Test Blu-ray : Blood Feast

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Blood Feast

États-Unis : 1963
Titre original : –
Réalisation : Herschell Gordon Lewis
Scénario : Allison Louise Downe
Acteurs : William Kerwin, Mal Arnold, Connie Mason
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h08
Genre : Horreur
Date de sortie DVD/BR : 2 juillet 2025

Madame Fremont engage un traiteur égyptien pour le mariage de sa fille Suzette, un certain Fouad Ramsès. Fouad prépare un repas sanglant fait de membres humains de plusieurs jeunes femmes qu’il prend comme victimes et qu’il découpe à la machette, perpétuant ainsi un ancien rite égyptien, afin d’honorer une Déesse. Fouad planifie d’améliorer sa recette en ajoutant Suzette au menu…

Le film

[3/5]

Dans la nécrologie qu’on lui avait consacré en 2016, notre rédacteur Johan Amselem avait évoqué le début de la carrière horrifique de Herschell Gordon Lewis en ces termes : « Lorsque Blood Feast (Orgie Sanglante en VF) sort en 1963, le succès est immédiat et le film est considéré comme révolutionnaire dans son approche de l’horreur, allant plus loin que quiconque avant lui. Tourné avec peu de moyens, il choque par un mélange inédit entre la violence gore et un côté kitsch apportant un second degré assez mal perçu à l’époque. » Voilà qui nous paraît un excellent point de départ pour aborder le premier film gore de celui que l’on considère aujourd’hui comme le père fondateur du genre. Blood Feast s’ouvre sur une scène qui marque, à sa manière, une continuité (et donc une certaine cohérence) avec les films précédents de Herschell Gordon Lewis, qui étaient des « nudie cuties », c’est à dire des films érotiques soft à tendance kitsch. On y découvre donc une jeune femme se déshabillant dans sa salle de bain, en écoutant un reportage à la radio évoquant la présence d’un dangereux tueur en série sévissant dans le voisinage. Pour une raison inexpliquée mais plutôt amusante, on la verra s’installer dans sa baignoire avec une lecture pour le moins inhabituelle : on aurait imaginé prendre son bain avec un exemplaire de Vogue ou de Harper’s Bazaar, mais il n’en est rien, la jeune femme se délasse ici en lisant un énorme ouvrage intitulé « Ancient Weird Religious Rites ».

Soudain, un fou furieux franchit la porte et attaque la malheureuse femme : il lui plante un couteau dans l’œil, puis lui coupe la jambe, remplissant la baignoire de viscères rouge vif. Il s’agit d’une séquence frénétique et violente, mais qui, avec un peu plus de soixante ans de recul, ne s’avère pas si effrayante que ça, du moins pour un public moderne habitué à des effets spéciaux beaucoup plus réalistes. Cela vaudra pour toutes les autres séquences gore de Blood Feast : il s’agit d’un pur film d’exploitation, torché à la va-comme-je-te-pousse et qui, même s’il a donné naissance à un genre très prolifique, ne pourra pas sérieusement être considéré comme une franche réussite. Pour autant, son côté novateur et son humour potache lui permettent d’être une expérience immersive et globalement assez plaisante, si tant est que vous soyez capable d’adopter le recul nécessaire. D’un point de vue narratif, le film ne fait pas de mystère concernant l’identité du tueur : il s’agit d’un petit homme étrange nommé Fouad Ramsès (Mal Arnold), un épicier traiteur qui sera, quelques minutes plus tard, engagé par la mondaine Dorothy Fremont (Lyn Bolton) pour préparer le mariage de sa fille Suzette (Connie Mason, page centrale de Playboy en juin 1963). Mais ce que Mme Fremont ignore, c’est que Fouad vénère la déesse égyptienne Ishtar, et prépare en son honneur ce qu’il considère comme l’offrande ultime : un banquet préparé avec des parties du corps de ses victimes – en effet, la traduction littérale du titre Blood Feast aurait davantage dû être Festin sanglant que Orgie Sanglante, mais on comprend bien que les filous de français chargés de la distribution du film aient voulu mettre en avant l’érotisme du film, même si cet aspect se limite grosso modo à sa première séquence, par ailleurs extrêmement soft.

