Test Blu-ray : Et maintenant on l’appelle El Magnifico

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Et maintenant on l’appelle El Magnifico

Italie, France, Yougoslavie : 1972
Titre original : E poi lo chiamarono il magnifico
Réalisation : Enzo Barboni
Scénario : Enzo Barboni
Acteurs : Terence Hill, Gregory Walcott, Yanti Somer
Éditeur : Bubbel Pop’ Édition
Durée : 2h05
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 23 août 1973
Date de sortie DVD/BR : 22 octobre 2025

Sir Thomas More, un pied tendre est envoyé dans l’Ouest dans l’espoir de devenir un homme, mais il préfère la poésie aux coups de feu et la bicyclette aux chevaux. Jusqu’à ce qu’il doive se frotter au gunman Morton qui convoite sa petite amie…

Le film

[4/5]

Et maintenant on l’appelle El Magnifico, c’est un peu comme si Lucky Luke avait troqué son cheval pour un vélo, son flingue pour un recueil de poèmes, et sa virilité pour une moustache bien taillée. Ce western spaghetti signé E.B. Clucher (alias Enzo Barboni, pour les intimes du genre) ne cherche pas à réinventer la poudre, mais plutôt à la saupoudrer d’un humour absurde et d’une tendresse inattendue. Le film, sorti en 1972, s’inscrit dans cette veine décalée du western italien post-Leone, où les cowboys ont des tics de comédie burlesque et les méchants des tronches de syndicalistes en fin de carrière. Et dans Et maintenant on l’appelle El Magnifico, c’est Terence Hill qui mène la danse, ou plutôt la balade, avec une élégance de dandy égaré dans un saloon.

Et maintenant on l’appelle El Magnifico, c’est avant tout une histoire de contraste. Sir Thomas Fitzpatrick Philip Moore (Terence Hill), un gentleman élevé en Europe, débarque dans le Far West pour retrouver son père. Mais au lieu de sortir les colts, il sort les alexandrins. Ce « pied tendre » (comme on le dit dans les BD de Lucky Luke) préfère la bicyclette au cheval, la poésie aux bastons, et les chemises propres et repassées à celles pleines de taches et trempées de sueur. Alors forcément, dans le monde de brutes du Far West ou dans les vestiaires du RC Lens, ça fait tâche. Mais une tâche lumineuse, comme une auréole de sainteté sur le front d’un cow-boy qui aurait lu Rimbaud. Le film joue sur cette opposition avec une malice réjouissante, transformant chaque scène en duel entre la barbarie virile et la délicatesse assumée.

Comme à son habitude, avec Et maintenant on l’appelle El Magnifico, Enzo Barboni ne cherche pas la maestria propre à épater la galerie, mais plutôt à installer une ambiance. Les décors sont poussiéreux, les costumes patinés, et la lumière souvent douce, comme un coucher de soleil sur une prairie pleine de crottes de bison. La mise en scène de Barboni privilégie les plans larges, les mouvements fluides, et bien sûr les ruptures de ton, qui étaient devenues sa marque de fabrique depuis On l’appelle Trinita en 1970. Une bagarre peut commencer comme une scène de slapstick et finir en réflexion sur la violence ordinaire. Et dans cette approche, le film rejoint des œuvres comme Mon nom est Personne ou Le Grand Silence, qui mêlaient également l’humour et la tragédie avec une élégance rare. Sauf qu’ici, la tragédie est souvent évitée par un bon mot ou une pirouette, comme si le film refusait de sombrer dans le pathos.

