Test Blu-ray 4K Ultra HD : Do the Right Thing

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Do the Right Thing

États-Unis : 1989
Titre original : –
Réalisation : Spike Lee
Scénario : Spike Lee
Acteurs : Danny Aiello, Spike Lee, John Turturro
Éditeur : Universal Pictures
Durée : 2h00
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 14 juin 1989
Date de sortie DVD/BR/4K : 3 septembre 2025

À Brooklyn, c’est littéralement le jour le plus chaud de l’année. Mookie, un jeune afro-américain, est livreur à la pizzeria du quartier, tenue par Sal et ses deux fils, d’origine italienne. Chacun vaque à ses occupations, mais la chaleur estivale va bientôt cristalliser les tensions raciales…

Le film

[5/5]

Revoir Do the Right Thing un peu plus de 35 ans après sa sortie dans les salles, c’est comme retrouver un vieux pote – en l’occurrence Spike Lee – que l’on avait un peu perdu de vue, et se remémorer la fougue de nos jeunesses passées. C’est se rendre compte aussi qu’en dépit de la nostalgie, tout n’était pas rose dans le passé, et que si notre mémoire (forcément sélective) avait préféré le souvenir de Rosie Perez danser sur le rythme du « Fight the Power » de Public Enemy, le troisième long-métrage de Spike Lee était également un beau pavé dans la mare sociale de la fin des années 80. 1989, Brooklyn, la canicule fait rage, et les tensions raciales montent plus vite qu’un ado devant un clip de Nicki Minaj. Avec Do the Right Thing, Spike Lee balançait à la face du monde un véritable cocktail molotov cinématographique, avec la délicatesse d’un lancer de brique dans une vitrine de pizzeria. Et même si ça pique un peu, ça fait du bien de se rappeler la force qu’avait le cinéma de Spike Lee à l’époque.

Considéré comme « culturellement, historiquement et esthétiquement important » par la Bibliothèque du Congrès, Do the Right Thing a intégré les collections du National Film Registry en 1999. Une véritable reconnaissance pour le cinéaste, d’autant plus appréciable que le film ne cherchait pas à caresser le spectateur dans le sens du poil, surtout si le poil est blanc et bien peigné. Cependant, derrière les punchlines, les insultes et les regards qui tuent, Spike Lee nous propose une vraie réflexion sur la responsabilité individuelle, la mémoire collective, et le rôle du silence dans la violence. Le plan final, entre Malcolm X et Martin Luther King, n’est pas là pour faire joli : il pose des questions, auxquelles il n’a d’ailleurs pas forcément de réponse. Et c’est là sa force : pas de morale à deux balles, pas de happy end façon sitcom. Juste une question : qu’est-ce que ça veut dire, « faire ce qu’il faut » ? Et si la réponse est aussi complexe, c’est parce que Spike Lee refuse la facilité. Il préfère le chaos, le bruit, la sueur – la vie.

Formellement, Do the Right Thing est une orgie visuelle. Couleurs saturées, caméra frontale, rythme syncopé : Spike Lee filme comme un DJ qui aurait sniffé du paprika. Chaque plan est pensé pour déranger, provoquer, interroger. Le rouge, le jaune, l’orange : tout suinte la chaleur, la colère, le désir de foutre le feu. Et quand Radio Raheem balance « Fight the Power », le morceau de Public Enemy s’impose comme un mantra urbain, et c’est tout le quartier qui commence à vibrer. Do the Right Thing, c’est aussi une galerie de personnages bigger than life : Mookie, Sal, Buggin’ Out, Da Mayor… chacun incarne une facette de l’Amérique, entre espoir, rancune, et pizza trop cuite. Et si certains dialogues sentent la testostérone frelatée, c’est pour mieux montrer que la virilité, quand elle est mal digérée, peut devenir explosive – on sait bien que les hommes parlent trop fort, surtout quand ils n’ont rien à dire. Mais dans Do the Right Thing, même les silences ont du sens.

