À voir en VOD : The craft – Les nouvelles sorcières

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The craft – Les nouvelles sorcières

États-Unis, Canada : 2020
Titre original : The craft – Legacy
Réalisation : Zoe Lister-Jones
Scénario : Zoe Lister-Jones
Acteurs : Cailee Spaeny, Zoey Luna, Gideon Adlon
Éditeur : Sony Pictures
Durée : 1h37
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 28 octobre 2020
Date de sortie VOD : 10 février 2021

Note : 3/5

L’introvertie Hannah arrive dans un nouveau lycée. Elle se lie d’amitié avec trois autres camarades. Les jeunes femmes commencent à pratiquer la magie et invoquent les plus puissants esprits afin de transformer leurs rêves en réalité…

Dangereuse alliance 2

A l’origine, il y avait Dangereuse alliance. Sorti en 1996 dans les salles du monde entier, Dangereuse alliance est un petit film fantastique « light » mis en scène par Andrew Fleming. Tourné à une époque où le genre horrifique n’avait pas encore réellement connu le regain de popularité qui en a ferait une des poules aux œufs d’or des studios Hollywoodiens tout au long des années 2000, le film d’Andrew Fleming devint en dépit d’une unanime tiédeur critique un joli petit succès public, réunissant plus de 520.000 spectateurs en France durant l’été 1996, et récoltant rien de moins que 36 millions de dollars au box-office américain.

Mais c’est surtout en vidéo et à la télévision que Dangereuse alliance acquit ses lettres de noblesse tardives. Si les amateurs de cinéma fantastique avaient rapidement mis de côté cette histoire de sorcières n’apportant rien de fondamentalement nouveau au genre, le film d’Andrew Fleming avait pour lui une approche du fantastique proche de la sensibilité du grand public de l’époque – celle développée par exemple dans la série Aux frontières du réel, dont la popularité allait également croissante à l’époque. Ainsi, au fil des diffusions TV et grâce à sa sortie au format DVD, Dangereuse alliance est devenu de plus en plus connu / apprécié, notamment du public féminin ou/et adolescent, pour qui le film constituait une porte d’entrée au genre horrifique.

Ainsi, comme Aux frontières du réel est finalement devenue The X-Files pour le public français au fur et à mesure que sa réputation enflait, le titre français Dangereuse alliance s’est également effacé au profit de The craft, comme si le fait de changer le titre pouvait également changer le ressenti global que l’on avait pu avoir à sa découverte en 1996. Au fil des années, Dangereuse alliance / The craft a donc été largement réhabilité, au point d’en devenir aujourd’hui considéré par certains cinéphiles comme un petit classique du fantastique. Voilà qui était franchement inattendu.

Méthode Blumhouse

Cette possibilité de tirer profit de la récente popularité de The craft n’a pas échappé à Jason Blum, toujours à l’affût quand il s’agit de trouver un bon plan ou d’exploiter une franchise. Depuis le début des années 2000, le nom de Jason Blum est en effet devenu incontournable dans le petit monde du fantastique et de l’horreur sur grand écran. En adoptant des méthodes de production drastiques, proches de celles d’un Roger Corman dans les années 70, le producteur est parvenu à faire de Blumhouse Productions un véritable empire, enchaînant depuis une quinzaine d’années les films d’horreur à budget restreint, et révélant occasionnellement de grands cinéastes (James Wan, Jordan Peele…).

S’offrant très régulièrement d’énormes succès dans les salles obscures, Jason Blum n’a cependant jamais changé son fusil d’épaule et se contente encore aujourd’hui de miser sur de petits budgets, ce qui permet aux cinéastes de son cheptel de bénéficier d’une certaine liberté créative, dans les limites bien sûr de leur budget limité.

Le projet The craft – Les nouvelles sorcières, dont la réalisation sera confiée à Zoe Lister-Jones, correspondait d’ailleurs parfaitement au cahier des charges mis en place par Blumhouse depuis de nombreuses années : on y privilégie en effet clairement la mise en place d’une ambiance à de quelconques – et coûteux – artifices techniques. Les effets spéciaux sont peu nombreux au cœur du film, mais si l’on excepte un hideux effet de morphing dans le dernier acte, ils sont plutôt discrets et réussis.

Jeunesse et diversité

Pour l’essentiel, Blum et Zoe Lister-Jones décident donc d’appliquer à The craft – Les nouvelles sorcières les règles du Reboot Hollywoodien telles qu’énoncées dans Jay & Bob contre-attaquent encore : cette résurrection de la franchise sera donc placée sous le signe de la jeunesse et de la diversité. Si les personnages tiennent toujours un peu du cliché de genre, la scénariste / réalisatrice ajoute à son récit de coming of age une once de sexualité adolescente plus complexe qu’elle n’y parait. De plus, on notera un attachement particulier à coller aux problématiques de la société actuelle : sexisme et harcèlement scolaire seront donc de la partie, et l’une des quatre sorcières au centre du film sera décrite et incarnée par une transgenre (Zoey Luna).

