Arras 2025 : Coutures

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Coutures

France, 2025
Titre original : –
Réalisatrice : Alice Winocour
Scénario : Alice Winocour
Acteurs : Angelina Jolie, Anyier Anei, Ella Rumpf et Louis Garrel
Distributeur : Pathé Fillms
Genre : Drame
Durée : 1h43
Date de sortie : 18 février 2026

3/5

Comme le faisait remarquer un confrère à la sortie de la projection presse à l’Arras Film Festival, ce n’est déjà pas si mal de créer un film intéressant sur le thème de la Fashion Week. En effet, Coutures est certainement intéressant. Surtout, parce que le cinquième long-métrage de Alice Winocour dit tout et son contraire. A la fois âpre et clinquant, le récit constitue un mélange fascinant de contradictions. Sa complexité sombre autant de fois dans la prétention qu’elle ne dépasse les apparences pour arriver jusqu’à l’essence humaine de ses personnages. Cette danse des extrêmes peut certes parfois causer des frustrations, notamment en termes de déséquilibre de temps alloué aux quatre femmes sur lesquelles repose l’intrigue. Mais elle demeure malgré tout le signe d’une voix cinématographique affirmée, que vous êtes bien sûr libres d’admirer ou de rejeter.

Coutures, c’est avant tout une mise en abîme assez narcissique, quoique pas sans mérite, du personnage public Angelina Jolie. Évidemment, elle ne s’y joue pas elle-même, bien que bon nombre de détails sur la réalisatrice qu’elle interprète renvoient directement à son image publique et privée. Ainsi, elle a dû batailler, elle aussi, pour s’imposer autant derrière la caméra que devant elle. Son divorce de Brad Pitt a sans doute été au moins aussi houleux et pénible que celui de Maxine Walker. Et l’une des causes qui lui tiennent le plus à cœur, le sort des réfugiés mis à part, c’est la lutte contre le cancer du sein. D’ailleurs, de mauvaises langues pourraient prétendre que ce film-ci n’est guère plus que de la publicité de luxe pour alerter le public féminin sur les risques de cette maladie sérieuse.

Bref, en portant également la casquette de productrice ici, Angelina Jolie s’est assurée que les projecteurs sont largement, voire exclusivement, braqués sur elle.

© 2025 Carole Bethuel / CG Cinéma / Closer Media / France 3 Cinéma / Pathé Films Tous droits réservés

Synopsis : La réalisatrice américaine de films d’horreur Maxine Walker arrive à Paris au moment de la Fashion Week. Elle a été engagée par une agence pour y tourner un court-métrage avec le mannequin débutant Ada, qui sera montré en ouverture du défilé. L’appel de son médecin avec de mauvaises nouvelles sur les résultats des examens qu’elle avait faits avant son départ obligent Maxine de s’interroger sur les priorités dans sa vie. Quant à Ada, venue directement du Kenya, elle découvre avec fascination les codes d’un monde dont elle ignorait tout jusqu’à présent. La première à défiler, elle portera la robe de Christine, une jeune couturière elle aussi sur le point de percer. Enfin, la maquilleuse Angèle observe toute cette agitation, en espérant qu’elle nourrira son rêve de devenir une écrivaine.

© 2025 Carole Bethuel / CG Cinéma / Closer Media / France 3 Cinéma / Pathé Films Tous droits réservés

Le premier indice indubitable, ensuite maintes fois confirmé, que l’actrice principale a la tendance discutable de tirer la couverture vers elle dans Coutures, c’est que tous les acteurs de renom ne sont là que pour elle. De Finnegan Oldfield à Aurore Clément, qui font chacun des apparitions éclair, plus pertinente et touchante dans le cas de cette douce solidarité féminine dans le décor impersonnel de l’hôpital, en passant par Grégoire Colin, Louis Garrel et Vincent Lindon, il y a tout de même une concentration presque caricaturale de ces hommes, pour l’essentiel, autour de la vedette, au demeurant tout à fait crédible dans son rôle.

Mais comment aurait-il pu en être autrement, puisque ce dernier lui a visiblement été taillé sur mesure ? De même pour les comédiens précités, qui retournent dans leurs cases de stéréotypes respectives du commanditaire stressé (Colin), de l’objet sexuel à exploiter (Garrel) et du cœur en or qui sait rassurer dans les moments les plus difficiles (Lindon).

Si l’on évoque ces noms de référence qui tournent comme des satellites dociles autour du soleil Jolie, c’est parce qu’en face, les trois autres comédiennes doivent quasiment se contenter des miettes laissées par la vedette américaine. Au menu de Anyier Anei en copie à peine larvée de Lupita Nyong’o, de Ella Rumpf en petit rouage du système qui se rêve déjà en Marguerite Duras du XXIème siècle et de Garance Marillier en couturière que l’on ne voit qu’en train de travailler jusqu’à l’épuisement, vous ne trouverez essentiellement que le côté sombre d’un monde professionnel et culturel qui fait tout pour gommer le moindre signe de faiblesse, d’imperfection ou de vulnérabilité.

© 2025 Carole Bethuel / CG Cinéma / Closer Media / France 3 Cinéma / Pathé Films Tous droits réservés

Or, c’est peut-être précisément à ce niveau-là que Coutures se montre le plus saisissant. Le conflit accru entre la vie privée et les exigences professionnelles y est systématiquement exacerbé, sans doute un peu trop par moments. Ainsi, les enjeux de ce décalage deviennent de plus en plus préjudiciables pour Maxine, qui oublie seulement de rappeler sa fille au début du film afin de lui donner un coup de main pour ses devoirs, mais elle ne sait pas comment lui communiquer ses peurs existentielles à la fin. Au moins, grâce à la sollicitude du scénario et de la mise en scène, elle est bien entourée dans son calvaire médical, à condition de s’ouvrir aux autres.

Contrairement à ses trois personnages complémentaires, qui sont presque traités avec un certain dédain narratif, pas très loin du misérabilisme. Cela vaut pour Ada, dont le chemin vers la carrière de mannequin paraît d’ores et déjà tout tracé, en dépit de quelques accidents de parcours bénins. De même pour Christine, l’une de ces mains travailleuses qui demeurent invisibles au grand public et dont le sort paraît plutôt compromis après les aléas du défilé. Sauf que la narration s’est complètement désintéressé d’elle à ce moment-là. Angèle aura été traitée avec légèrement plus de bienveillance, puisqu’elle aura certes raté la première occasion de se faire publier, mais que sa plume continuera de documenter ces instants cocasses et rarement jolis qui rythment son quotidien de travail, au seuil de la précarité.

Conclusion

Tout n’est pas bling-bling dans Coutures, un film sur la Fashion Week qui ne nous donne guère envie de nous intéresser davantage à cet événement majeur de la mode féminine au cœur de l’hiver parisien. Néanmoins, le film de Alice Winocour a de quoi intriguer par sa façon singulière de nous présenter simultanément le côté étincelant de cette affaire et le revers de la médaille, forcément moins reluisant. En somme, il s’agit d’un récit à la complexité assumé auquel on aurait probablement adhéré avec moins de réserves, s’il n’avait pas déroulé le tapis rouge en priorité à son actrice principale, au détriment d’autres fils narratifs qui auraient mérité une attention comparable.

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