
En ce mois de décembre 2025, notre première pensée va à la Cinémathèque Française, ses employés et son public cinéphile plus ou moins habitué, privés de séances pendant cinq longues semaines, depuis vendredi dernier et encore jusqu’au 2 janvier 2026. La raison : un invité surprise lors de la Masterclass de Sigourney Weaver avec la projection de Alien Le Huitième passager début novembre, un neuvième passager en quelque sorte sous forme de punaises de lit. Suite à d’autres signalements, la vénérable institution a donc préféré fermer les portes de ses salles – les musées et locaux commerciaux restent ouverts – pour procéder à un minutieux travail de désinfection. Par conséquent, les rétrospectives dédiées aux réalisateurs Mario Martone et José Luis Guerin, ainsi que le cycle des Meilleures restaurations et raretés 2025 passent à la trappe. Seul le panorama du cinéma indonésien devrait être reprogrammé dans une autre salle parisienne à définir.
Ce malheureux événement peut vous laisser plus de temps pour profiter du programme des reprises en salles en cette fin d’année. Qui est plutôt respectable, même s’il boude de manière assez inexplicable le tout dernier mercredi du mois, le 31 décembre. Cependant, les quatre autres jours de ressorties vous réservent une bonne quinzaine de films, dont ceux signés par les maîtres du Septième art que sont Mamoru Oshii, Kon Ichikawa, Anthony Mann, Adrian Lyne, Marcel Carné et Blake Edwards. Les deux morceaux de résistance du mois, à taille raisonnable, sont les cycles en deux et trois films consacrés à la réalisatrice bulgare Binka Jeliazkova et à l’univers des films de sabre venus de Hong Kong à travers la trilogie Histoires de fantômes chinois.

Histoires de fantômes asiatiques
En effet, le cinéma asiatique est amplement représenté ce mois-ci avec pas moins de six longs-métrages. Trois d’entre eux font partie de la saga fantastique de ces célèbres Histoires, qui sortiront chez Metropolitan Filmexport le 10 décembre. Alors que c’est Leslie Cheung qui tient le haut de l’affiche dans les deux premiers, son partenaire à l’écran six ans plus tard dans Happy Together de Wong Kar-Wai, Tony Leung prend la relève pour le troisième film. Cette ressortie événement s’inscrit pour le distributeur dans un programme plus vaste, entrepris depuis la fin de l’été avec d’abord la ressortie de A toute épreuve, puis de The Killer mercredi dernier, tous deux de John Woo. Grâce à son partenariat avec HK Films, il ressortira d’autres pépites du cinéma de Hong Kong en début d’année prochaine (City on Fire de Ringo Lam, Une balle dans la tête de John Woo et la trilogie Le Syndicat du crime de Woo, toujours, et Tsui Hark).
Le premier et le quatrième mercredi du mois, vous pourriez vous émerveiller devant des chefs-d’œuvre de l’animation japonaise, respectivement avec L’Œuf de l’ange de Mamoru Oshii chez Eurozoom et Metropolis de Rintarô chez Splendor Films. Présenté à Cannes Classics cette année, le premier avait été directement édité en vidéo au milieu des années 1980, dix ans avant que son réalisateur n’accède à la reconnaissance internationale à travers Ghost in the Shell. Le deuxième est, quant à lui, infiniment plus proche en termes d’esthétique et de narration des adaptations de mangas qui pullulent de nos jours et rencontrent généralement le succès en salles.
Enfin, probablement le film le plus important et à la qualité cinématographique la plus irréprochable parmi cette sélection asiatique, voire parmi les reprises du mois tout court, ressortira également le 10 décembre chez La Filmothèque Distribution, anciennement Ciné Sorbonne. Il s’agit du film de guerre cruellement réaliste Feux dans la pleine de Kon Ichikawa. Sans la moindre complaisance, dans un noir et blanc sublimement cru, le réalisateur japonais y raconte les derniers jours de l’engagement de son pays dans la Seconde Guerre mondiale. Par les temps incertains qui courent, à notre grand désarroi, une œuvre des plus essentielles sur la folie et la barbarie de la guerre, quelle qu’elle soit !

