Police Story 3
Hong Kong : 1992
Titre original : Ging chaat goo si III – Chiu kup ging chaat
Réalisation : Stanley Tong
Scénario : Edward Tang, Fibe Ma, Lee Wai Yee
Acteurs : Jackie Chan, Michelle Yeoh, Maggie Cheung
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h36
Genre : Action
Date de sortie cinéma : 26 janvier 1994
Date de sortie DVD/BR : 5 avril 2025
L’inspecteur Chan Ka-Kui est recruté par ses supérieurs pour une mission risquée visant à démanteler un important réseau de trafiquants de drogue. Pour ce faire, il devra collaborer avec l’inspecteur Kin-Wah Yang, travaillant pour la police chinoise. Ensemble, ils échafauderont un duo frère-sœur afin de s’infiltrer dans l’organisation du baron de la drogue Chaibat. Mais leur couverture sera mise à rude épreuve lorsqu’ils devront faire face à des situations de plus en plus dangereuses, tout en essayant de gagner la confiance de Chaibat et de ses hommes…
Le film
[4,5/5]
Au fil des années, on n’a peu eu l’occasion, dans les colonnes de critique-film.fr, de déclamer tout notre amour pour le cinéma de Jackie Chan, et ce principalement parce que ses films sont pour la plupart sortis au format DVD entre 2007 et 2013, mais n’ont que très peu réédités ces dix dernières années. Dans le cas de Police Story 3, c’est encore pire : le film avait en effet été énormément vu au milieu des années 90 grâce à sa sortie au format VHS, mais jusqu’à aujourd’hui, il n’avait jamais été réédité, ni en DVD, ni en Blu-ray. C’est d’ailleurs le seul film de la franchise Police Story qui manquait encore à l’appel en France. Entre 2000 et 2007, Metropolitan avait édité Police Story, Police Story 2, Contre-attaque (alias Police Story IV), ainsi que le spin-off Project S et le reboot New Police Story, tandis qu’AB Vidéo s’était chargé de sortir en France le second reboot de la franchise, intitulé Police Story : Lockdown.
Si les raisons ayant occasionné une telle attente restent obscures (et sont probablement liées à un blocage des droits), on ne peut que se réjouir de la redécouverte cette année de Police Story 3, sorti au format Blu-ray et Blu-ray 4K Ultra HD sous les couleurs de notre éditeur préféré du monde entier de l’univers, Le Chat qui fume. C’est d’autant plus appréciable que Police Story 3 est à priori l’opus le plus apprécié de la saga, affichant l’impressionnante note de 93% de satisfaction sur l’agrégateur critique Rotten Tomatoes. Mais en plus d’être l’opus préféré des critiques, le film était une véritable « charnière » dans l’histoire de la franchise, et ce pour plusieurs raisons.
Déjà, on peut noter que Police Story 3 est le premier film de la série à ne pas avoir été réalisé par Jackie Chan, mais par Stanley Tong. Jackie Chan et Stanley Tong, qui tourneront par la suite de nombreux films ensemble, y font le choix d’orienter le scénario davantage vers le récit d’espionnage / action que vers le polar pur et dur qui baignait l’atmosphère des deux premiers films. Les bastons y sont encore très nombreuses, mais globalement moins brutales, et le public visé est plus « familial », l’action rythmant le dernier acte du film étant davantage basé sur des cascades extrêmement spectaculaires. Cette volonté de rediriger la saga vers un univers légèrement différent se retrouve dès le début du film, avec une référence explicite à James Bond, et cette inclinaison sera encore plus marquée dans l’épisode suivant, sorti sur les écrans français en 1997 sous le titre Contre-attaque.
