Test Blu-ray : Double Dragon

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Double Dragon

États-Unis : 1994
Titre original : –
Réalisation : James Yukich
Scénario : Michael Davis, Peter Gould
Acteurs : Mark Dacascos, Scott Wolf, Robert Patrick
Éditeur : Metropolitan Film & Video
Durée : 1h29
Genre : Action, Science-fiction
Date de sortie cinéma : 10 juillet 1996
Date de sortie DVD/BR : 14 novembre 2025

Los Angeles 2007. Après le dernier tremblement de terre, « The Big One », la ville a été submergée et les tours du centre ville sont au bord de l’océan. La nuit, la ville rebaptisée « New Angeles » devient le territoire de gangs qui s’affrontent. Le jour, elle est entre les mains du diabolique Koga Shuko. Riche et dangereux, il possède la moitié d’un antique médaillon chinois doté de pouvoirs surnaturels. Seuls Jimmy et Billy, deux adolescents orphelins, ont la possibilité de faire échouer Shuko car ils détiennent le morceau manquant du Double Dragon. C’est le début d’une aventure survoltée…

Le film

[3,5/5]

C’est marrant comme, quelquefois, les grands esprits se rencontrent. Il n’y a pas si longtemps, à l’occasion de notre évocation du film The Master (ressorti en Blu-ray sous les couleurs de HK Vidéo), nous faisions une référence à Double Dragon, qui entretient quelques similitudes avec le premier essai américain de Tsui Hark, notamment en ce qui concerne la représentation des « gangs » aux frontières du grotesque – un aspect assez typique du cinéma d’action américain « grand public » des années 90. Si on rêvait secrètement de voir ce réjouissant nanar sortir un jour en Blu-ray, on ne se doutait pas que Metropolitan Film & Video exaucerait notre vœu aussi rapidement – de quoi étoffer votre collection de petits plaisirs coupables 90’s en Blu-ray, à placer sur votre étagère aux côtés de Super Mario Bros, Tank Girl et Barb Wire.

Sorti en 1994 aux États-Unis, Double Dragon s’inscrivait dans une vague Hollywoodienne de tentatives afin de de transposer les références du jeu vidéo sur grand écran. Et dans son créneau, le film assume son délire de série B avec une candeur presque touchante. L’univers post-apocalyptique de New Angeles, avec ses gangs bariolés, son humour golmon et ses décors en carton-pâte, évoque autant Mad Max que Les Tortues Ninja, version pizza et latex. Les costumes semblent avoir été conçus par un styliste cocaïné fan de Power Rangers, les dialogues oscillent entre punchlines de CM2 et maximes de fortune cookie, et les effets spéciaux… eh bien, disons qu’ils ont le charme des débuts des CGI, à l’époque où chaque pixel coûtait un rein, et où le résultat était périmé en deux-deux.

Mais au fond, c’est précisément cette esthétique outrancière qui fait de Double Dragon un objet filmique aussi fascinant. S’il avait été tourné vingt ou trente ans après, le film aurait être une simple adaptation de beat’em all en mode 100% baston, mais dans les années 90, le cinéma appliquait ses codes, ses recettes soi-disant infaillibles. Ainsi, pour adapter au cinéma les comics, les jeux vidéo, et en particulier les jeux de baston (Street Fighter, Mortal Kombat, Double Dragon), les producteurs avaient souvent recours aux codes du cinéma pour enfants : la magie y tenait une place importante, de même que l’amitié, le rapport à la technologie et à l’imaginaire, le tout saupoudré d’une touche d’écologie. L’intrigue de Double Dragon pourra donc, selon votre sensibilité, être qualifiée soit de simplement « enfantine » soit de « complètement débile ». Deux frères, Jimmy et Billy Lee, incarnés par Mark Dacascos (le seul à vraiment savoir se battre) et Scott Wolf (le seul à vraiment sourire), tentent d’empêcher un grand méchant nommé Koga Shuko (Robert Patrick) de réunir les deux moitiés d’un médaillon magique. Mais à sa manière – enfantine, donc – le film fait aussi office de réflexion sur le double / la gémellité, avec une parabole évidente sur la complémentarité, sur la fraternité, et sur la nécessité de trouver l’équilibre entre force et sagesse. Bon, dit comme ça, on dirait un épisode de Dragon Ball Z écrit par Paulo Coelho, mais l’idée est là.

En 1994, le monde occidental découvrait les boys bands et les pantalons baggy. Internet, les portables, TikTok et les réseaux sociaux ne régnaient pas encore en maîtres. De la même façon que Timecop, tourné la même année, Double Dragon plaçait son intrigue dans un futur proche (2007), mais sans avoir venu venir la grande déferlante d’écrans qui submergeraient le monde à la fin des années 90. Les scénaristes du film avaient cependant imaginé que la ville de Los Angeles serait submergée par les eaux (coucou le réchauffement climatique), et que les gangs y feraient la loi. Les derniers remparts contre le chaos ? Les ados orphelins. Une vision qui, sous ses dehors de cartoon live, dit quelque chose de la peur du vide générationnel, de la perte des repères de la génération 90, et de la nécessité de réinventer des mythes.