Une autre particularité marquante de The craft – Les nouvelles sorcières est de proposer au spectateur, comme le récent Black christmas, un film fantastique fortement teinté de féminisme. Mais d’un féminisme tellement radical qu’on pourrait même sans peine le qualifier d’anti-homme. La masculinité et le virilisme forcenés qui régissent la société occidentale sont ainsi mis en évidence de façon particulièrement agressive à travers le portrait dressé par Zoe Lister-Jones du personnage de David Duchovny et de son « ordre », qui éliminent sans état d’âme les hommes déviant de ce schéma machiste de domination. Ce choix narratif peut surprendre, surtout après l’accueil glacial réservé par le public à Black christmas, qui fut boudé en partie à cause de ses prises de position idéologiques.

Trous narratifs

Comme de nombreux autres films sortis en salle sous la bannière Blumhouse Productions, The craft – Les nouvelles sorcières suit globalement une ligne directrice forte, et une seule : les idées sont ainsi utilisées avec parcimonie, une à la fois, afin de ne pas trop rapidement user le concept. On imagine bien le producteur rayer quelques passages dans le script du film en s’expliquant : « Si tu as d’autres idées, on verra dans la suite, cocotte. »

Pour autant, le problème ici est bien que le film de Zoe Lister-Jones donne l’impression d’un peu trop se précipiter dans son dernier quart d’heure, au point que l’on puisse même se dire qu’il y manque une bobine. De nombreux aspects abordés au fil de l’intrigue de The craft – Les nouvelles sorcières sont ainsi laissés dans le flou le plus total : quid des visions qui hantent l’héroïne ? Quid de la société secrète dont on découvre les trois blasons, dont un manquant ? Quel avenir pour les personnages des fils Harrison, Isaiah, Jacob et Abe ? « Dans la suite, cocotte. »

Il est néanmoins également possible que les déséquilibres qui plombent la dernière partie de The craft – Les nouvelles sorcières soient liés au féminisme hardcore véhiculé par le film : il y a en effet de fortes chances pour que le montage du film de Zoe Lister-Jones ait été remanié par la production afin d’adoucir ses airs de diatribe anti-homme, et de changer la nature du personnage de David Duchovny de « sadique misogyne » à « sorcier adepte de la magie noire ». Cette réorientation du récit n’aurait pu se faire sans provoquer le genre de trous narratifs que nous évoquions un peu plus haut. Dommage, car les deux premiers tiers du film se tiennent plutôt bien et développent une ambiance qui, si elle n’a rien originale, s’avère assez solide et intéressante.

Lien avec le film original

En vérité, il n’est pas réellement nécessaire d’être familier avec Dangereuse alliance pour apprécier The craft – Les nouvelles sorcières à sa juste valeur. Cependant, les fans de la première heure du film d’Andrew Fleming apprécieront sans doute le fait qu’un lien ait été créé entre Lily, l’héroïne de cette nouvelle histoire (Cailee Spaeny), et Nancy, le personnage incarné par Fairuza Balk dans le film original. Cette dernière gratifiera le spectateur d’une petite apparition en fin de métrage. En revanche, même si aucune d’elles ne semblent débordées de propositions de boulot, les autres sorcières du film de 1996 – Neve Campbell, Robin Tunney et Rachel True – n’apparaissent pas dans The craft – Les nouvelles sorcières. « Dans la suite, cocotte, dans la suite ! »

Malheureusement, en raison d’une année 2020 placée sous le signe de la crise sanitaire du Covid-19, il est tout de même de fortes chances pour que The craft – Les nouvelles sorcières ne bénéficie pas d’une suite, du moins dans l’immédiat, par manque de rentabilité. En effet, la sortie au cinéma du film de Zoe Lister-Jones a été annulée et remplacée par une sortie VOD aux Etats-Unis ainsi qu’au Canada. En France, le film est sorti au cinéma le 28 octobre 2020, dans un circuit de 234 salles. Néanmoins, son exploitation fut interrompue le 30 octobre 2020 par le deuxième acte du « Grand Confinement » : il ne sera donc resté que deux jours à l’affiche dans le pays, arrêtant sa course à un peu plus de 23.000 entrées.

The craft – Les nouvelles sorcières est disponible en VOD à l’acte et en téléchargement définitif sur la majorité des plate-formes de Vidéo à la demande : MyTF1, Orange, FilmoTV, Canal VOD… Le film est également disponible au format Blu-ray / DVD sous les couleurs de Sony Pictures.

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