Test Blu-ray : Dr Rictus

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Dr Rictus

États-Unis, Japon : 1992
Titre original : Dr. Giggles
Réalisation : Manny Coto
Scénario : Manny Coto, Graeme Whifler
Acteurs : Larry Drake, Holly Marie Combs, Cliff De Young
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h35
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 20 janvier 1993
Date de sortie DVD/BR : 22 octobre 2025

Evan Rendell Jr voulait être médecin comme papa, mais le Dr. Rendell finit lynché par son voisinage après avoir tenté de greffer un cœur neuf à sa femme à partir de donneurs vivants. Après plusieurs années passés à l’asile, Evan Junior s’enfuit, bien décidé à poursuivre l’œuvre paternelle…

Le film

[4/5]

Réjouissant et typique de son époque, Dr Rictus est ce genre de slasher qui, en 1992, faisait frémir les ados comme un vibromasseur oublié dans une trousse de toilette. Le film du regretté Manny Coto (1961-2023) nous présentait ainsi des jeunes à la Beverly Hills 90210, libres, livrés à eux-mêmes, conduisant des voitures et sexuellement très actifs, le film s’inscrivant par ailleurs dans les nombreuses campagnes pro-préservatifs qui fleurissaient partout dans le monde à l’époque. Les amateurs de jeux vidéo rétro seront également amusés de retrouver quelques images du jeu Dr. Mario, placé sur le chemin du Dr Rictus afin que celui-ci nous délivre une petite morale anti-jeux vidéo. Et pourtant, malgré son ADN de série B typiquement 90’s, Dr Rictus vieillit comme une VHS oubliée dans un grenier : avec charme, grain et une sacrée dose de nostalgie.

Sorti entre deux opus de Freddy (le 6 et le 7) et de Jason (le 8 et le 9), Dr Rictus, avec son tueur en blouse blanche et son humour noir façon cartoon sous acide, coche toutes les cases du slasher réussi : meurtres inventifs, adolescents en rut, et effets spéciaux numériques qui sentent bon le pré-Jurassic Park. Mais ce qui rend Dr Rictus encore aujourd’hui étonnamment solide, c’est sa capacité à mêler le grotesque et le tragique sans jamais sombrer dans le ridicule. Le personnage d’Evan Rendell Jr, chirurgien amateur et psychopathe diplômé de l’école des scalpels en plastique, incarne une figure du mal à la fois burlesque et glaçante. Le film joue d’ailleurs clairement sur cette ambivalence, avec une mise en scène qui alterne entre plans serrés anxiogènes et envolées presque burlesques, comme si Tex Avery avait décidé de tourner un épisode de Dexter.

Dr Rictus ne se contente pas de tuer, il opère, il dissèque, il soigne à sa manière. Et dans cette logique médicale pervertie, il y a une critique sociale qui affleure : celle d’un monde où les adultes ont déserté, laissant les jeunes se faire charcuter par les fantômes de leurs propres négligences. Le film de Manny Coto aborde aussi, mine de rien, des thématiques qui résonnent encore aujourd’hui. La santé mentale, la transmission familiale du trauma, la médicalisation de la violence… Autant de sujets qui, sous la couche de ketchup et de punchlines douteuses, donnent au film une profondeur insoupçonnée. Mais on ne va pas se gâcher le plaisir à trop intellectualiser le bouzin : Dr Rictus, c’est avant tout un film qui fait du bien là où ça fait mal, comme une coloscopie surprise dans un salon de massage.

Dr Rictus s’ouvre sur une scène en images de synthèse qui aura probablement marqué les mémoires des ados ayant découvert le film il y a une trentaine d’années. Les effets spéciaux numériques, encore balbutiants, donnent au film une texture étrange, presque artisanale, qui contraste avec les blockbusters aseptisés d’aujourd’hui. On pense aux jeux vidéo de l’époque, Dr. Mario en tête, où la médecine était un puzzle coloré et joyeux. Ici, c’est l’inverse : les organes volent, les seringues chantent, et les scalpels dansent. Le montage nerveux, les éclairages cliniques et les décors de banlieue américaine confèrent à Docteur Rictus une ambiance de cauchemar éveillé. Et si l’on rit souvent devant l’outrance des meurtres, c’est pour mieux se rappeler que l’horreur, comme le sexe, est une affaire de timing.

