Critique : La Tigresse

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LIZABETH SCOTT la tigresse affiche vo 2La Tigresse

Etats-Unis, 1949
Titre original : Too late for tears
Réalisateur : Byron Haskin
Scénario : Roy Huggins
Acteurs : Lizabeth Scott, Arthur Kennedy, Dan Duryea
Distribution : United Artists
Durée : 1h39
Genre : Film noir
Date de sortie : 28 octobre 1949

Note : 3,5/5

Ce film noir est l’un des quelques joyaux de la belle carrière de Lizabeth Scott dans le film noir. Soutenue par de belles performances d’Arthur Kennedy et Dan Duryea, elle brille dans l’un de ses plus beaux rôles.

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Synopsis : C’est lors d’une dispute en voiture que les Palmer vont récupérer par le plus grand des hasards un sac rempli de liasses de billets. Persuadée que sa vie va changer avec ce cadeau du ciel et d’être enfin débarrassée des  » acomptes pour le reste de [ leurs ] vies « , Jane parvient à convaincre son époux de ne pas prévenir la police et de réfléchir aux choix qu’ils vont devoir faire. Pour lui, ce n’est qu’un piège, pour elle, la promesse d’un avenir tranquille et d’un éventuel bonheur.

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De femme au foyer à femme fatale

La Tigresse du titre français, c’est Jane Palmer, alias Lizabeth Scott. Elle est surnommée ainsi par Dan Dureya, petit escroc d’un jour qui va tomber sous ses griffes en cherchant à récupérer le butin que les Palmer se sont appropriés. Elle est une femme fatale certes, mais aux motivations originales. La peur des lendemains difficiles, comme elle l’évoque à propos de son premier mariage qui s’est terminé dans un désastre financier et humain, est ce qui la pousse à commettre des actes de plus en plus sciemment criminels. Un vol, un homicide involontaire puis une exécution préméditée. À chaque décision, pas de réflexion, elle agit sur des impulsions qu’elle ne repousse jamais. L’idée vient, elle l’exécute. Elle est prompte à réagir et commet alors toute une série d’actes qui vont rapidement devenir tragiques. Elle cache à son mari la venue d’un policier qui en sait trop sur l’argent, se laisse séduire par le destinataire de cette petite fortune pour mieux le contrôler, allant jusqu’à lui céder physiquement, sans y être vraiment contrainte. Prête à tout pour dominer la situation et être libre. La femme au foyer désespérée qui s’ennuyait et ne supportait plus le mépris de ceux qui sont plus nantis va libérer ses pulsions. Elle devient une meurtrière de sang-froid, libérée des carcans de la société.

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Un petit criminel doublé par une femme de caractère

Lizabeth Scott, au visage carré et à la voix rauque, est impressionnante de monstruosité placide tout en restant très féminine. Elle tient la dragée haute à ses adversaires. Elle affronte trois hommes : Arthur Kennedy, brillant en mari craintif et prudent, mais pas assez ; Don DeFore un peu fade en ami pilote d’avion de guerre de ce dernier et surtout Dan Dureya qui commence par être très menaçant avant de se rendre compte qu’il ne fait pas le poids. Lui qui pensait avoir fait le coup d’une vie, le genre d’opportunités sans risque qui ne tombe qu’une fois dans une vie, n’avait pas prévu de rencontrer une femme aussi imprévisible. Voir cet homme fort glisser vers une déprime contre laquelle il ne peut rien est assez savoureux. Son interprétation évolue à chaque apparition. Faisant preuve d’assurance lorsqu’il fouille les lieux, sa tranquillité dégingandée et son noeud papillon comique vont vaciller face à la menace qui pèse sur sa vie et même sur sa conscience. Il ne veut pas devenir un assassin et plonge dans l’alcool de façon vraiment suicidaire. Comme le lui dit celle qui lui procure le poison, il n’a pas une tête d’assassin. Mais il est allé trop loin et ne peut plus reculer.

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Plus anecdotique est la voisine et belle-soeur, un exemple de ces personnages féminins qui plombent même les meilleurs films noirs. Des plaies jolies certes, plus recommandables que leurs adversaires mais d’un ennui à l’écran ! Kristine Miller tente de la faire exister du mieux qu’elle peut, mais ce n’est pas facile. Son utilité est essentiellement dramatique, comme son idée biscornue de garder un ticket non identifié qu’elle trouve dans un tiroir (pourquoi le prend-elle ???). Elle n’est qu’un prétexte malin pour des relances du scénario liées à sa présence et une contrainte de plus parmi les quelques tracas qui s’accumulent devant celle qui est autant une veuve noire qu’une tigresse. Face aux benêts qui l’entourent, c’est tout de même l’incroyable Lizabeth Scott à laquelle on s’attache le plus. Un joli coup de maître, renforcé par son interprétation complexe où elle évite de s’afficher comme méchante. Ses actes sont montrés comme répréhensibles mais compréhensibles, à la fois résultats du hasard et d’une envie de revanche sur la vie.

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Le crime ne paie pas…

Si les dialogues ne sont pas du même niveau que ceux d’un William Bowers, on a le droit tout de même à quelques belles saillies, la plupart prononcés par Dureya d’ailleurs.  » Je vois bien que vous ne cachez rien  » dit-il à Lizabeth Scott qui dénude nonchalamment ses jambes ;  » What did he die of ? Pneumonia  » répond-il à un pseudo naïf  » I didn’t mean to kill him  » ;  » Let’s kill people with class  » lorsqu’il doit récupérer un poison mortel ;  » You stashed my cash « . L’acteur aime bien les allitérations : son  » nervous in the service  » dans Johnny Stool Pigeon en était un autre joli exemple. Le mot  » asshole  » rarement entendu dans les films de cette période a échappé aux ciseaux de la censure ou de l’auto-censure, c’est amusant de l’entendre ici.

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La fin ne peut mener qu’à une punition évidente mais qui sort des sentiers battus. Le voyage au Mexique donne lieu à une résolution presque risible, avec un traqueur obstiné, au secret qui surprend vraiment et qui ne récupère que les quelques dollars que lui a coûté une recherche dans un lac et une méchante assurée d’avoir gagné la partie mais qui ne fait pas attention à ce qui se passe derrière elle. Voilà donc, une nouvelle preuve que le crime ne paie pas, et ceux qui l’oublient en seront bien vite punis.

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Conclusion

« On s’en fout, on n’y va pas », auraient du chanter le couple Palmer à propos de ce dîner qu’ils ont évité, pour leur plus grand malheur à tous les deux, mais pour le plus grand plaisir du spectateur. Certes la mise en scène est bien sage et souffre d’un excès de scènes d’intérieur filmées sans style, comme un épisode d’une anthologie quelconque. Mais l’intérêt est constamment maintenu par les rebondissements inattendus et les divers duels, en premier lieu celui de Dan Dureya et Lizabeth Scott, mais aussi entre cette dernière et chacune des personnes qu’elle croise (belle- soeur, mari et celui qui se présente comme ancien frère d’armes de Alan).

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