Test Blu-ray : Hurry up Tomorrow

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Hurry up Tomorrow

États-Unis : 2025
Titre original : –
Réalisation : Trey Edward Shults
Scénario : Trey Edward Shults, The Weeknd, Reza Fahim
Acteurs : Abel Tesfaye, Jenna Ortega, Barry Keoghan
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h45
Genre : Thriller, Drame
Date de sortie cinéma : 16 mai 2025
Date de sortie DVD/BR : 18 septembre 2025

Abel, une star de la musique, est entraîné par une de ses fans dans une odyssée qui l’amènera à remettre en question les fondements mêmes de son existence…

Le film

[4,5/5]

Le projet Hurry up Tomorrow est intimement lié à la personnalité du chanteur pop Abel Tesfaye, plus connu sous son nom de scène The Weeknd. Le film, réalisé et monté par Trey Edward Shults, a été coécrit par Shults lui-même, en collaboration étroite avec Abel Tesfaye et Reza Fahim ; il est pensé comme une version « cinéma » du sixième album de The Weeknd, également appelé Hurry up Tomorrow. Le film, qui s’impose comme un véritable trip introspectif sous acide, est une espèce d’opéra visuel extrêmement singulier, qui sent bon la fin de règne, la gueule de bois existentielle et les néons qui clignotent comme une vessie en fin de soirée techno.

Dans cette odyssée urbaine d’un nouveau genre, Abel, star de la pop (interprétée par Abel Tesfaye lui-même), se laisse embarquer par une fan (Jenna Ortega) dans une virée qui prendra rapidement des allures de thérapie de groupe menée par un psy sous MDMA. Hurry up Tomorrow n’est pas là, à proprement parler, pour raconter une histoire au spectateur, mais pour la disséquer, la vaporiser, la transformer en pulsations synthétiques. Et tant pis pour ceux qui cherchent un scénario linéaire : ici, c’est le chaos qui fait office de GPS. Car Hurry up Tomorrow est un film qui parle de la célébrité comme d’un cancer lent, métastasé dans les recoins de l’âme.

Abel Tesfaye incarne donc à l’écran une version presque spectrale de lui-même, errant dans des décors qui évoquent autant Blade Runner que les toilettes d’un club berlinois à six heures du mat. La mise en scène, nerveuse mais jamais hystérique, épouse les contours d’un esprit en décomposition, avec une caméra qui semble parfois pilotée par un hamster sous coke, mais qui sait aussi se poser pour capter une larme, un regard, une chute. Et au fil des séquences, Hurry up Tomorrow prend finalement l’apparence d’une sorte de miroir brisé, dans lequel se reflètent les traumas, les addictions, les amours mortes et les rêves avortés.

Le tout est porté par une bande-son évidemment signée The Weeknd, nous proposant une orgie de synthés 80’s, de beats moites et de complaintes romantiques qui sentent le latex et la solitude. Chaque morceau semble être une confession, un cri, une tentative de rédemption. Et quand la musique s’arrête, c’est pour mieux laisser place à un silence pesant. C’est beau, c’est triste, c’est dérangeant, à l’image de cette scène durant laquelle Abel se retrouve seul dans une pièce blanche, face à lui-même, littéralement. La caméra tourne lentement, et le spectateur comprend que la raison d’être de Hurry up Tomorrow n’est pas de chercher à plaire, mais bel et bien à exister.

On imagine bien que pour Abel Tesfaye, Hurry up Tomorrow est une espèce de confession, une mise à nu, prenant presque par moments des allures de suicide artistique. Et c’est là que le film touche au sublime : dans sa capacité à transformer le narcissisme en art, l’égocentrisme en poésie. Hurry up Tomorrow est une œuvre qui parle de The Weeknd, certes, mais qui finit aussi par parler de nous tous, de nos failles, de nos masques, de nos lendemains qui puent, de ces lendemains de cuite où l’on se réveille avec du vomi sur nos T-Shirt et où on se demande à quoi bon.

Le casting de Hurry up Tomorrow est à la hauteur du délire et de l’ambition du projet : Jenna Ortega, Barry Keoghan et Riley Keough viennent prêter leurs visages à cette fresque dépressive avec une sincérité qui fait plaisir à voir. Pas de cabotinage, pas de poses Instagram : juste des corps qui souffrent, qui aiment, qui fuient. Mention spéciale à Jenna Ortega, qui réussit à être à la fois glaçante et touchante, comme une ex qui te bloque sur WhatsApp mais continue de liker tes stories. La direction artistique, elle, est un festival de lumières, de textures, de contrastes. On pense parfois à Enter the Void, parfois à Drive, parfois à une pub pour des sextoys connectés. Mais toujours avec une cohérence formelle qui impressionne.

Au final, on peut supposer que Hurry up Tomorrow est un film qui risque d’être amené à diviser. Certains spectateurs pourront trouver le geste prétentieux et s’y ennuieront par conséquent franchement, tandis que d’autres crieront peut-être au génie, impressionnés par l’audace des partis-pris esthétiques et narratifs. Mais quelque-part entre ces deux extrêmes, il nous semble évident que tous ceux qui accepteront de se laisser embarquer dans ce voyage sensoriel en prêtant autant d’attention aux silences qu’aux beats vivront à coup sûr une expérience de cinéma immersive et sincère.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Après avoir été distribué sur 255 copies au mois de mai, où le film n’attira qu’un peu moins de 60.000 spectateurs, Hurry up Tomorrow débarque aujourd’hui au format Blu-ray, sous les couleurs de Metropolitan Vidéo. Conscient de la singularité de son bébé, l’éditeur lui offre une édition limitée assez superbe : le Combo Blu-ray + DVD est présenté dans un Digipack 3 volets avec étui, contenant également un livret de 24 pages contenant une analyse du film par Nicolas Rioult et plusieurs photos. La conception graphique de l’ensemble a été confiée aux bons soins d’Emma Boutboul, qui permet de s’offrir une édition classe et élégante que vous serez fiers de voir trôner dans votre DVDthèque.

Côté Blu-ray, c’est la classe également, avec un encodage de haute tenue : la galette nous propose une image Haute-Définition qui fait honneur à la photographie du film : contrastes marqués, noirs profonds, et une palette de couleurs qui claque comme une gifle de drag queen sous stroboscopes. Les scènes nocturnes, nombreuses, sont parfaitement lisibles, sans bruit excessif ni artefacts disgracieux. Côté son, le mixage VO en Dolby Atmos est une tuerie : spatialisation immersive, basses généreuses, et une clarté qui permet de savourer chaque soupir de The Weeknd. La VF, également mixée en Dolby Atmos, s’en sort qu’honorablement, mais on ne pourra honnêtement que vous conseiller de voir le film en VO, pour aller au bout du trip sensoriel qu’est Hurry up Tomorrow sans être troublé par un doublage français qui donne l’impression que Jenna Ortega a été remplacée par une animatrice de France 3 Picardie.

Les suppléments du Blu-ray de Hurry up Tomorrow sont plutôt généreux : un making of (26 minutes) bien ficelé, qui reviendra sur de nombreux aspects techniques du film, et des essais caméra (6 minutes) donnent envie de repeindre son salon en néon rose. Une sélection de bandes-annonces thématiques fermera la section suppléments, s’imposant comme la cerise sur le gateau d’une édition limitée soignée et remarquable, à l’image du film, qui mérite sa place sur les étagères de tous les amateurs de cinéma sensoriel et de pop mélancolique.

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