Oscars 2026 : les 5 demi-finalistes français du Film international

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Emilia Perez © 2024 Shanna Besson / Why Not Productions / Page 114 / Saint Laurent Productions / France 2 Cinéma /
Pathé Films Tous droits réservés

A quand l’année lorsque le choix du candidat officiel du cinéma français à envoyer dans la course à l’Oscar du Meilleur Film international ne sera pas source de controverses ? En effet, ce procédé quand même vieux de plusieurs décennies n’est plus, depuis longtemps, un long fleuve tranquille. Et le cru 2025 pour la 98ème cérémonie des Oscars qui aura lieu dans six mois, le dimanche 15 mars, promet hélas une fois de plus de ne pas se décanter en toute sérénité.

Certes, il est peu probable que la déconvenue soit aussi monumentale qu’en 2024 avec le refus d’envoyer la Palme d’or de Justine Triet, Anatomie d’une chute, au profit de La Passion de Dodin Bouffant de Tran Anh Hung ou – peut-être pire encore – que plus tôt cette année-ci et la campagne autour des commentaires passés sur les réseaux sociaux de l’actrice principale Karla Sofia Gascon, qui avait anéanti du jour au lendemain tout espoir de victoire de la part de Emilia Pérez de Jacques Audiard.

Il n’empêche que, si jamais la France remporte enfin son premier Oscar dans ce qu’était autrefois la catégorie du Meilleur Film étranger, depuis plus de trente ans et le sacre d’Indochine de Régis Wargnier en 1993, ce sera pour le moins un lauréat atypique. Car les deux films favoris parmi les cinq titres annoncés hier par le CNC ont la particularité d’être réalisés par des réalisateurs eux aussi étrangers, depuis le point de vue français. Qu’à cela ne tienne, deux autres particularités ont retenu notre attention parmi cette sélection choisie par un comité de onze membres dont les noms n’ont pour une fois pas été révélés.

D’abord, tous les films ont pris leur envol lors du dernier Festival de Cannes, soit en compétition, soit en séance spéciale. Puis, un fait suffisamment rare pour le signaler : aucun de ces longs-métrages des plus recommandables n’a jusqu’à présent eu sa sortie commerciale sur les écrans de cinéma français ! Ce qui signifie indirectement qu’aux yeux du comité, aucune production française distribuée ces neuf derniers mois était digne de représenter son pays d’origine. Tant pis donc pour La Venue de l’avenir de Cédric Klapisch et L’Attachement de Carine Tardieu, pour ne citer qu’eux, puisqu’ils avaient su rencontrer les faveurs à la fois du public et des critiques.

Pendant ce temps, la concurrence ne dort point. Alors qu’on connaitra l’heureux élu français d’ici une petite semaine, le mercredi 17 septembre, bon nombre des représentants des autres pays ont d’ores et déjà été annoncés. Et ils ne sont pas des moindres, puisqu’on y retrouve des titres aussi prestigieux que Les Aigles de la république de Tarik Saleh (Suède), Aucun autre choix de Park Chan-wook (Corée du Sud), En première ligne de Petra Volpe (Suisse), Fantôme utile de Ratchapoom Boonbunchachoke (Thaïlande), Magellan de Lav Diaz (Philippines), Le Mystérieux regard du flamant rose de Diego Céspedes (Chili), Valeur sentimentale de Joachim Trier (Norvège) et La Voix de Hind Rajab de Kaouther Ben Hania (Tunisie).

Arco © 2025 Remembers / Mountain A / France 3 Cinéma / Diaphana Distribution Tous droits réservés

Depuis l’introduction du cinéma international comme catégorie à part entière lors de la 29ème cérémonie des Oscars au milieu des années 1950, les films d’animation candidats ont été extrêmement rares. Toutefois, récemment, il y a eu au moins trois cas qui ont su s’y faire nommer : Flow de Gints Zilbalodis pour la Lettonie l’année dernière qui avait même remporté l’Oscar du Meilleur Film d’animation, ainsi que Flee de Jonas Poher Rasmussen pour le Danemark en 2022 et Valse avec Bashir de Ari Folman pour Israël en 2009. Quant à L’Image manquante de Rithy Panh pour le Cambodge en 2014, il avait effectué un mélange d’images animées et d’archives pour évoquer le sujet phare du réalisateur, le génocide commis par les Khmers rouges dans les années ’70.

Admettons-le, c’est un échantillon plutôt modeste. Et même si nous attendons avec impatience ce premier long-métrage qui avait ravi le public du dernier Festival d’Annecy, il nous paraît quand même fort peu probable que le choix du comité de sélection se porte en fin de compte sur lui.


Nouvelle Vague © 2025 Jean-Louis Fernandez / Detour Filmproduction / ARP Sélection Tous droits réservés

Ce qui n’est pas le cas de cet hommage à l’un des chefs-d’œuvre du cinéma français : A bout de souffle de Jean-Luc Godard. Car même si les membres de l’Académie du cinéma américain ont mis beaucoup de temps avant de daigner attribuer un Oscar d’honneur au grand expérimentateur de l’image – c’était en novembre 2010 –, ils lui vouent néanmoins un culte quelque peu superficiel. Cette aura de prestige intellectuel pourrait s’avérer profitable pour le réalisateur américain Richard Linklater, lui non plus un inconnu en termes d’Oscar. En effet, il a été nommé jusqu’à présent à cinq reprises, pour les scénarios de Before Sunset, Before Midnight et Boyhood, ainsi qu’en tant que réalisateur et comme producteur de ce dernier, nommé dans la catégorie reine du Meilleur Film en 2015.

