Sarlat 2025 : Les Enfants vont bien

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Les Enfants vont bien

France, 2025
Titre original : –
Réalisateur : Nathan Ambrosioni
Scénario : Nathan Ambrosioni
Acteurs : Camille Cottin, Monia Chokri, Juliette Armanet et Manoa Varvat
Distributeur : Studiocanal
Genre : Drame familial
Durée : 1h50
Date de sortie : 3 décembre 2025

3/5

A en croire les bruits de couloir pendant le Festival de Sarlat, le thème récurrent de cette 34ème édition était la recherche d’un nouveau foyer de la part d’enfants délaissés. Apparemment, Love Me Tender de Anna Cazenave Cambet et On vous croit de Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys en traitaient, ainsi que – sans trop vouloir élargir l’échantillon d’œuvres concernées – Promis le ciel de Erige Sehiri. Le nouveau film de Nathan Ambrosioni arrive donc en terrain conquis. Ou bien, plus hasardeusement, il risquait d’être projeté après la bataille, en fin de festival, quand toutes les larmes d’une émotion à vif auront déjà été versées.

Pourtant, Les Enfants vont bien est une histoire de famille des plus touchantes, anoblie par une extrême pudeur narrative. En effet, cette dernière sait pertinemment que ce ne sont pas les grandes effusions de sentiments qui marquent le public réceptif, mais les moments doux et délicats, aptes à fendre le cœur. De ceux-là, la narration use, sans jamais en abuser.

Il n’y a aucune surcharge dramatique à y déplorer. D’ailleurs, ce serait presque le contraire, puisque cette mère de substitution, que Camille Cottin fait sienne sans la moindre affectation, apprend petit à petit à assumer sa nouvelle responsabilité nullement sollicitée. Au fil des mois, elle n’accomplit aucun miracle. Elle ne dispose pas davantage de la béquille scénaristique, si commode et si mélodramatique, de pousser une gueulante. Histoire d’évacuer en toute indiscrétion les frustrations qui ont pu s’accumuler chez cette quadragénaire qui envisageait sa vie tout autrement. Non, elle s’adapte progressivement à ce nouveau rôle que le destin lui a imposé, s’investissant très lentement, mais sans calcul mesquin, dans la relation avec son neveu et sa nièce. Jeanne sait parfaitement qu’elle ne pourra jamais remplacer leur mère. Et elle finit par ne plus se faire d’illusions sur un éventuel retour de sa sœur.

Cependant, c’est précisément cette résignation à faire de son mieux, selon l’instinct de la mère qu’elle n’a pas voulu être et qu’elle-même n’a guère eue, qui distingue admirablement le troisième long-métrage du réalisateur.

© 2025 Manuel Moutier / Chi-Fou-Mi Productions / France 2 Cinéma / Studiocanal Tous droits réservés

Synopsis : Suzanne Manin prend la route avec ses deux enfants de bas âge, Gaspard et Margaux. Leur destination : la maison de Jeanne, la sœur aînée de Suzanne, qu’elle n’a pas vu depuis longtemps. Cette visite impromptue déboussole d’abord Jeanne, une responsable d’assurance pas tellement à l’aise avec les enfants. Quelle n’est pas sa surprise, quand elle découvre que sa sœur disparaît sans laisser de traces dès le lendemain, lui confiant sa progéniture par voie de lettre écrite. Sous le choc, elle fait appel à son ancienne compagne Nicole pour s’occuper ensemble des enfants. Mais avec chaque nouveau jour qui passe et sans une aide active des autorités, Jeanne devra se rendre à l’évidence que la charge de sa nièce et de son neveu lui incombe désormais seule.

© 2025 Manuel Moutier / Chi-Fou-Mi Productions / France 2 Cinéma / Studiocanal Tous droits réservés

Une histoire ordinaire, peuplée de gens ordinaires, contée d’une façon extraordinaire. C’est ainsi que l’on pourrait résumer Les Enfants vont bien. Rien que le titre du film de Nathan Ambrosioni respire une banalité qu’il faudra sublimer avec beaucoup de délicatesse, afin d’en faire un petit bijou cinématographique. Contre toute attente, le jeune cinéaste y parvient haut la main, prenant en quelque sorte à rebrousse-poil un genre aux codes habituellement très convenus. Or, de cette absence d’emphase, de cet émerveillement aussi constant que doux par de petits instants de grâce – un feu d’artifice estival par-ci, des mots réconfortants chuchotés à travers une porte fermée par-là – naît un genre d’optimisme dont on n’est pas du tout familier dans le contexte d’une vie intime assaillie de toutes parts.

