Un parfait inconnu
États-Unis : 2024
Titre original : A Complete Unknown
Réalisation : James Mangold
Scénario : James Mangold, Jay Cocks
Acteurs : Timothée Chalamet, Edward Norton, Elle Fanning
Éditeur : 20th Century Studios
Durée : 2h21
Genre : Biopic, Musique
Date de sortie cinéma : 29 janvier 2025
Date de sortie DVD/BR/4K : 4 juin 2025
New York, début des années 60. Au cœur de l’effervescente scène musicale et culturelle de l’époque, un énigmatique jeune homme de 19 ans arrive dans le West Village depuis son Minnesota natal, avec sa guitare et un talent hors normes qui changeront à jamais le cours de la musique américaine. Alors qu’il noue d’intimes relations durant son ascension vers la gloire, il finit par se sentir étouffé par le mouvement folk et, refusant d’être mis dans une case, fait un choix controversé qui aura des répercussions à l’échelle mondiale…
Le film
[3,5/5]
Si le phénomène ne date pas d’hier, le succès rencontré par Bohemian Rhapsody (2018, 962 millions de dollars de recettes) puis par Rocketman (2019, 206 millions) a contribué à populariser les biopics centrés sur des personnalités incontournables de la musique contemporaine, qu’elles soient mortes ou pas. Ainsi, ces dernières années, les biopics musicaux se sont multipliés : Respect en 2021, Elvis et Whitney Houston – I Wanna Dance With Somebody en 2022, Bob Marley : One love en 2023. En 2024, ce fut une véritable déferlante, avec Back to Black, Monsieur Aznavour, ou encore les originaux Piece by Piece et Better Man. Sorti dans les salles françaises début 2025, Un parfait inconnu retrouve quant à lui les rails d’un certain classicisme, mais l’expérience de James Mangold dans le domaine du biopic musical (Walk the Line, 2005) permet au film de toucher son public, comme le prouve la critique de notre chroniqueur Jean-Jacques Corrio, dont vous trouverez quelques morceaux choisi ci-dessous.
Un parfait inconnu qui ne va pas le rester longtemps
Un chanteur qui fait l’objet d’un procès du fait de ce que racontent ses chansons : on reconnaît Pete Seeger, un des pères fondateurs du mouvement folk aux États-Unis. Un homme souffrant de la maladie de Huntington, alité dans un hôpital new-yorkais : on reconnaît Woody Guthrie, un autre père fondateur de ce mouvement. New-York, fin janvier 1961, un jeune homme qui arrive à New-York, avec comme seuls bagages un petit sac à dos et une guitare : on ne devrait pas le reconnaître car c’est, alors, un parfait inconnu, mais tout est fait, et bien fait, pour qu’on reconnaisse le jeune Bob Dylan, arrivant de son Minnesota natal. (…) De son arrivée à New-York en janvier 1961 à sa dernière visite à Woody Guthrie peu de temps après sa prestation houleuse donnée lors du concert du Festival de Newport 1965, le film suit de façon chronologique l’évolution musicale de Bob Dylan, ses rapports avec Albert Grossman, son manager, et ceux avec d’autres musiciens comme Johnny Cash ou Bobby Neuwirth, sa vie sentimentale avec une jeune femme appelée Sylvie Russo dans le film, mais qui, dans la réalité, s’appelait Suze Rotolo et était la fille de parents communistes. Et puis, bien sûr, sa relation à la fois musicale et sentimentale avec Joan Baez, déjà arrivée à un grand succès public et critique quelques mois avant lui. (…)
Une interprétation très solide
Lorsqu’on se lance dans un tel projet, il est très important de se demander quel public on cherche à viser. Après tout, Bob Dylan est un octogénaire que la population âgée connaît au moins de nom, mais qu’en est-il du jeune public, de celles et ceux qui sont né(e)s alors que Bob Dylan était déjà sexagénaire ? Malin, James Mangold a choisi Timothée Chalamet, un comédien très populaire chez le jeune public, pour incarner Bob Dylan, espérant ainsi attirer vers son film une génération qui connaît mal le chanteur et encore plus mal les débuts de sa carrière. Force est de reconnaître que la prestation de Timothée Chalamet est particulièrement bien réussie, tant au niveau de l’aspect physique que de l’interprétation des chansons. Toujours cette surprenante faculté qu’ont les comédiens et les comédiennes US à exceller lorsqu’on leur demande de prêter leur voix à des personnages célèbres de la chanson. Une grande qualité qu’on retrouve également chez Monica Barbaro, l’interprète de Joan Baez. (…)
