Test Blu-ray 4K Ultra HD : Chair pour Frankenstein

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Chair pour Frankenstein

Italie, France : 1973
Titre original : Flesh for Frankenstein
Réalisation : Paul Morrissey
Scénario : Paul Morrissey
Acteurs : Joe Dallesandro, Udo Kier, Monique Van Vooren
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h35
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 9 octobre 1974
Date de sortie BR/4K : 18 septembre 2025

Pressé d’élever la race humaine au stade supérieur, le baron Frankenstein entreprend non seulement d’élaborer dans son laboratoire la femme parfaite, mais aussi de l’accoupler avec une créature masculine, non moins parfaite, dont il ne lui manque plus que la tête. Si la greffe aboutit en apparence à un résultat concluant, Frankenstein se rend vite compte que son deuxième monstre ne répond pas vraiment à son attente…

Le film

[3,5/5]

Derrière sa façade de série Z portée sur la tripaille et ses dialogues qui sentent le latex, Chair pour Frankenstein cache un vrai film. Un film qui, mine de rien, théorise sur le pouvoir, sur le désir, sur l’obsession de pureté, et sur le fait que vouloir créer la vie, c’est souvent finir avec les mains dans le cambouis et les pieds dans le caca (littéralement). Dans le film de Paul Morrissey, le baron Frankenstein (Udo Kier) veut créer une race supérieure. Rien que ça. Et pour y arriver, il assemble des morceaux de cadavres comme on compose une playlist Spotify : un peu de bras, un peu de jambes, et surtout une tête bien fraîche. Sauf que la tête choisie appartient à un jeune homme qui, surprise, n’est pas du tout intéressé par les femmes – ce qui, dans le plan du baron, pose un léger souci de compatibilité génétique. On est donc dans une comédie romantique inversée, où l’amour ne naît pas, mais se dissèque.

A l’époque de sa sortie dans les salles, Chair pour Frankenstein s’était distingué par l’utilisation du Space-Vision 3D, un procédé qui donne à certaines scènes une profondeur étrange, presque organique. Les plans du laboratoire, avec leurs bocaux et leurs viscères, ressemblent à des natures mortes de l’enfer. Le grain de la pellicule, parfois instable, ajoute une texture presque tactile à l’image. Et pourtant, cette esthétique crade sert parfaitement le propos : la beauté est une illusion, et la perfection un fantasme de savant fou. Les cadrages sont souvent décentrés, comme si la caméra elle-même avait peur de regarder en face ce qui se passe. Les couleurs sont saturées, presque criardes, et la musique de Claudio Gizzi ajoute une touche baroque à l’ensemble. On est loin du gothique feutré des productions Hammer : ici, tout est excessif, tout déborde. Même les dialogues, parfois absurdes, participent à cette ambiance de cauchemar éveillé…

Si imparfait soit-il, comparé à Du sang pour Dracula, qui fut tourné dans la foulée et que nous évoquions hier, Chair pour Frankenstein fait figure de véritable chef-d’œuvre punk, en partie parce qu’il assume totalement son côté frontal. C’est trash, c’est grotesque, mais c’est vivant. Comme un cadavre qui aurait décidé de faire du stand-up. Et dans le genre de l’horreur européenne des années 70, le film se pose là, aux côtés de La Rose Écorchée ou Les Lèvres Rouges, avec un goût prononcé pour le malaise et les fluides corporels. Thématiquement, il aborde évidemment la question du genre, avec cette créature féminine conçue pour être belle et soumise, mais qui finit par se rebeller. Il y a aussi la question du désir, omniprésent, mais toujours déviant. Le sexe n’est jamais une célébration, mais une opération chirurgicale. Et puis il y a cette obsession de la pureté, qui rappelle les pires heures de l’eugénisme. Le baron Frankenstein n’est pas un scientifique : c’est un gourou, un tyran, un influenceur avant l’heure, qui veut imposer sa vision du monde à coups de scalpel.

Et à sa manière, Chair pour Frankenstein est aussi un film sur le regard. Celui du spectateur, évidemment, invité à contempler l’horreur avec une fascination coupable. Mais aussi celui des personnages, qui ne cessent de scruter, d’épier, de désirer. La caméra devient voyeur, complice d’un monde où le corps est à la fois objet de désir et de répulsion. Et dans cette logique, le film anticipait des œuvres ultérieures telles que le Crash de David Cronenberg ou le Possession d’Andrzej Żuławski – des films où le corps devient le lieu de toutes les tensions. Alors bien sûr, Paul Morrissey est souvent maladroit : certaines scènes frôlent le ridicule, et le jeu de Monique van Vooren donne l’impression qu’elle récite ses répliques en pensant à sa liste de courses. Mais cette maladresse fait partie du charme du film !

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[4/5]

L’édition Blu-ray 4K Ultra HD de Chair pour Frankenstein proposée par Sidonis Calysta est un petit bijou pour les amateurs de cinéma bis qui chérissent leurs éditions physiques comme leurs monstres : bien emballés et un peu fêlés. Le Digibook limité, avec son livret de 52 pages signé Marc Toullec, donne déjà envie de le poser sur une étagère. Le packaging est soigné, presque luxueux, avec une iconographie qui fleure bon le latex et les fantasmes de laboratoire.

Côté image, la restauration 4K à partir du négatif 35 mm original est globalement réussie. Le piqué varie selon les plans, avec un final granuleux et imprécis, mais cela vient probablement du procédé Space-Vision 3D utilisé à l’époque. Les contrastes sont excellents, les noirs profonds, et l’étalonnage HDR10 donne une chaleur bienvenue à une colorimétrie éclatante. Les tons saturés renforcent l’aspect baroque du film, et la texture argentique, bien que variable, conserve l’âme du tournage d’origine. Le son, en DTS-HD Master Audio 2.0 (mono), est clair et équilibré en VO, avec une bonne dynamique sur les ambiances du laboratoire et la musique de Claudio Gizzi. La VF, elle, reste soignée mais mixée un peu trop en avant, ce qui donne parfois l’impression que les personnages parlent dans un mégaphone en pleine autopsie.

Les suppléments de cette édition Blu-ray 4K Ultra HD de Chair pour Frankenstein sont intéressants. Sur la galette Katka, on trouvera une présentation croisée de Du sang pour Dracula et Chair pour Frankenstein par Christophe Gans (55 minutes), qui revient avec passion sur le contexte de production et les intentions de Paul Morrissey. Sur le Blu-ray, trois modules viennent compléter l’expérience : un documentaire sur Paul Morrissey (50 minutes), qui explore la carrière du réalisateur avec un regard critique mais bienveillant. On continuera avec un entretien avec Udo Kier (18 minutes), où l’acteur revient sur son rôle avec un mélange de fierté et de perplexité, et on terminera avec un portrait de Joe Dallesandro (13 minutes). L’ensemble forme un panorama riche et cohérent : c’est parfait !

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