Police Story 3 marque également la dernière apparition de Maggie Cheung dans le rôle de May, la fiancée de Chan Ka Kui (ou Kevin Chan dans la VF). S’il n’a enregistré qu’un peu plus de 60.000 entrées dans les salles françaises en 1994, le film deviendrait tout de même rapidement extrêmement populaire dans l’hexagone, grâce à des éditions VHS chez Film Office puis chez UGC Vidéo qui submergeraient littéralement les linéaires des vidéoclubs à partir de 1995. Police Story 3 fut également le deuxième film hongkongais de Stanley Tong avec Jackie Chan à sortir dans les salles américaines, en 1996, après le succès de Jackie Chan dans le Bronx. Ces deux films permirent enfin à Jackie Chan de percer sur le sol américain, après deux essais infructueux dans les années 80 (Le Chinois en 1980, Le Retour du Chinois en 1985).
Au début de Police Story 3, l’inspecteur hongkongais Kevin Chan est donc manipulé par son oncle l’inspecteur Wong (Bill Tung) afin d’être envoyé dans une mission d’infiltration à Canton (Guangzhou), en Chine continentale : il devra y prendre contact avec un l’agent Yang, un inspecteur d’Interpol local, qui se révélera en fait être un femme (Michelle Yeoh). Cela ne sera que la première surprise pour Chan, qui découvrira une ville extrêmement imprégnée de son idéologie communiste et baignant dans une atmosphère très militarisée. Le tout est livré au spectateur avec une bonne dose d’humour, de façon à faire passer en douceur la petite charge à l’encontre du gouvernement chinois, tout en soulignant discrètement les craintes du peuple hongkongais vis-à-vis de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, qui débarquerait quelques années plus tard. En essayant tant bien de mal de s’adapter aux us et coutumes locales, l’inspecteur Chan va donc se rapprocher d’un gangster surnommé « Panthère » (Wah Yuen), afin de localiser et de faire tomber un baron de la drogue nommé Chaibat (Kenneth Tsang).
Bien sûr, la collaboration entre les personnages incarnés à l‘écran par Jackie Chan et Michelle Yeoh ne se fera pas sans heurts, et la mission des deux agents sera encore compliquée quand Chan croisera sa petite amie May (Maggie Cheung), qui le reconnait et en conclut qu’il la trompe avec une autre fille. C’est d’ailleurs avec l’apparition du personnage de May que Police Story 3 prend réellement son envol, parvenant à imbriquer ses différents éléments narratifs de façon à créer et à maintenir la tension qui emmènera le spectateur en direction d’un dernier acte absolument époustouflant. En 2016, lors d’une table ronde organisée par The Hollywood Reporter sur YouTube en compagnie de Quentin Tarantino, quand on a demandé au cinéaste quel moment de l’histoire du Cinéma il souhaiterait préserver afin que des extraterrestres en visite sur Terre puissent découvrir de quoi les humains étaient capables, il a cité la scène finale du film de Stanley Tong.
Il est vrai que les cascades proposées par Police Story 3 sont très dangereuses, et encore extrêmement impressionnantes, même plus de trente ans après la sortie du film. Il faut préciser que Jackie Chan s’est toujours fait un point d’honneur à réaliser lui-même ses cascades, se fiant à son instinct et à son corps athlétique pour rester en vie. Mais à la découverte du film, on ne peut que hausser les sourcils tant sa marge d’erreur pourra nous apparaitre comme extrêmement faible. A vrai dire, certaines des scènes rythmant la dernière demi-heure du film paraissent si insensées qu’elles semblent être l’équivalent cinématographique d’une « roulette russe » devant la caméra, dans le sens où le moindre faux mouvement de Jackie Chan ou de Michelle Yeoh sur le film aurait pu les tuer.
A l’époque, beaucoup de films de Jackie Chan se terminaient par un montage de prises ratées, issues du tournage des scènes d’action les plus dangereuses, et ces courtes images brutes visibles sur le générique de fin de Police Story 3 illustrent vraiment bien l’ambition folle (l’inconscience ?) de l’équipe du film, qui voulait aller beaucoup plus loin que n’importe quel James Bond, et donc battre les américains à leur propre jeu. Dans ces extraits, on voit Michelle Yeoh sauter avec sa moto sur un train en marche, et on voit où termine réellement la moto. On voit Jackie Chan faire un salto décalé sur le toit de ce même train en marche, mal se réceptionner et être sauvé de justesse par deux membres de l’équipe. On le voit risquer de se faire couper en deux par les pales d’un hélicoptère, à cause du dysfonctionnement de ce qui semble être une ceinture de protection. On voit Michelle Yeoh sauter sur une voiture, glisser et emmener dans sa chute un autre membre de l’équipe s’étant précipité pour l’aider.