Car au début, rien ne prédispose Jeanne à s’en sortir. Ni son état d’esprit passablement obnubilé par l’idée fixe que tout cela n’est que temporaire, que sa sœur sonnera bientôt de nouveau à la porte pour récupérer ses enfants comme si de rien n’était. Ni par le supposé filet de sécurité collectif, qui la laisse tomber abruptement, lorsqu’elle va signaler la disparition de Suzanne à la police. Sauf que la présence de Guillaume Gouix, déjà l’acteur principal du premier film de Nathan Ambrosioni Les Drapeaux de papier, en gendarme abusivement procédurier aurait dû nous mettre la puce à l’oreille que les choses n’allaient pas en rester là. Certes, la contribution de son personnage ne débloquera pas soudainement la situation. Mais il est le premier petit rayon de soleil, le premier à laisser Jeanne apercevoir qu’elle n’est pas entièrement seule dans cette galère.

© 2025 Manuel Moutier / Chi-Fou-Mi Productions / France 2 Cinéma / Studiocanal Tous droits réservés

Au moment précis où elle pense être sortie d’affaire, où les efforts consentis pendant des mois aboutiront enfin à un statu quo plus apaisé, cette femme qui pense gérer convenablement sa vie, ainsi que celle des enfants qui lui ont été confiés, est mise face à l’erreur d’appréciation initiale qui lui avait coûté jusque là tant d’efforts peut-être inutiles. Plus d’une heure après le premier moment de vérité face au gendarme, le rendez-vous chez la juge aux affaires familiales bouleverse simultanément le personnage principal et les attentes que l’on aurait pu cultiver par rapport à ce passage obligé de chaque drame familial qui se respecte, au moins depuis Kramer contre Kramer de Robert Benton à la fin des années 1970.

Grâce à l’interprétation de Myriem Akheddiou – également à l’affiche dans On vous croit, quoique dans le camp opposé de cette procédure judiciaire –, habitée d’une bienveillance sidérante, la narration nous fait espérer une deuxième fois que derrière la façade impersonnelle de la fonction publique, il y a tout de même des femmes et des hommes qui exercent leur métier avec un mélange de sincérité et d’humanité, bénéfique à tout le monde.

Au plus tard à ce moment-là, la relation tendue entre Jeanne et les enfants s’apaise. Pas non plus au point que cette famille recomposée vague à présent vers une quiétude douceâtre. Mais ce regard différent sur cette situation à première vue inextricable, suggéré par les questions et par l’écoute de la juge, permettront à chacun d’aller de l’avant. A son rythme. Puisque la qualité suprême de la mise en scène de Nathan Ambrosioni consiste justement à prendre son temps.

Pas le temps du deuil indirect de la mère, à laquelle Juliette Armanet insuffle une belle complicité avec les enfants pendant les quelques minutes qui lui sont réservées au début du film. Mais celui de prendre le risque de ne rien précipiter, ni exacerber. Au spectateur alors de créer un lien fort d’empathie avec cette femme appelée à se dépasser. Quoique pas non plus à devenir une super-maman de pacotille, comme cela aurait été le cas dans une hypothétique version parallèle sur le ton de la farce de cette même histoire profondément touchante.

© 2025 Manuel Moutier / Chi-Fou-Mi Productions / France 2 Cinéma / Studiocanal Tous droits réservés

Conclusion

Quel beau clap de fin pour notre deuxième couverture du Festival de Sarlat que cette histoire de famille qui a l’immense avantage de comprendre intimement chacun de ses personnages ! Dans Les Enfants vont bien, Nathan Ambrosioni n’expérimente point avec des recettes excessives pour conférer un goût nouveau à un thème vieux comme le monde. Soutenu considérablement par l’interprétation déchirante de Camille Cottin, il réussit au contraire à rendre accessible, voire passionnante cette famille au sort somme toute très commun. Le tout sur un rythme doux et régulier, convaincu à raison de la force émotionnelle que les brefs moments de tendresse ont invariablement su provoquer chez nous.

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