Vous l’aurez compris : Double Dragon, c’est le mythe de Castor et Pollux revu à la sauce MTV. Et pour illustrer tout cela, le producteur Don Murphy a eu l’idée d’aller chercher James Yukich, réalisateur de clips et de concerts, qui nous livrera un véritable festival de plans serrés, de zooms intempestifs et de ralentis mal calibrés. Les scènes d’action, souvent chorégraphiées à la truelle, privilégient clairement l’énergie à la lisibilité, mais n’en demeurent pas moins occasionnellement réjouissantes, notamment grâce à la présence de Mark Dacascos. Du côté des seconds rôles, on notera la présence d’Alyssa Milano en rebelle punkette. Quant aux sbires de Shuko, ils semblent tout droit sortis d’un concours de cosplay organisé dans une maison de retraite pour culturistes, et le tout baigne dans une bande-son technoïde qui ferait passer Roland Cristal pour Daft Punk.

« Me dis pas que t’as fait un papier plus long pour Double Dragon que pour Apocalypse Now », me glisse-t-on à l’oreille, me signifiant par là même que la fin de cette article arrive probablement à grands pas. Mais le film de James Yukich n’est-il pas le témoignage précieux d’une époque où Hollywood croyait encore qu’un beat’em up 2D à trois boutons pouvait devenir un film à partir du moment où on calquait sa narration sur un épisode de Capitaine Planète ? De la même façon, et sous ses dehors de divertissement décérébré, Double Dragon n’interroge-t-il pas la capacité des jeunes générations à reprendre le flambeau dans un monde en ruines ? Le médaillon magique, scindé en deux, devient alors le symbole d’une humanité fracturée, qu’il faut réunifier pour espérer un avenir. Bon, on déconne, on déconne, mais le fait est que revoir Double Dragon aujourd’hui nous rappelle que parfois, le cinéma est aussi une affaire de plaisir coupable, de nostalgie, et de bastons en pyjama fluo. Avec ses couleurs baveuses, ses bruitages de jeu d’arcade, ses punchlines qui sentent bon le chewing-gum à la fraise et son méchant qui se transforme en ombre fumeuse pour se battre contre deux frangins en débardeur, Double Dragon s’impose comme une parenthèse enchantée, un uppercut dans la logique, un high-kick dans la bienséance. Nuff said !

Le Blu-ray

[4/5]

On ne va pas se mentir : voir Double Dragon débarquer en Blu-ray était assez inespéré. Mais dans sa grande mansuétude, Metropolitan Film & Video nous offre ici une galette qui fleure bon le revival VHS. Côté image, la galette Haute-Définition s’en sort avec les honneurs. Le master proposé par Metro affiche un 1080p propre, stable, avec un grain cinéma respecté et des couleurs qui pètent comme un chewing-gum à la chlorophylle. Fraîcheur de vivre. Les scènes nocturnes, nombreuses, conservent une lisibilité correcte. Les effets spéciaux, datés mais charmants, retrouvent une seconde jeunesse grâce à cette restauration qui ne trahit jamais l’esprit d’origine. Le son, quant à lui, est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0, aussi bien en version française qu’en version originale. Et là, surprise : la VF, souvent massacrée dans ce genre de productions, s’en sort plutôt bien. Les dialogues sont clairs, les ambiances bien réparties, et les bruitages de baston (coups de poing, chutes, explosions) claquent comme il faut. La VO, plus nuancée, offre un équilibre acoustique plus fin, notamment dans les scènes de poursuite et les séquences musicales. La dynamique générale reste agréable, même si on aurait aimé un poil plus de punch dans les scènes d’action.

Metropolitan Film & Video ne s’est pas contenté de balancer le film sur disque en mode service minimum. Le Blu-ray de Double Dragon propose une sélection de suppléments qui, sans être pléthoriques, ont le mérite d’exister et de prolonger le plaisir. On commence avec une featurette d’époque (5 minutes), qui nous donnera à voir quelques images volées sur le tournage, entrecoupées d’entretiens avec l’équipe, qui comparent le film à un mélange de La Guerre des étoiles et Les Tortues Ninja. Une autre featurette nous emmènera sur le tournage du film (6 minutes), avec un montage d’images brutes captées sur le plateau. Enfin, on terminera avec la traditionnelle bande-annonce, utilisée pour l’exploitation du film dans les salles françaises durant l’été 1996, où il attirerait 127.000 curieux – soit un peu moins que The Substitute, mais beaucoup plus que Balto chien loup, héros des neiges, sortis à la même date.

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