Police Story 3 nous propose donc un déluge d’action délirant, rempli de cascades spectaculaires et parfaitement exécutées, et c’est ce qui constitue très clairement le principal atout du film. Avec le recul, on se dit souvent que le premier Police Story était essentiellement basé sur le verre brisé (cascades, bastons), que Police Story 2 mettait en scène des explosions en tous genres, et que ce Police Story 3 mettait au contraire l’accent sur les cascades les plus insensées et les plus dangereuses que l’on puisse imaginer. Et avant le feu d’artifices proposé par le dernier acte du film, Stanley Tong semble bien déterminé à rendre le film aussi divertissant que possible, avec des scènes d’action variées, soignées et d’une précision exemplaire, entrecoupées de séquences comiques régulièrement amusantes. A ce titre, les deux protagonistes féminins du film (Michelle Yeoh et Maggie Cheung) ralentissent certes par moments un peu l’action, mais dans l’ensemble, Stanley Tong continue d’avancer sans se poser de questions, ce qui permet au concept de fonctionner au-delà de toutes nos espérances.
Pour terminer, on saluera la présence du mythique Lo Lieh (La Main de fer) dans un petit rôle (une apparition courte mais remarquée, qui dénote de la grande admiration que pouvait avoir Jackie Chan à l’égard de son aîné), et on ne pourra que s’incliner devant la classe absolue de la photo urbaine du film, signée Ardy Lam, qui avait fait ses armes de la plus impressionnante des manières deux ans plus tôt sur le classique de John Woo Une balle dans la tête. Bref, si vous aimez l’action et que vous n’avez pas encore vu Police Story 3, n’attendez pas une seconde de plus et foncez : il n’y a plus à espérer maintenant que sortent ou ressortent en Blu-ray les autres films de la franchise, histoire de pouvoir s’enquiller les quatre premiers à la suite pour s’offrir un peu plus de six heures de bonheur absolu.
Le Blu-ray
[4,5/5]
Comme on l’a souligné en début d’article, la sortie au format Blu-ray de Police Story 3 est un véritable événement : le film était très attendu par toute la communauté française des fans de Jackie Chan, et plus largement par tous les amateurs de cinéma d’action. Après avoir fait le bonheur des amateurs de VHS dans les années 90, le film de Stanley Tong débarque donc dans une superbe édition Blu-ray estampillée Le Chat qui fume. On notera d’ailleurs que le film était également disponible en précommande au format Blu-ray 4K Ultra HD, mais que cette édition a été victime de son succès – « sold out » au moment des précommandes, avant même d’arriver sur les linéaires de vos dealers de culture préférés. Côté packaging, le film nous est présenté dans un boîtier plastique « Scanavo » qui remplace le Digipack habituellement privilégié par l’éditeur, mais la composition de l’ensemble, que l’on doit au graphiste attitré du Chat qui fume Frédéric Domont (alias BaNDiNi), nous propose à nouveau un travail de création inspiré, qui permettra à cette édition de Police Story 3 de s’harmoniser parfaitement avec les autres Blu-ray édités par Le Chat qui fume depuis quelques années.