Une bonne introduction à Dylan
Mis à part le choix de l’interprète de Dylan, James Mangold a dû se poser de nombreuses autres questions : quelle est la bonne proportion en terme de longueur entre séquences purement musicales s’apparentant à des clips et le récit du vécu du chanteur et de son entourage durant la période 1961-1965 ? Le film est-il avant tout destiné à un public qui n’a qu’une connaissance très réduite non seulement de Bob Dylan mais aussi du mouvement folk du débit des années 60 ou, au contraire, doit il s’adresser à un public très pointu sur le sujet ? Un respect inconditionnel des faits doit-il être la règle ou bien est-il possible de s’en écarter quitte à devoir essuyer des reproches ou des sarcasmes en provenance des connaisseurs du sujet ? Le genre de questions qu’avaient dû se poser les frères Coen lorsqu’ils ont réalisé Inside Llewyn Davis et auxquelles ils avaient apporté des réponses loin d’être satisfaisantes. En ce qui concerne l’aspect documentaire du film, Un parfait inconnu, même s’il n’est pas parfait, s’avère largement supérieur au film des Coen. Certes, certains trouveront qu’il y a trop de musique et pas assez de temps consacré au récit, mais, pour d’autres, ce sera le contraire. (…) En résumé, Un parfait inconnu est à la fois une bonne introduction « Dylanesque » pour celles et ceux qui connaissent très mal Bob Dylan et un film agréable à regarder et à écouter pour celles et ceux qui le connaissent très bien, donnant même à ces derniers le plaisir de reconnaître Maria Muldaur alors qu’elle n’est appelée que par son prénom ou Dave Van Ronk et Barbara Dane qui ne sont l’objet d’aucune présentation nominative.
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[4/5]
Un parfait inconnu vient de sortir au format Blu-ray 4K Ultra HD chez 20th Century Studios, et comme on pouvait s’y attendre, le rendu visuel du film de James Mangold est assez éblouissant dans son genre. Le film s’offre un rendu volontairement old school, avec une patine argentique artificielle et une définition du tonnerre, qui nous permettra de profiter d’un niveau de détail absolument épatant. La palette de couleurs, très vaste, et les niveaux de noirs, rehaussés par les technologies HDR10 + Dolby Vision, contribuent à restituer les détails les plus fins des scènes de concerts. Du très beau travail. Côté son, le film s’offre, en VO, un mixage Dolby Atmos particulièrement puissant et immersif. Qu’il s’agisse des scènes musicales ou des scènes plus « intimes », tous les canaux Surround sont mis à contribution par de nombreux effets d’ambiance. Bien sûr, l’ensemble prend véritablement toute son ampleur lors des scènes de concert, qui sont tout particulièrement mises en valeur, mais les dialogues sont toujours placés de façon à être parfaitement clairs tout au long du film. La VF, qui nous est proposée en Dolby Digital 5.1, est forcément très en deçà de la version originale en termes de performances acoustiques, mais l’ensemble est solide et habilement spatialisé.
Du côté des suppléments, la galette 4K d’Un parfait inconnu contient uniquement le très intéressant commentaire audio de James Mangold (VOST). Néanmoins, pour prolonger le plaisir, les amoureux du film pourront se rabattre sur le Blu-ray, qui nous propose en plus un excellent making of (24 minutes), classique mais extrêmement informatif, constitué d’images volées sur le tournage et d’entretiens avec James Mangold et l’équipe du film.