Critique : Sur la route de papa

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Sur la route de papa

France, 2025
Titre original : –
Réalisateurs : Nabil Aitakkaouali et Olivier Dacourt
Scénario : Nabil Aitakkaouali et Hakim Zouhani
Acteurs : Redouane Bougheraba, Caroline Anglade, Farida Ouchani et Mourade Zeguendi
Distributeur : UGC Distribution
Genre : Comédie de vacances
Durée : 1h31
Date de sortie : 18 juin 2025

3/5

Est-ce qu’en chaque début d’été, les autoroutes vers le sud sont toujours autant encombrées par des voitures remplies à ras bord, transportant des familles entières et des tonnes de cadeaux à destination du pays d’origine des passagers, le Maroc, l’Algérie ou la Tunisie ? Nous sommes plutôt mal placés pour le savoir, puisque notre exode estival se fait dans la direction opposée et à bord de trains à grande vitesse. Néanmoins, ce mouvement populaire nord-sud nous parle en tant que manifestation du lien jamais tout à fait rompu entre les racines et le pays d’adoption. Parfaitement inscrit dans le courant soutenu des films qui s’interrogent sur la place de la communauté maghrébine en France – à très grande majorité à vocation valorisante, encore heureux ! –, Sur la route de papa fait sien ce stéréotype des vacances passées au bled avec une gentillesse et une modestie à toute épreuve.

En effet, le premier long-métrage des réalisateurs Nabil Aitakkaouali et Olivier Dacourt se distingue par l’équilibre presque toujours maîtrisé entre les petits incidents fâcheux qui peuvent survenir au cours d’un périple de plusieurs milliers de kilomètres en voiture et les tensions familiales qui y sont exacerbées pour mieux être gommées en cours de route. Ainsi, leur récit entre la banlieue parisienne et la campagne marocaine est aussi avare en temps morts qu’en grands éclats mélodramatiques. Car même si cette réunion de circonstance à bord d’une vieille Renault 21 ranime un nombre conséquent de rancunes enfouies dans la routine du quotidien, chaque engueulade et chaque accident bénin y contribuent à resserrer les liens entre les personnages.

C’est globalement frais, jamais mesquin et surtout porté par la prestation remarquable de Farida Ouchani en grand-mère robuste et bien plus profondément humaine que platement folklorique.

© 2025 Gad Production / UGC Images / Studio Exception / UGC Distribution Tous droits réservés

Synopsis : Alors que son couple avec Sophie bat de l’aile, l’architecte Kamel est sur le point de signer son prochain grand projet avec des investisseurs qataris à Los Angeles. Il souhaite profiter de ce déplacement professionnel pour y emmener sa femme et ses deux enfants. Sauf qu’au même moment, sa mère Mima s’est mise en tête de ramener la vieille voiture de feu son mari au village de ses origines au Maroc, juste à temps pour y célébrer un mariage. Guère confiante derrière le volant, Mima convainc son fils de la conduire. Kamel accepte sous la pression de ses sœurs et par mauvaise conscience envers son milieu d’origine. Quoique toujours dans l’espoir d’avoir accompli cette corvée familiale avant son rendez-vous décisif à l’autre bout du monde, moins d’une semaine plus tard.

© 2025 Gad Production / UGC Images / Studio Exception / UGC Distribution Tous droits réservés

La représentation des personnes issues de l’immigration au cinéma s’apparente très – et sans doute trop – souvent en France à un véritable acte d’équilibriste. Hélas, les stéréotypes ont bon dos et il peut être risqué de trop s’en éloigner ou bien, au contraire, de chercher à bâtir son univers filmique à partir de ces clichés d’un autre temps. De cette tâche épineuse, Sur la route de papa s’acquitte étonnamment bien. C’est avant tout le temps accordé aux petites imperfections humaines de la plupart des personnages qui permet au récit de passer outre cette prémisse à première vue caricaturale. Le fait de renouer avec un passé trop longtemps occulté pour les uns et la découverte de toute une culture vaguement exotique pour les autres, c’est-à-dire la génération des enfants, y contribue à un regard joliment décomplexé.

A l’image d’autres trajets au fort potentiel conflictuel, comme le fut par exemple côté américain Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valerie Faris il y a près de vingt ans, cette cohabitation forcée dans un espace réduit opère en tant que révélateur imparable de ce qui ne va pas dans cette famille écartelée entre les cultures. Rien de majeur, soyez rassurés. Juste ces couacs habituels entre les parents et leur progéniture qui a la fâcheuse tendance de considérer qu’elle n’a pas eu ce qu’elle méritait, soit en termes affectifs, soit d’un point de vue social et matériel. Avec de surcroît l’opposition rarement montrée sans exagération vulgaire dans les films français entre ceux qui peuvent tout se permettre – des baskets à plus de deux mille euros la paire, des voyages et des maisons de luxe – et ceux qui ont eu la sagesse d’aller chercher leur bonheur ailleurs.

© 2025 Gad Production / UGC Images / Studio Exception / UGC Distribution Tous droits réservés

Car aussi classique l’intrigue de Sur la route de papa puisse-t-elle paraître, elle tient astucieusement compte de la complexité des rapports humains en ce XXIème siècle tristement clivant. Cela vaut autant pour l’antagonisme au sein de la fratrie des enfants de Kamel, au trait légèrement trop forcé entre la fille bien dans l’air du temps de l’éveil écologique et le fils adepte de godasses hors de prix, que pour la tension constante entre le protagoniste – Redouane Bougheraba en état de colère un peu trop permanent – et son entourage qui n’évolue guère sur la même longueur d’onde que lui, à savoir la vengeance subtile du nouveau riche sur une enfance perçue comme démunie. Ces enjeux dramatiques peuvent sonner lourds et tendancieux, mais grâce au propos nullement manichéen des réalisateurs, il en ressort une belle humanité sans fard.

Or, ce surplus indéniable d’affection est avant tout à mettre sur le compte de Farida Ouchani, l’une des ces actrices de seconds rôles que l’on croise de temps en temps et dont il serait grandement temps de retenir le nom ! Elle excelle à conférer une âme à cette histoire de famille, qui aurait facilement pu stagner au stade de trip nostalgique sans envergure. C’est elle, qui devient petit à petit le déclencheur des revirements inattendus, quoique jamais exploités à des fins opportunistes. Et c’est également elle, qui se met en quatre afin que ce voyage unique devienne un moment fédérateur parmi les membres de son clan. Avec toujours au fond des yeux cette dignité très noble des femmes du peuple, qui ont tant sacrifié pour permettre à leurs fils et leurs filles de mener une vie moins contrainte que ne l’a été la leur.

© 2025 Gad Production / UGC Images / Studio Exception / UGC Distribution Tous droits réservés

Conclusion

Projet de reconversion professionnelle réussie pour l’ancien footballeur Olivier Dacourt. Avec son coréalisateur Nabil Aitakkaouali, il nous livre cette petite belle surprise du début de l’été : une comédie de vacances qui certes ratisse large, mais qui sait sans exception revenir à son propos humaniste. Sur la route de papa, c’est le genre de grande réconciliation familiale qu’il fait toujours plaisir d’observer pendant une heure et demie au cinéma. Quitte à sortir de la salle avec une chanson de Barry White dans la tête, par ailleurs l’un des seuls faux pas d’une approche de valorisation globale des différentes cultures et de leur authenticité menée avec une admirable consistance jusque là.

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