Et puis il y a les acteurs, bien sûr, menés par Larry Drake (1949-2016), absolument exceptionnel en tueur hilare et adepte de la punchline médicale. Dans la peau d’Evan Rendell Jr, il nous livre une performance qui ferait passer Hannibal Lecter pour un animateur de centre aéré. Holly Marie Combs, encore loin de ses incantations dans Charmed, incarne une final girl crédible, ni trop nunuche ni trop badass. Le casting secondaire, quant à lui, semble tout droit sorti d’un épisode de Beverly Hills 90210 sous LSD, ce qui ajoute à la saveur vintage de l’ensemble. En somme, Dr Rictus mérite sa place dans le panthéon des slashers 90s. Non pas parce qu’il révolutionne le genre, mais parce qu’il le célèbre avec une sincérité désarmante. À l’heure où les ados cherchent des réponses sur TikTok et des sensations sur OnlyFans, Dr Rictus nous rappelle qu’il fut un temps où l’horreur se consommait en VHS, avec des chips au vinaigre et des posters de Pamela Anderson. Et ça, c’est plus précieux qu’un test PCR négatif.

Le Blu-ray

[4/5]

Dr Rictus vient de débarquer au format Blu-ray, sous les couleurs d’ESC Éditions. Le film intègre d’ailleurs les rangs de la collection « Slash’ Édition », dont il constitue le deuxième titre après Intruder, sorti au printemps. Et côté master, la galette nous fait l’effet d’un lifting réussi : on retrouve le grain d’origine, mais avec une netteté qui ferait rougir un dermatologue. L’image restaurée offre un rendu propre, stable, avec des contrastes bien gérés et une palette de couleurs respectueuse du master original. Les scènes nocturnes, souvent piégeuses, conservent leur lisibilité sans sacrifier l’ambiance glauque. Quelques plans souffrent encore d’un léger bruit numérique, mais rien qui ne gâche le plaisir. Côté son, la VO en DTS-HD Master Audio 2.0 est claire, avec une dynamique sympathique et efficace. La VF, également en DTS-HD Master Audio 2.0, conserve son charme d’époque, avec des doublages savoureux et une dynamique un peu plus plate, mais tout à fait acceptable pour les nostalgiques de l’époque du Club Dorothée.

Les suppléments du Blu-ray Dr Rictus sont à la hauteur de l’événement. On commencera par une présentation du film par Mylène Da Silva (28 minutes), qui reviendra sur l’histoire du slasher avant d’aborder plus précisément les « années creuses » du genre, auxquelles appartient le film de Manny Coto. Cette intervention intéressante, qui permet de recontextualiser le film sans sombrer dans la leçon soporifique façon prof de SVT sous Lexomil, est également proposée, dans une version très condensée (un peu plus de 2 minutes), en préambule du film. Pour le reste des bonus, l’éditeur reprend ceux de l’édition américaine : on commencera par un entretien croisé avec Manny Coto et Larry Drake (26 minutes), où l’on découvre que le projet s’appelait à l’origine Mr. Giggles — ce qui aurait pu faire penser à un clown lubrique plutôt qu’à un chirurgien psychopathe. Manny Coto y évoque ses débuts dans la série B, son passage remarqué dans Les Contes de la Crypte, et surtout l’influence de son père médecin sur l’écriture du film. Le ton est détendu, les anecdotes savoureuses, et l’on comprend mieux comment le film a trouvé son équilibre entre horreur graphique et humour noir. Mention spéciale aux coulisses du casting, où l’on apprend que le studio voulait Matt Frewer, interprète de Max Headroom, à la place de Larry Drake.

On continuera ensuite avec une analyse de la musique du film (17 minutes), signée Randall B. Larson, historien et spécialiste de la musique de film. Il reviendra sur le travail de Brian May (pas celui de Queen, l’autre), et nous démontrera la façon dont la partition de Dr Rictus joue sur les contrastes, entre envolées symphoniques et nappes dissonantes, pour accompagner les meurtres avec une élégance presque baroque. Enfin, le making of d’époque (5 minutes) offre un petit retour dans le temps avec des interviews d’époque et quelques images de tournage, façon featurette tournée avec la vieille caméra VHS du Tonton. Voilà donc une galette Blu-ray cohérente, généreuse, qui permet de redécouvrir Dr Rictus sous un angle plus analytique sans jamais perdre de vue son ADN de slasher pop et décomplexé. On notera également la présence dans le boîtier d’un livret de 24 pages signé Marc Toullec, revenant sur la production, le tournage et la sortie du film de Manny Coto.

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