Critique : Grave

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Grave

France, Belgique : 2016
Titre original : –
Réalisateur : Julia Ducournau
Scénario : Julia Ducournau
Acteurs : Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella
Distribution : Wild Bunch Distribution
Durée : 1h38
Genre : Épouvante, Drame
Date de sortie : 15 mars 2017

Note : 4/5

Synopsis : Dans la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur ainée est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature…

Un film ambigu :

Premier film de Julia Ducournau, Grave, œuvre pop par excellence raconte le quotidien d’une jeune adolescente un peu coincée dans sa nouvelle école de vétérinaire. Après le traditionnel bizutage, la protagoniste doit s’adapter à de nouveaux repères. Julia Ducournau tente constamment de créer le doute dans l’esprit du spectateur, une sensation contradictoire qui va aller crescendo. Grave met mal à l’aise et oscille entre plusieurs genres. L’horrifique bien évidemment, où l’on retrouve les inspirations de la cinéaste dans des œuvres gores telles que Cannibal Holocaust ou Massacre à la Tronçonneuse, mais également le drame, agrémenté d’un soupçon de comédie pour adolescents. Julia Ducournau cherche à casser les codes pour créer une œuvre hybride. L’assistance se retrouve déconcertée, hésitant entre le dégoût et la fascination, entre hantise et désir, entre volonté et dédain. Une sensation à l’image de cette héroïne qui vit le cul entre deux chaises, entre un bien être malsain où elle se libère et un mal-être issu de la sensation d’accomplir un acte horrible.

Le spectateur ne pourra déterminer s’il est d’avantage choqué ou touché par les actes de la jeune fille. Julia Ducournau joue avec les émotions du spectateur, qui ne sait plus quoi penser, mais demeure fasciné par un état supérieur qu’il s’interdira toujours d’atteindre. La cinéaste matérialise par le cannibalisme les fantasmes de l’être humain, souvent rapporté aux actes sexuels, à la libération corporelle et psychologique couplée à une dégénérescence de l’esprit. Rien n’est laissé au hasard, puisque même dans le relationnel des personnages, Julia Ducournau cherche à briser les frontières, la sexualité est libre, l’homosexualité abordée simplement et sans détour, et la délivrance du corps et de l’esprit via un âge d’expérimentation ambigüe est souvent mise en avant. Mais là où les jeunes adolescents vont essayer la drogue, la protagoniste, elle, à un penchant pour la chair fraiche.

Une œuvre inspirée et précise :

Grave est une métaphore de l’adolescence différente, offrant un point de vu inédit, nouveau, par le prisme du sang et de la violence. Le long métrage a un enchaînement classique qui n’offre pas de grandes surprises, pour autant le scénario est précis et sans faille, où tous les éléments s’entremêlent parfaitement. Chaque rebondissement survient au bon moment, où chaque action est millimétrée et mise en scène avec classe. La couleur rouge est dominante, et Julia Ducournau offre quelques scènes psychédéliques appuyées par une bande originale envoûtante qui ferait pâlir Kubrick.

Garance Marillier est impériale, complètement convaincante dans son rôle, parfois physique. Julia Ducournau agrémente la mythologie autour du cannibalisme, dans son prisme fantastique et réaliste, quelque part entre rêve et cauchemar. Grave parvient à être régulièrement inquiétant, tandis que le cannibalisme est traité comme une véritable addiction pathologique, une drogue pesante, dont il est impossible de se séparer. La relation entre les deux sœurs est passionnelle, simple et pertinente Dans cette boucle éternelle, l’hérédité génétique prend le dessus, quel que soit l’antidote prescrit, ce qui laisse présager la fin. Une conclusion puissante, inattendue et cynique qui vient conclure cette histoire dans la surprise et la stupeur, un pessimisme ironique qui décrit les sacrifices de l’individualisme, au profit d’un tout, d’une organisation sociale définie. Peut-être un parallèle avec un message politique plus généraliste.

Conclusion

Le long métrage est porté par de jeunes acteurs très convaincants, par un scénario qui nous emmène là où il faut, sans ostentatoire, sans artifice, de manière crue et prompte. Grave est une métaphore de l’adolescence qui joue avec nos sens pour créer un paradoxe dans notre façon de voir les choses, dans notre appréhension des actes de la protagoniste. Chaque plan est millimétré jusqu’à ce final cynique de haute volée.

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