Critique : Loveable

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Loveable

Norvège, Danemark : 2024
Titre original : Elskling
Réalisation : Lilja Ingolfsdottir
Scénario : Lilja Ingolfsdottir
Interprètes : Helga Guren, Oddgeir Thune, Marte Magnusdotter Solem
Distribution : Jour2fête
Durée : 1h44
Genre : Drame
Date de sortie : 18 juin 2025

4/5

Synopsis : Maria et Sigmund se croisent de fête en fête avant de se rendre à l’évidence : ils sont faits l’un pour l’autre ! Une passion fusionnelle et quelques années plus tard, Maria jongle désormais entre une vie domestique avec quatre enfants et une carrière exigeante. Sigmund, lui, voyage de plus en plus pour son travail mais un soir, il annonce qu’il veut divorcer…

L’anatomie d’un couple 

On entend souvent dire que, dans un couple,  le cap des 7 ans de vie commune est parfois, voire même fréquemment, difficile à franchir sans encombre. En effet, après la passion amoureuse des toutes premières années, une forme de routine, rassurante pour certain(e)s, pesante pour d’autres, a fini par s’installer et de nombreux couples ressentent alors le besoin de faire un bilan sur leur relation. Le couple norvégien formé par Maria et Sigmund n’échappe pas à cette infortune. Quand Maria a rencontré Sigmund lors d’une fête entre amis, elle était en pleine rupture d’un premier mariage, elle pensait qu’elle était restée trop longtemps dans une mauvaise relation, elle se sentait un peu perdue, elle avait 2 jeunes enfants, Alma, 8 ans, et Ludvig, 5 ans, dont elle avait la garde et, soudain, … il était là ! A la suite de cette première rencontre pleine de promesses, Maria n’a eu de cesse d’aller partout où elle pouvait avoir l’espoir de l’approcher à nouveau. Et son espoir n’a pas été déçu, un amour réciproque s’est installé. En plus, Sigmund a aimé Alma et Ludvig dès le premier instant et il a contribué à leur éducation. Et Maria s’est vite retrouvée de nouveau enceinte.

Quand, 7 ans plus tard, on retrouve Maria et Sigmund, le tableau n’est plus le même. Tout d’abord, ce sont maintenant 4 enfants dont le couple doit s’occuper, Mikael et Stella étant né(e)s durant ces 7 années. Le couple, ou, plutôt, Maria, Sigmund étant très pris par son travail et souvent absent. Nous allons surtout rester auprès de Maria, et on ne va pas cesser de la plaindre, puis de stigmatiser son comportement, avant de la plaindre à nouveau puis de se dire qu’elle est peut-être pour quelque chose dans ce qui lui arrive. Eh oui, Sigmund travaille beaucoup, il est souvent absent et Maria lui en veut de ne pas faire d’effort concernant la charge chronophage que représentent les 4 enfants, charge qui l’empêche de trouver un travail dans lequel, espère-t-elle, elle pourrait s’épanouir beaucoup plus. Et puis, lors d’une des rares fois où il pourrait être présent physiquement pour une rencontre parents-profs concernant un des enfants, pourquoi se permet-il de remplacer cette rencontre par une conversation par téléphone et de prendre une décision, sans la présence de Maria ? Les disputes conjugales se succèdent, avec des mots très durs lancés d’un côté comme de l’autre, une séparation provisoire est organisée et il est même question de divorce. Pour l’éviter, ne serait-il pas souhaitable de passer par une thérapie de couple, ce que semble souhaiter Maria au contraire de Sigmund ?

Mais alors, ce film réalisé par une femme et qui nous parle d’un couple qui va mal, va-t-il se montrer manichéen en se rangeant systématiquement du côté de Maria, en imputant inéluctablement tous les torts à Sigmund ? Que nenni ! Quand bien même c’est bien Maria qu’on accompagne dans le film, il devient vite évident qu’elle n’est peut-être pas une femme incontestablement « adorable », qualificatif auquel le titre cherche à faire croire, et que Sigmund peut faire valoir des excuses face aux reproches que lui adresse son épouse. Par exemple, lors de cette fameuse communication téléphonique, c’est Asa, l’institutrice de Mikael, qui avait appelé alors que Maria était absente. Par ailleurs, ce n’est pas seulement avec Sigmund que Maria est très souvent en conflit : les relations qu’elle entretient avec Alma sont souvent particulièrement mauvaises, sa fille la traitant de « soulante, nulle et chiante » et faisant un scandale, parlant haut et fort, de la honte qu’elle ressent lorsque Maria vient la chercher à la sortie du collège. Quant à la mère de Maria, elle reproche vertement à sa fille le comportement qu’elle avait dans sa jeunesse qui consistait à rester assise comme une princesse,  à attendre d’être servie, à avoir tendance à demander aux gens de lui obéir, à avoir en fait des caprices de diva. Mais alors, Maria serait-elle plus proche d’être une mégère ingérable que d’une épouse adorable ? Que nenni, une fois de plus, les reproches de la mère de Maria et ceux d’Alma étant probablement injustes, et, en tout cas, exagérés.

En fait, en instillant sans cesse le doute dans notre esprit, avec beaucoup de savoir faire, sur la perception qu’on peut avoir de Maria, mais aussi de Sigmund, la réalisatrice norvégienne Lilja Ingolfsdottir, dont c’est pourtant le premier long métrage, nous offre le fruit d’un beau travail de cinéma, un travail qui fouille dans les entrailles d’un couple afin de montrer que sa pérennité n’est pas acquise d’avance, qu’elle se mérite, et qu’elle ne s’obtient qu’au prix d’efforts d’un côté comme de l’autre. Ce beau travail de cinéma est entamé d’entrée de jeu avec le choix fait par Lilja Ingolfsdottir de filmer comme un conte de fée le début de la relation entre Maria et Sigmund : trop facile de « pécho » Sigmund, ce qui, lorsque la relation vacille, amène Maria, un brin complexée, à se demander comment elle a pu arriver à ses fins, à se demander si elle méritait Sigmund. Dans cette introspection qu’elle entreprend sur le passé de son couple, elle revoit certaines scènes avec un œil nouveau, avec de nouveaux dialogues. Dans ce film où les reflets ont une certaine importance, elle en arrive à se parler à elle-même, à se dire « je t’aime » face à un miroir. Avec ce film féministe très réussi qui refuse de voir systématiquement le mal chez le mâle, Lilja Ingolfsdottir montre qu’elle a toutes les qualités pour faire partie des réalisatrices qui comptent. On notera qu’elle a fait ses études de cinéma à Londres et à Prague et que, en plus de l’écriture du scénario et de la réalisation, elle a été en charge, sur son film, du montage, des costumes et de la décoration. Quant à Helga Guren, l’interprète de Maria, le seul adjectif qu’on trouve pour la qualifier, c’est « parfaite ».

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