Critique : Nothingwood

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Nothingwood

France, Afghanistan : 2016
Titre original : –
Réalisation : Sonia Kronlund
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h25
Genre : documentaire
Date de sortie : 14 juin 2017

2.5/5

Normalienne et agrégée de lettres, Sonia Kronlund a eu pendant 10 ans une première vie dans le cinéma, avec, en particulier, l’écriture de scénarios et la réalisation de documentaires. En 1995, elle a bifurqué vers la radio et elle anime depuis 2002, sur France Culture, l’émission « Les pieds sur terre ». Depuis une quinzaine d’années, elle montre beaucoup d’intérêt pour l’Iran et l’Afghanistan, deux pays dans lesquels elle a beaucoup voyagé. C’est au cours d’un de ces voyages qu’elle a entendu parler de Salim Shaheen. Cet homme étant un homme d’images, elle a trouvé plus judicieux de parler de lui sous la forme d’un film plutôt que sous celle d’un reportage pour la radio. Nothingwood faisait partie de la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes.

Synopsis : À une centaine de kilomètres de Kaboul, Salim Shaheen, l’acteur-réalisateur-producteur le plus populaire et prolifique d’Afghanistan, est venu projeter quelques-uns de ses 110 films et tourner le 111ème au passage. Ce voyage dans lequel il a entraîné sa bande de comédiens, tous plus excentriques et incontrôlables les uns que les autres, est l’occasion de faire la connaissance de cet amoureux du cinéma, qui fabrique sans relâche des films de série Z dans un pays en guerre depuis plus de trente ans. Nothingwood livre le récit d’une vie passée à accomplir un rêve d’enfant.

Un réalisateur boulimique

Hollywood, Etats-Unis, Bollywood, Inde, deux lieux consacrés au cinéma, deux lieux où il n’est pas exagéré de dire que l’argent coule à flot. En Afghanistan, affirme le réalisateur Salim Shaheen, il n’y a pas d’argent pour le cinéma, c’est Nothingwood ! Ce manque d’argent n’a pas empêché Salim Shaheen de réaliser plus de 100 films. Il faut dire que ce sont des œuvre « low-cost », tournées à l’arrache, en moyenne en 4 jours, des films dans lesquels le réalisateur joue lui-même ainsi que des membres de sa famille et des comédiens amateurs dont certains vont même jusqu’à payer pour apparaître à l’écran. Nothingwood permet d’assister au tournage d’un de ces films et il est vrai que cela ne donne guère envie de se précipiter dans une salle pour visionner le résultat final : à côté, les derniers films tournés par Jean-Pierre Mocky font figure de chefs d’œuvre du cinématographe ! Il n’empêche : quand bien même IMDB ignore complètement le réalisateur Salim Shahhen, ses films trouvent régulièrement leur place dans l’un ou l’autre des 4 cinémas de Kaboul actuellement opérationnels, ils sont vendus en DVD et diffusés sur les très nombreuses chaînes de télévision afghanes.

Les détails que le film nous dévoile concernant la vie privée de Salim ne sont pas sans intérêt : marié à 19 ans, dans le cadre d’un mariage qui lui a été imposé, avec une femme de 7 ans son aîné, Salim a pris plus tard une 2ème femme qu’il a lui-même choisie. 6 enfants avec la première femme, 8 avec la seconde, 8 garçons, 6 filles. Ses femmes, impossible de pouvoir les montrer dans un film, de même pour les filles !

L’amour du cinéma

L’amour du cinéma est universel et il peut revêtir plusieurs aspects : récemment, le film roumain Cinéma mon amour nous avait fait faire la connaissance de Victor Purice, un Directeur de cinéma arrivant à force de travail à maintenir à flot la salle dont il a la charge. Dans Nothingwood, c’est un réalisateur autodidacte, ne sachant ni lire, ni écrire, un véritable fou de cinéma que nous montre Sonia Kronlund. Entre Victor Purice, le roumain, et Salim Shaheen, l’afghan, outre la passion pour le cinéma, un autre point commun : ce sont de très sympathiques cabotins, au bagout très affirmé, des personnalités nées pour jouer un rôle.

Pour tourner son film, Sonia Kronlund et son équipe ont suivi Salim Shaheen et son équipe sur un lieu de tournage à Bamiyan, une ville située à 250 km au nord-ouest de Kaboul et près de laquelle se trouve le site abritant les statues de Bouddha détruites en mars 2001 par les talibans. Bien que cette partie de l’Afghanistan soit une des plus sûres du pays, Sonia Kronlund a cherché à entrer dans le jeu de ce comédien né qu’est Salim Shaheen, en représentation permanente, en jouant le rôle de la peureuse face à lui, le brave. Après tout, l’Afghanistan est quand même un pays en guerre permanente depuis près de 40 ans !

Par ailleurs, un des intérêts de Nothingwood est de nous introduire dans un pays qu’on connaît mal et, en quelque sorte, de nous rapprocher de sa population. C’est ainsi qu’on est tout surpris d’apprendre que tous les talibans ne rejettent pas systématiquement le cinéma : dans l’interview de l’un d’entre eux, il manifeste son intérêt pour les films de Salim Shaheen et nous avoue même y trouver matière à compléter ses connaissances.

Conclusion

Même s’il est plus que probable qu’on ne verra jamais de notre vie un film de Salim Shaheen, on peut s’intéresser à celui qui lui est consacré d’autant plus que la réalisatrice ne se contente pas de dialoguer avec lui et de nous le montrer à l’œuvre sur un lieu de tournage : elle en profite aussi pour nous apprendre pas mal de choses sur l’Afghanistan comme, par exemple, les rapports que certains talibans entretiennent avec le cinéma.

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