Côté master, Police Story 3 a fait l’objet d’une belle restauration, le bond qualitatif par rapport à la version que l’on connaissait du film – qui datait de l’époque de la VHS – est tout simplement hallucinant. La copie est de toute beauté : si le grain cinéma a été parfaitement préservé, mais n’empêche jamais au piqué et au niveau de détail de s’avérer impressionnant, même dans les moments les plus sombres. Les niveaux de noir sont profonds et les contrastes affirmés. Le film est par ailleurs naturellement proposé au format 1.85 respecté, et on ne dénote aucun souci de compression. Du très beau travail technique en somme ! Côté son, nous aurons droit à deux mixages DTS-HD Master Audio 2.0 à la fois en VF et en VO cantonaise, proposant dans les deux cas une excellente restitution acoustique de l’ambiance du film. L’ensemble est par ailleurs mixé sans souffle ni bruits parasites, les dialogues sont parfaitement clairs, et les sous-titres ne souffrent d’aucun problème particulier. La VF d’origine, pleine de charme et de voix connues, ravira les amateurs de versions françaises un peu surannées. Mais on ne saura trop vous conseiller de vous pencher sur le mixage DTS-HD Master Audio 5.1, uniquement disponible en VO cantonaise, qui s’avère vraiment spectaculaire dans son genre. Très spectaculaire et immersif, ce mixage plonge littéralement le spectateur au cœur de l’action. Solide et très efficace, la spatialisation est boostée de façon quasi-cartoonesque – tout y est naturellement riche en basses, en gros Surrounds et effets multidirectionnels. Très sympa !
Du côté des suppléments, Le Chat qui fume nous gâte, avec plusieurs heures de bonus passionnants. On commencera avec un entretien avec Stanley Tong (28 minutes), assuré par Frédéric Ambroisine, qui depuis quelques mois être devenu le roi des suppléments français concernant les films hongkongais. Dans une interview old school que l’on jurerait tirée d’une vieille VHS, le cinéaste commence l’entretien en évoquant son parcours au sein de l’industrie cinématographique hongkongaise, au cœur de laquelle il a pratiqué à peu près tous les métiers, jusqu’à son premier film qui attirera l’attention de la Golden Harvest, et la naissance du projet Police Story 3. Il reviendra ensuite sur sa relation avec Michelle Yeoh, ainsi qu’avec Jackie Chan, évoquera le tournage du film, ainsi que l’équilibre difficile qu’il a tenté de trouver sur le film entre les deux acteurs principaux, ainsi qu’entre l’action et la comédie. On continuera ensuite par un autre entretien avec Stanley Tong (17 minutes), à priori plus ancien, même si cela ne se voit pas forcément à l’image, dans lequel il explique en détail le tournage de certaines scènes du film, et notamment comment il a réussi, avec son équipe, à tourner 28 plans d’action complexes en seulement quatre heures en Malaisie. Il reviendra également sur les problèmes rencontrés sur le film, et comment il a failli mourir en tournant une séquence d’hélicoptère particulièrement dangereuse. On continuera ensuite avec une rencontre avec Michelle Yeoh (32 minutes), en fait une session de questions / réponses avec le public, enregistrée à l’issue d’une projection en 2015, et animée par Yves Montmayeur. L’actrice reviendra sur son parcours, et notamment ses débuts dans le cinéma d’action. C’est un plaisir de l’écouter, et ses anecdotes s’avèrent régulièrement amusantes.
On poursuivra avec un entretien avec Johnny Lee (17 minutes), assistant réalisateur, qui reviendra sur son parcours ainsi que sur ses souvenirs de Police Story 3, et notamment sur les galères rencontrées sur le tournage des scènes en Malaisie. Le Chat qui fume nous propose également de nous plonger dans un épisode spécial du podcast Raging Fire Club, consacré à la saga Police Story (1h28). Le podcast (filmé) est animé par Jonathan Asia, Paul Gaussem et Max Pereira, et nous propose une somme d’informations assez conséquente. Enfin, en plus de la traditionnelle bande-annonce, on terminera avec une large sélection de scènes ratées et d’images du tournage (52 minutes). Agrémentées d’un fond musical, elles nous permettront de découvrir les coulisses de certaines scènes d’action impressionnantes, l’ambiance sur le plateau (qui semblait souvent joviale) et bien sûr l’audace des cascades.