Critique : Requiem pour un massacre

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requiem pour un massacre afficheRequiem pour un massacre

Union Soviétique, 1985
Titre original : Idi i smotri
Réalisateur : Elem Klimov
Scénario : Ales Adamovich, Elem Klimov
Acteurs : Aleksei Kravchenko, Olga Mironova, Luibomiras Laucevitchuis
Distribution : Les Films Cosmos
Durée : 2h16
Genre : Guerre, drame
Date de sortie : 16 septembre 1987

4/5

Requiem pour un massacre (que l’on peut aussi désigner par son magnifique titre original, le lyrique Come and See – Va et regarde, en français) est une œuvre riche de 1985, pour le moins inconnue de par chez nous, du moins en tout cas pour les néophytes qui n’aurait pas encore plongé dans le cinéma russe et soviétique. Et bien il est grand temps de sauter le pas !

Synopsis : Pendant la Seconde Guerre mondiale, Flyora, jeune garçon d’un village de Biélorussie occupe par les troupes nazies, s’engage, bien que trop jeune, chez les partisans. Il va découvrir l’amour, la fraternité, la souffrance, la guerre.

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A travers les yeux d’un enfant

Requiem pour un massacre est à mille lieues du film de guerre auquel nous pouvons être habitués. Klimov nous pousse dès le début dans un univers étrange et extrêmement dur. Nous sommes en 1943, en Biélorussie, région peu connue, surtout à cette période, pour le public occidental, directement puisée par le scénariste Ales Adamovich dans sa propre vie. Il a été amené à rejoindre les partisans et rend ainsi compte d’une période barbare où les nazis exterminent les villages biélorusses. Tout cela nous le voyons à travers les yeux de Flyora, jeune homme dont la vie va basculer dans les horreurs de la guerre.

Le comédien Aleksei Kravchenko est brillant dans son rôle. Très expressif, le visage naïf et jeune, il est difficile de ne pas s’attacher à lui. On saluera sa performance dans un tournage connu pour être éprouvant, long de neuf mois. On pourrait cependant prendre un peu de recul, avec une prestation peut-être un peu surjouée et trop expressive. Néanmoins, difficile de lui en vouloir face au réalisme terrible du film. Par souci de réalisme, justement, Klimov a fait tirer de réelles balles au-dessus du jeune acteur lors de certaines scènes que l’on retrouve évidemment dans le long-métrage, passant à parfois quelques centimètres seulement de son visage. À glacer le sang.

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L’un des atouts certains du film est sa réalisation. Elem Klimov place dès le début sa caméra face aux comédiens. Leurs yeux rencontrent les nôtres et les personnages font de nous les témoins du spectacle qui se déroule devant nous. Un procédé simple, classique, mais ô combien efficace. Ainsi, lorsque notre personnage d’adolescent est confronté aux pires horreurs, celui-ci nous les fait partager avec nous. Cette méthode n’est pas réservée seulement au protagoniste principal. Les personnages secondaires, par ce simple procédé, prennent une dimension incroyable. Flyora, désormais chez les partisans, rencontrera Glacha, jeune fille à la chevelure blonde qui, sans lui permettre de s’en évader, l’aidera à supporter le poids des horreurs. Son jeu n’est pas parfait mais sa présence, magnifiquement captée par la caméra de Klimov apporte un peu de beauté dans un film si dur.

L’un des autres personnages qui transcende l’écran est celui du chef des partisans, Kossatch. Joué par Liubomiras Laucevicius, la caméra prend l’habitude de le filmer, comme à son habitude, le regard plongeant dans la caméra pour atteindre le nôtre. Avec son regard dur et presque triste, Laucevicius donne à son personnage énormément d’ampleur, lui qui n’a pas énormément de présence à l’écran, aidé par la caméra de Klimov.

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Tantôt lyrique, tantôt brutal

Riche et varié dans ses ressentis, le film est tantôt lyrique et onirique, tantôt extrêmement brutal. Klimov réalise une véritable montée en puissance. Les images possèdent notamment cette atmosphère propres aux films du cinéma de l’est. Les forêts sont ainsi riches d’une ambiance que l’on ne peut trouver nulle part ailleurs. Tout un passage réservé à Flyora et Glacha seulement réservent ainsi des images d’une très belle beauté. Klimov fait de son film un long-métrage contemplatif à certains endroits, pouvant éventuellement nous évoquer Tarkovski qui aura poussé le contemplatif très loin, à sa propre manière.

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Mais Requiem… est aussi un film de guerre. Et les passages brutaux, d’une violence rare, viennent briser les rares moments calmes. Dès le début, nous sommes propulsés dans un monde violent, où les enfants sont des pillards détroussant les morts. L’enfant, il est justement au centre du film. Ou plutôt de l’enfant voulant devenir un adulte bien trop tôt. Flyora en est l’incarnation même, recruté par les partisans et affublé d’un costume un peu trop grand qui ne manque pas de le faire remarquer. Il veut être adulte, veut faire la guerre aux nazis mais Flyora n’est rien de plus qu’un enfant. Les événements le feront grandir trop vite, le transformant lentement, dans les derniers plans, en un être qui en a bien trop vu, ridé et affaiblit. Un adulte avant l’heure.

Un autre thème phare du film est celui du fatalisme. Le film devient en effet rapidement une tragédie où Flyora, coincé, ne pourra plus ressortir et ce malgré tous ses efforts. Et ses vaines tentatives sont parfaitement illustrées à l’écran. Propulsé dans les horreurs, prisonnier de la guerre, Flyora s’embourbe figurativement et concrètement, dans des scènes hallucinées où les nappes sonores d’Oleg Iantchenko, vrombissantes, aident à faire de ces passages de véritables cauchemars vécus par le protagoniste. Ce fatalisme, les enfants en sont désignés comme par les responsables dans le film à plusieurs reprises, par divers acteurs de l’histoire. Mais Klimov pousse l’idée jusqu’au bout jusqu’à livrer sa vision de l’enfant.

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Conclusion

Plus qu’un film sur la guerre, il s’agit d’un film sur l’enfant, sur la perte de l’innocence, balayée par l’homme adulte qui, plutôt de voir qui sont les réels coupables, décident de rejeter la faute sur les enfants, déterminés à engendrer le mal et pourtant si innocents.

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