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[5/5]

Do the Right Thing débarque en Blu-ray 4K Ultra HD chez Universal Pictures, et autant dire que ça envoie du lourd. L’image, restaurée à partir des négatifs originaux, est une claque visuelle : les couleurs saturées explosent comme un cocktail de Fanta et de napalm. L’étalonnage HDR10 fait ressortir les teintes orangées et rouges avec une intensité qui ferait rougir un homard. Les noirs sont profonds sans être bouchés, les détails de peau (pores, sueur, poils de barbe) sont d’une précision chirurgicale. Le grain argentique a été préservé avec amour – de cet amour inconditionnel qu’a la petite dernière vis à vis de ce vieux doudou dégueu dont elle ne veut pas se séparer, et qu’on subtilise pendant qu’elle dort pour le coller dans la machine. On notera quelques petites saccades mineures, mais rien qui empêche de savourer cette redécouverte visuelle. Côté son, la VO en DTS:X (avec un « core » DTS-HD Master Audio 7.1) est ample, immersive, avec une spatialisation qui donne envie de hurler « Fight the Power » dans son salon, et ce même si, musicalement, on a toujours plutôt penché du côté de la dérision de « Fight for your Right » des Beastie Boys. La VF en DTS 5.1 est plus que correcte, mais manque un peu de punch dans les dialogues. Mieux vaut rester sur la VO, qui préserve l’authenticité du film de Spike Lee.

Côté suppléments, Universal fait clairement le job, en recyclant les riches suppléments de l’édition « 20ème anniversaire » du film, sortie aux États-Unis en 2009. On commencera avec deux commentaires audio : le premier enregistré par Spike Lee à l’occasion des vingt ans du film, et le deuxième où le cinéaste partage le micro avec son directeur photo Ernest Dickerson, son chef décorateur Wynn Thomas et l’actrice Joie Lee, qui se trouve également être sa sœur. Les intervenants ont été enregistrés séparément, en 2005. On continuera avec un making of rétrospectif (36 minutes), réunissant une bonne partie des acteurs et de l’équipe technique, la plupart d’entre-eux ayant une anecdote insolite à raconter sur le tournage. On y apprendra que Rosie Perez, future interprète de Perdita Durango, envisageait de devenir biochimiste, mais que la rencontre avec Spike Lee dans un club de reggae allait changer sa vie. John Turturro craignait, après avoir vu les rushes, de se faire tabasser dans le métro. John Savage, qui affirmait depuis des années que Larry Bird lui avait offert le maillot des Celtics qu’il porte dans le film, voit cette affirmation réfutée de manière hilarante par Spike Lee, qui affirme l’avoir acheté lui-même. On embrayera ensuite avec un making of d’époque (1h01) qui, comme nous prévient Spike Lee dans son introduction, n’a rien du sujet « ordinaire et bidon ». Réalisé par St. Clair Bourne pendant le tournage, ce passionnant document historique retrace la création de Do the Right Thing, en se concentrant plus particulièrement sur le quartier de Bedford-Stuyvesant (Bed-Stuy), à Brooklyn, où se déroule le film. À l’époque, il s’agissait d’un endroit relativement dangereux, et quelques fumeries de crack ont du être fermées à la demande de la production avant le début du tournage. On y apprendra que Spike Lee et la production ont passé six semaines à préparer le quartier au tournage du film, en tentant notamment d’embaucher autant de résidents que possible, et a même invité tout le quartier à une grande fête pour annoncer le début du tournage. Une belle tranche de vie.

Mais ce n’est pas fini, puisque un module intitulé Dans les coulisses (58 minutes) réunit une série de cassettes Hi-8 tournées par Spike Lee et son frère tout au long du tournage du film. Parmi les moments forts, on trouvera une première lecture avec les acteurs principaux, l’imagination déployée par Giancarlo Esposito afin d’invente une « backstory » à son personnage, et les cadeaux farfelus offerts à Spike Lee à l’occasion de la fête de fin de tournage. Dans l’esprit de ce documentaire, on trouvera ensuite un sujet consacré à la présentation du film à Cannes en 1989 (42 minutes), avec la conférence de presse qui permettra notamment à Spike Lee d’apporter des réponses éclairantes sur l’utilisation de la citation de Malcolm X à la fin du film. Ossie Davis, Ruby Dee, Joie Lee et Richard Edson sont présents aux côtés du réalisateur. On terminera enfin par une sélection de scènes coupées (14 minutes), un entretien avec le monteur du film Barry Brown (10 minutes), une galerie de storyboards consacrée à la séquence de l’émeute et, bien sûr, la traditionnelle bande-annonce. Bref, une interactivité au top qui fait clairement de Do the Right Thing une galette Katka incontournable. Et comme le film tourne autour d’une pizzeria, on oserait même bien une métaphore à base de pizza, genre le film de Spike Lee, il est bien croustillant et on a toujours envie d’en reprendre une part, mais attention : c’est aussi un film qui ne laisse pas indifférent, et qui aborde des sujets si brûlants qu’ils pourraient bien vous brûler le palais. Ça m’arrive tout le temps putain !

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