Binka Jeliazkova Éclat(s) d’une cinéaste révoltée
Un inlassable dénicheur de trésors cachés du cinéma d’Europe de l’Est, Malavida Films poursuit sur sa lancée de découverte des films de la réalisatrice bulgare Binka Jeliazkova (1923-2011) entamé en mai 2023 avec Nous étions jeunes et Le Ballon attaché. A partir du 10 décembre, un mercredi décidément très chargé, ce sont ces deux longs-métrages qui ressortiront, mais surtout deux autres films majeurs de la cinéaste : La Vie s’écoule silencieusement et La Piscine. Puisqu’ils ont été tournés avant et après les deux films déjà distribués auparavant, leur sortie permettra de se familiariser encore un peu plus avec l’évolution de la filmographie de Jeliazkova, qui avait étroitement collaboré avec son mari Hristo Ganev.
Sauf que La Vie s’écoule silencieusement n’avait nullement fait honneur à son titre très zen, en provoquant un tel scandale en 1957, l’année de sa production, qu’il avait été entièrement banni pendant plus de trente ans ! Dans le sillage de l’ouverture progressive vers l’Ouest des pays soumis au Pacte de Varsovie à partir de la deuxième moitié des années ‘80, ce constat sans fard sur les failles du système socialiste avait enfin été autorisé de sortir en 1988. Quant à La Piscine de 1977, c’est un triangle amoureux un peu en avance sur son temps, quoique pour une fois passé sans encombre entre les mains des censeurs de l’état bulgare.

Hollywood classique et halluciné
Il avait plutôt brillé par son absence au cours de ces derniers mois de ressorties en salles et en version restaurée. Mais le cinéma hollywoodien de la vieille école fait son grand retour en cette fin d’année 2025. Ainsi, la nostalgie fonctionne à plein régime avec des films ayant marqué le cinéma de nos parents et de nos grands-parents. Avec un double programme de Noël concocté officieusement le 24 décembre par Swashbuckler Films pour Mariage royal de Stanley Donen et par La Filmothèque Distribution pour La Panthère rose de Blake Edwards, vous aurez un très beau choix entre Fred Astaire qui grimpe au plafond par amour d’un côté et Peter Sellers pour la première fois dans la peau de l’inspecteur Clouseau, encore bien sage à ses débuts, de l’autre.
Une semaine plus tôt, il faudra espérer que des salles de répertoire à l’écran très grand et très large programmeront Le Cid de Anthony Mann, le genre d’épopée à grande échelle et d’une durée conséquente de trois heures avec lequel les studios tentaient désespérément de résister à la concurrence de la télévision dans les années ‘60. Solaris Distribution avait déjà remis à l’affiche en août 2024 un autre péplum, du même réalisateur et également avec Sophia Loren en vedette féminine, La Chute de l’Empire romain.
Inclassable, terrifiant, malsain : tous ces adjectifs conviendraient à L’Échelle de Jacob qui se refera une beauté en 4K chez Les Acacias le 17 décembre. Alors que le grand public retiendra davantage du réalisateur anglais Adrian Lyne des succès populaires des années ‘80 comme Flashdance et Liaison fatale, il y a de fortes chances que ce soit ce thriller psychologique sur le Vietnam qui passera avec plus d’aisance à la postérité. Deux ans après Duo à trois de Ron Shelton et autant de temps avant son rôle phare dans The Player de Robert Altman, Tim Robbins y habite de manière viscérale son personnage en proie à une paranoïa qui glace le sang. Tout ceci est bien sûr interdit aux moins de douze ans, comment pourrait-il en être autrement !

Les Films du Camélia Tous droits réservés
La France, d’hier jusqu’à demain
Et le cinéma français dans tout ça ? Ses couleurs se voient plus qu’honorablement défendues par quatre films. À l’image de la sélection mensuelle des reprises, ils sont d’une grande variété. Dès cette semaine, vous pourriez estimer le chemin parcouru – ou pas ! – de la transition vers un monde plus écologique et durable depuis la sortie initiale il y a dix ans du documentaire militant Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent, grâce à une ressortie atypique chez Dulac Distribution. Le même jour, la sortie du nouveau film du réalisateur Abdellatif Kechiche, Mektoub My Love Canto Due, fournira à Mission Distribution le prétexte de ressortir son premier long-métrage La Faute à Voltaire, sorti il y a pratiquement un quart de siècle et qui avait d’ores et déjà bénéficié d’une ressortie en février 2024.
La semaine suivante, le 10 décembre donc, Les Films du Camélia nous font le cadeau de Noël un brin précoce de ressortir Moi Ivan toi Abraham de Yolande Zauberman. Un rappel salutaire que la réalisatrice remarquée récemment pour ses documentaires M et La Belle de Gaza tourne en fait des films depuis longtemps. Après la ressortie de Classified People en 2023, voici donc ce beau drame d’adolescents situé dans la Pologne des années 1930. Il avait été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 1993.
Enfin, ce n’est nullement une rareté, mais le classique des classiques Le Quai des brumes de Marcel Carné avec l’impérial Jean Gabin clôturera l’année riche en ressorties de Carlotta Films avec les beaux yeux de Michèle Morgan le 17 décembre.
