Si l’on y ajoute le fait que le distributeur américain du film, la plateforme Netflix, ne lésine pas sur les moyens pour figurer en bonne position dans la course aux Oscars – les treize nominations l’hiver dernier pour Emilia Pérez de Jacques Audiard sont là pour le prouver avec un arrière-goût doux-amer – et que la France avait déjà été victorieuse avec une lettre d’amour au cinéma au stade du tournage avec La Nuit américaine de François Truffaut en 1974, il est assez probable que cette Nouvelle Vague ira jusqu’au Dolby Theatre en mars prochain …

Sans oublier l’engouement des votants de l’Académie pour les films en noir et blanc, comme vu récemment à travers La Jeune femme à l’aiguille de Magnus von Horn, Roma de Alfonso Cuaron et Ida de Pawel Pawlikowski.


La Petite dernière © 2025 June Films / Katuh Studio / arte France Cinéma / ZDF / MK2 Films / Ad Vitam Distribution
Tous droits réservés

Qui aurait cru en 2008, quand la jeune actrice avait remporté le César du Meilleur espoir féminin pour La Graine et le mulet de Abdellatif Kechiche que Hafsia Herzi allait devenir près de vingt ans plus tard l’une des valeurs sûres du cinéma français, à la fois devant et derrière la caméra ? En tant qu’actrice, elle vient de remporter le César de la Meilleure actrice dans Borgo de Stéphane Demoustier. Et comme réalisatrice, elle en est déjà à son troisième long-métrage après les remarqués Tu mérites un amour et Bonne mère. Lui aussi présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, tout comme Nouvelle Vague et Un simple accident, La Petite dernière y avait gagné le Prix d’interprétation féminine pour Nadia Melliti et la Queer Palm du Meilleur Film à thématique LGBT+.

Et c’est précisément à ce niveau-là qu’on craint que l’aventure du film de Hafsia Herzi s’arrête là en termes d’Oscar du Meilleur Film international. Autant des films sur des personnages forts gays ou trans ont su s’y imposer au fil des ans, comme le prouvent les nominations dans les années ’90 de Adieu ma concubine de Chen Kaige, Garçon d’honneur de Ang Lee et Fraise et chocolat de Tomas Gutierrez Alea et Juan Carlos Tabio et même l’Oscar remporté par le Chili en 2018 grâce à Une femme fantastique de Sebastian Lelio. Autant le climat politique actuellement très clivant aux États-Unis et la taille modeste du distributeur, le pendant américain d’Outplay en France, nous font malheureusement douter de la pertinence de La Petite dernière comme choix final.


Un simple accident © 2025 Jafar Panahi Film Productions / Les Films Pelléas / Bidibul Productions / arte France Cinéma /
Memento Distribution Tous droits réservés

Le film à battre ou en tout cas à égalité de chances avec Nouvelle Vague, ce serait celui-ci. Comment résister au double prestige de la Palme d’or – un bon présage pour de nombreux films récemment oscarisés, de Parasite de Bong Joon-ho à Anora de Sean Baker – et du cinéaste persécuté dans son pays Jafar Panahi ? Ce serait la première fois que le lauréat suprême des trois grands festivals européens (Lion d’or pour Le Cercle à Venise, Ours d’or à Berlin pour Taxi Téhéran et Palme d’or donc à Cannes pour ce film-ci) pourrait prétendre à une citation au moins indirecte à l’Oscar ! Son pays, l’Iran, avait en effet préféré envoyer son confrère un peu moins contestataire Asghar Farhadi le représenter. Une stratégie gagnante qui s’était soldée par deux Oscars du Meilleur Film international, pour Une séparation en 2012 et pour Le Client en 2017.

Toutefois, il existe un précédent très récent d’un réalisateur iranien qui avait été nommé dans cette catégorie sous les couleurs d’un pays autre que l’Iran : Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof, nommé plus tôt cette année en tant que candidat allemand. En espérant que la répétition d’un envoyé français nullement parlé dans la langue de Molière, après l’hispanophone Emilia Pérez, ne lui porte pas préjudice, nous considérons les chances de cette co-production entre la France, le Luxembourg et l’Iran comme très élevées.


Vie privée © 2025 George Lechaptois / Les Films Velvet / Buenos Hair / France 3 Cinéma / Ad Vitam Distribution
Tous droits réservés

Enfin, c’est sans doute la participation de l’actrice américaine Jodie Foster à ce thriller qui a dû inciter le comité de sélection d’opter pour le sixième long-métrage de la réalisatrice Rebecca Zlotowski. Ici dans son premier rôle principal en français, Foster s’était rappelée aux bons souvenirs des membres de l’Académie du cinéma américain l’année dernière grâce à sa nomination en tant que Meilleure actrice dans un second rôle dans Nyad de Jimmy Chin et Elizabeth Chai Vasarhelyi. Auparavant, elle avait gagné déjà deux fois l’Oscar de la Meilleure actrice pour Les Accusés de Jonathan Kaplan en 1989 et Le Silence des agneaux de Jonathan Demme en 1992. Également en 2024, Foster avait gagné l’Emmy de la Meilleure actrice dans une mini-série dans « True Detective ».

Bref, l’actrice principale de Vie privée a indéniablement le vent en poupe. Reste à savoir si cela sera assez pour s’imposer face à ses concurrents de taille … En dépit du distributeur américain, Sony Pictures Classics, qui avait réussi l’exploit lors de la 97ème cérémonie des Oscars d’imposer son poulain brésilien Je suis toujours là de Walter Salles au détriment de Emilia Pérez, nous sommes plus que dubitatifs au sujet de ce film-ci.

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