Le « festin sanglant » préparé avec soin et application par Fouad a donc pour but de de ressusciter la déesse Ishtar. Pour mener à bien son projet, le tueur adopte une logique finalement assez représentative du cinéma d’horreur dans son ensemble, et notamment du slasher qui prendrait sa succession dans les années 80 : le choix de ses victimes reflète une certaine morale réactionnaire, dans le sens où il a tendance à tuer des filles qui, dans leurs attitudes, laissent entrevoir une sexualité volontiers « libérée ». A ce titre, la présence au casting de la playmate Connie Mason est très représentative de la volonté de Blood Feast de pointer du doigt les jeunes femmes s’écartant du droit chemin de la moralité judéo-chrétienne. On notera par ailleurs qu’entre les scènes de meurtres parfois bien gratinées (la séquence de la langue coupée est probablement la plus dérangeantes d’entre elles), le film met en scène une enquête policière interminable mais occasionnellement amusante. Avec Blood Feast, Herschell Gordon Lewis et son producteur David F. Friedman avaient probablement dans l’idée de conquérir le marché des drive-in, et en dépit de tous ses défauts, ce film d’horreur en couleurs jouant la carte du « gore » comme aucun autre avant lui y est parvenu sans aucun problème. Le succès fut en effet au rendez-vous, ce qui permit à Blood Feast de devenir le premier de ce qu’on nomma par la suite la « Blood Trilogy ». Il fut ainsi rapidement suivi par 2000 Maniacs (1964), une sorte de freakshow sudiste complètement barré (sur lequel on reviendra demain), et par Color me Blood Red (1965), une satire du monde de l’Art au cœur de laquelle un peintre trouve la teinte parfaite dans le sang humain. En toute objectivité, aucun de ces films ne peut être considéré comme « bon » au sens traditionnel du terme : le jeu des acteurs est catastrophique, la mise en scène, la photo et le montage sont souvent franchement bâclés, et les scénarios ne sont que des prétextes destinés à enchaîner les scènes de meurtres. Mais ils demeurent tous encore franchement réjouissants aujourd’hui, et ont le mérite d’avoir véritablement créé un genre cinématographique à part entière.

Le coffret Blu-ray

[4,5/5]

En nous proposant presque chaque mois de nouveaux films d’horreur inédits en France en Haute-Définition, ESC Éditions s’est peu à peu taillé une place de choix dans le cœur des amateurs de fantastique. La sortie de Blood Feast, jusqu’ici totalement inédit en Blu-ray, est donc un petit événement, et l’éditeur en est conscient : il nous offre ici un Combo Blu-ray + DVD + Livret + Affiche présenté dans un superbe digipack trois volets nanti d’un fourreau cartonné. Et le bonheur se poursuit côté galette, puisque le film a été remasterisé, et affiche une excellente forme. On peut dire adieu aux taches et autres poussières disgracieuses, le master est stable et propre, et les couleurs et contrastes ne posent pas le moindre problème. Applaudissons donc des deux mains ESC de nous offrir la possibilité de revoir le film dans de bonnes conditions. On notera que le film nous est présenté en 1.85, mais que le générique de début est en 1.33. Côté son, c’est du très bon boulot avec à la fois la VF et la VO proposées en DTS-HD Master Audio 2.0, claires et intelligibles. On préférera néanmoins la VO à sa petite sœur la VF, qui manque un peu de pep’s.

Côté suppléments, on commencera en feuilletant avec intérêt le livret de 24 pages signé Marc Toullec, intitulé « Blood Feast : Du rose au rouge ». Il y reviendra sur la genèse, le tournage et la pérennité du film. Sur le Blu-ray en lui-même, on commencera par un commentaire audio de Herschell Gordon Lewis et David F. Friedman (VOST). Avec l’aide de Mike Vraney (Something Weird Video), les deux hommes se remémorent le projet, de sa conception à sa production, en passant par le casting et le succès / l’héritage de Blood Feast. On notera qu’ils portent un regard très sincère et assez objectif sur le film, ne cherchant jamais à cacher ses faiblesses. On continuera avec une large sélection de scènes coupées et/ou ratées (46 minutes), comportant notamment quelques scènes de nudité, mais qui nous sont malheureusement « non sonorisées », et par conséquent proposées avec un fond musical tiré des films de Herschell Gordon Lewis.

On enchaînera ensuite avec une conversation autour du film avec Philippe Rouyer et Yal Sadat (26 minutes). Le fait qu’un journaliste de Positif et un journaliste des Cahiers du Cinéma parlent pendant une demie-heure de Blood Feast a quand même quelque-chose de vaguement surréaliste. Ils intellectualiseront naturellement beaucoup ce qui ne devrait pas être considéré autrement qu’un nanar ayant eu la chance de rencontrer l’Histoire, creusant le contexte de production et trouvant même une poignée de pistes analytiques sérieuses concernant la mise en scène du film. Enfin, en plus des traditionnelles bandes-annonces, on terminera avec un entretien avec Herschell Gordon Lewis (22 minutes), qui commence par une session de questions / réponses avec le public, en présence du réalisateur Alex Cox (dont on a parlé récemment dans notre test Blu-ray de À cause d’un assassinat), juste après la projection d’un de ses films en Belgique. Le sujet se terminera par un entretien un peu plus intime avec le cinéaste ; on notera qu’il est signé Yves Montmayeur (dont on a parlé récemment dans notre test Blu-ray de Police Story 3).

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