
Le chef opérateur portugais Eduardo Serra est décédé le 19 août à Paris. Il était âgé de 81 ans. Un véritable maître de la lumière, Serra avait principalement exercé en France, où il avait signé la photo de nombreux films de Patrice Leconte et Claude Chabrol, ainsi que celle de succès populaires tels que Marche à l’ombre de Michel Blanc et Le Zèbre de Jean Poiret.
Ce n’est qu’à partir des années 1990 qu’il avait fait profiter de son talent les productions anglophones réalisées par Michael Winterbottom, M. Night Shyamalan, Peter Webber – pour le sublime La Jeune fille à la perle –, Edward Zwick, ainsi que David Yates pour les deux derniers volets de la saga Harry Potter.

Eduardo Serra avait dû quitter son pays natal, alors sous le joug du dictateur Salazar, afin de faire ses études supérieures en France. Il y trouve du travail comme assistant caméra dès 1971, grâce à M comme Mathieu de Jean-François Adam, photographié par l’immense Pierre Lhomme.
Jusqu’à la fin de la décennie, Serra apprend le métier sur les films de Philippe Labro (L’Héritier), Anna Karina (Vivre ensemble), Jean Yanne (Les Chinois à Paris), Alain Cavalier (Le Plein de super et Martin et Léa), René Féret (La Communion solennelle), Coline Serreau (Pourquoi pas !), Claude Zidi (La Zizanie), Ariane Mnouchkine (Molière), Alexandre Arcady (Le Coup de sirocco) et Francis Girod (La Banquière).

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C’est également à cette époque-là que le chemin de Serra avait croisé celui du réalisateur Patrice Leconte, d’abord sur Les Bronzés en 1978, puis sur sa suite Les Bronzés font du ski l’année suivante. Pourtant, leur collaboration longue et fructueuse n’allait réellement commencer qu’en 1985 avec Les Spécialistes pour se terminer seulement près de trente ans plus tard, en 2013 avec Une promesse, le dernier film de Serra.
Pas moins de sept autres films ont ponctué ce travail artistique commun : Le Mari de la coiffeuse, Tango, Le Parfum d’Yvonne, Les Grands ducs, La Veuve de Saint-Pierre, Rue des plaisirs et Confidences trop intimes.

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Entre-temps, Eduardo Serra avait été promu au poste de chef opérateur sur les deux longs-métrages de Christian Drillaud A vendre et Itinéraire bis, sortis respectivement en 1980 et ’83. Par la suite, Serra allait se tourner vers des films français aussi populaires que Le Garde du corps et Tranches de vie de François Leterrier, Pinot simple flic de Gérard Jugnot, Marche à l’ombre et Grosse fatigue de Michel Blanc et Le Zèbre de Jean Poiret. Suivis des années plus tard par Il ne faut jurer de rien de Eric Civanyan.
Et puis, le cinéma anglophone, à tour de rôle britannique et américain, n’allait pas tarder à solliciter les services sophistiqués de Eduardo Serra à partir des années ’90. Ainsi, le chef opérateur avait embelli l’aspect visuel des films de Vincent Ward (Cœur de métisse et Au-delà de nos rêves), Peter Chelsom (Les Drôles de Blackpool), Michael Winterbottom (Jude), Iain Softley (Les Ailes de la colombe), Alain Berliner (D’un rêve à l’autre), M. Night Shyamalan (Incassable), Peter Webber (La Jeune fille à la perle), Edward Zwick (Blood Diamond et Les Insurgés), David Yates (Harry Potter et les reliques de la mort Partie 1 et Partie 2) et Glenio Bonder (Belle du seigneur).

Enfin, c’est en 1997 que Eduardo Serra allait faire pour la première fois équipe avec son nouveau réalisateur attitré Claude Chabrol sur Rien ne va plus. Là aussi, l’entente mutuelle avait conduit à une demi-douzaine de films jusqu’à Bellamy en 2009, en passant par Au cœur du mensonge, La Fleur du mal, La Demoiselle d’honneur, L’Ivresse du pouvoir et La Fille coupée en deux. C’est-à-dire sept des huit derniers longs-métrages réalisés par Chabrol, à l’exception de Merci pour le chocolat, photographié par Renato Berta.
Eduardo Serra a été nommé à deux reprises à l’Oscar de la Meilleure photo, en 1998 pour Les Ailes de la colombe et en 2004 pour La Jeune fille à la perle. L’Académie du cinéma britannique l’avait de même nommé pour ces deux films et il y avait remporté le BAFTA de la Meilleure photo pour le premier. En France, il a été nommé au César de la Meilleure photographie en 1991 pour Le Mari de la coiffeuse. Les critiques de Los Angeles lui avaient attribué leur prix de la Meilleure photo pour La Jeune fille à la perle en 2003.
De 1994 à ’96, Eduardo Serra avait été le président de l’Association Française des directrices et directeurs de la photographie cinématographique. Ses confrères d’outre-Atlantique lui avaient remis le prix honorifique international de l’American Society of Cinematographers en 2014.

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