ? L’importance donnée à « la première fois » n’est pas quelque chose de nouveau, que ce soit dans la vie réelle ou au cinéma. Ce moment est-il encore plus important aujourd’hui qu’hier, ne serait-ce qu’à cause de la facilité d’accès à des représentations pornographiques offerte par Internet aux adolescents et adolescentes, difficile à dire ? En tout cas, cette importance donnée à la première fois peut conduire une jeune fille à vouloir coûte que coûte perdre sa virginité le plus tôt possible, comme dans How to have sex de la britannique Molly Manning Walker, ou conduire une autre à prétendre l’avoir perdue comme dans Excursion. On remarquera que ce moment objet de fantasme, c’est lorsqu’il s’agit de la première fois d’une jeune fille qu’il est le plus souvent évoqué au cinéma. Dans Excursion, une fois de plus, on nous parle donc de la première fois d’une jeune fille, Iman, qu’elle ait vraiment eu lieu ou qu’elle ait été inventée, alors que la première fois de Damir ne fait l’objet d’aucun développement. L’intérêt de Excursion ne se limite pas à cet aveu de Iman et à ses conséquences, réelles ou fantasmées : constitution au sein du collège d’un groupe anti-Iman, Iman serait-elle enceinte du fait de cette première fois et, si oui, va-t-elle avoir recours ou non à un avortement ? En effet, le film nous conduit au sein d’une famille de Sarajevo, celle d’Iman, et nous amène à nous interroger sur un pays à l’histoire compliquée et qu’on connaît mal, la Bosnie-Herzégovine, un pays qui semble tiraillé entre conservatisme et désir d’émancipation. Una Gunjak, sa réalisatrice, a eu le tact de ne pas insister lourdement sur ce que les origines et les religions des uns et des autres pouvaient expliquer dans leurs comportements mais si les petits détails fournis dans l’histoire et qui semblent anodins sont probablement très clairs pour ses compatriotes, il n’en est pas de même pour nous, pauvres ignorants. Tout juste peut-on remarquer qu’on est à Sarajevo, que cette partie de la Bosnie-Herzégovine est majoritairement musulmane, que Iman est un prénom d’origine arabe, que Damir est un prénom d’origine russe et que les remarques faites par certains parents à propos de ce qui s’est (peut-être) passé à Banja Luka ont sans doute une explication dans le fait que cette ville est la plus importante de la République serbe de Bosnie, qui fait partie de la Bosnie-Herzégovine, tout en étant, elle, majoritairement orthodoxe. Pour ce qui est son premier long métrage en tant que réalisatrice, Una Gunjak fait preuve d’un talent certain, que ce soit dans la mise en scène ou la direction d’acteurs. Qui plus est, Excursion nous permet de faire connaissance avec une jeune comédienne absolument remarquable, Asja Zara Lagumdžija, l’interprète d’Iman.

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