Et maintenant on l’appelle El Magnifico aborde aussi des thématiques plus profondes qu’il n’y paraît. L’identité, la transmission, le choc des cultures, la masculinité en crise. Thomas est un homme en décalage, un étranger dans son propre pays, un fils qui cherche un père absent. Et dans ce parcours initiatique, le film interroge la notion de virilité, de courage, de loyauté. Peut-on être un homme sans se battre ? Peut-on survivre dans un monde brutal en restant fidèle à ses valeurs ? Ces questions, le film les pose sans lourdeur, avec une légèreté qui n’empêche pas la gravité. Et en ce sens, Et maintenant on l’appelle El Magnifico s’impose comme une fable sur la résistance douce, et la force tranquille. Et puis, il faut parler de Terence Hill, à la fois charmant, drôle, et étonnamment touchant. Son jeu, tout en nuances, évite la caricature pour mieux incarner ce personnage improbable. Il marche comme un danseur, parle comme un poète, et se bat comme un clown. Et pourtant, il impose une vraie présence, une autorité discrète, une noblesse qui ne dit pas son nom – un personnage qui n’est pas sans rappeler celui de Jack Sparrow dans la franchise Pirates des Caraïbes.

Mais au-delà de son message, Et maintenant on l’appelle El Magnifico est aussi un film qui fait du bien, notamment en raison de son humour, volontiers absurde. Une scène de duel à vélo, une baston dans un bain public, une déclaration d’amour en alexandrins… Le film flirte souvent avec le burlesque, le grotesque, le surréaliste. Et dans cette folie douce, il rappelle les comédies italiennes de l’époque, les films de Dino Risi ou de Mario Monicelli. L’absurde y devient une arme (politique) contre la violence, une manière de désamorcer les tensions, ainsi que de désacraliser les codes du western. Ainsi, si vous aimez le cinéma qui prend des risques, qui ose la tendresse, qui célèbre l’étrangeté, il y a de grandes chances pour que vous considériez Et maintenant on l’appelle El Magnifico comme une véritable pépite. Une pépite aux yeux bleu acier, qui roule à vélo, qui cite Shakespeare, et qui met des baffes avec une élégance jamais prise en défaut.

Le coffret Blu-ray

[4,5/5]

L’édition Combo Blu-ray + DVD de Et maintenant on l’appelle El Magnifico proposée par Bubbel Pop’ Édition est un petit bijou pour les amateurs de westerns décalés et de packaging qui déchire sa race. Le boîtier Clamshell, limité et numéroté à 500 exemplaires, donne déjà le ton : on est ici dans le collector qui sent la passion et le souci du détail. À l’intérieur, le Blu-ray s’offre une image restaurée en 1080p, avec une image soignée qui respecte le grain d’origine sans le trahir. Les couleurs sont équilibrées, les contrastes bien gérés, et les scènes nocturnes conservent leur lisibilité sans sombrer dans le noir absolu. Pas de lissage excessif, pas de saturation criarde : c’est du travail propre, respectueux, et franchement agréable à l’œil. Côté son, le film d’Enzo Barboni bénéficie de deux pistes DTS-HD Master Audio 2.0, en VF et en VO. La version originale offre une clarté remarquable, avec des dialogues nets et une ambiance sonore bien équilibrée. La version française, quant à elle, conserve le charme des doublages d’époque, avec des voix bien posées et une dynamique correcte. Pas de souffle gênant, pas de déséquilibre entre les voix et les effets : c’est du solide. Les sous-titres français sont bien calés, sans fautes ni approximations. Bref, une édition technique qui tient la route (même en vélo).

Mais le vrai plus de cette édition Blu-ray de Et maintenant on l’appelle El Magnifico, ce sont les suppléments. On commencera par un entretien avec Jean-François Rauger (29 minutes), dans lequel le directeur de la programmation de la Cinémathèque française revient sur le film avec passion et érudition, en soulignant son originalité dans le paysage du western spaghetti. On continuera ensuite avec un entretien avec Philippe Lombard (30 minutes), qui explorera la carrière de Terence Hill avec humour et précision, en mettant en lumière son style unique. À cela s’ajoute un livret de 28 pages signé Christophe Chavdia, intitulé « Des yeux couleur d’enfant», également consacré à la carrière de Terence Hill, qui nous propose analyses, anecdotes et réflexions savoureuses. Et pour les fétichistes du Bel Objet Collector, le coffret contient aussi cinq cartes postales, une affiche du film, le dossier de presse d’époque (12 pages), et même un bandana. Oui, un bandana. De quoi se prendre pour Terence Hill dans son bain, avec ou sans mousse.

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