Critique Express : Nouvelle vague

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Nouvelle vague 

France : 2025
Titre original : –
Réalisation : Richard Linklater
Scénario : Holly Gent, Vince Palmo
Interprètes : Guillaume Marbeck, Zoey Deutch, Aubry Dullin
Distribution : ARP Sélection
Durée : 1h46
Genre : Comédie
Date de sortie : 8 octobre 2025

4/5

Synopsis : Ceci est l’histoire de Godard tournant « À bout de souffle », racontée dans le style et l’esprit de Godard tournant « À bout de souffle ».

Quel cinéphile n’a pas rêvé d’être la petite souris qui a la chance d’assister à la fabrication d’un film de son réalisateur préféré du début jusqu’à la fin ? Quel cinéphile ne porte pas en lui le regret de ne pas avoir assisté à la fabrication d’un film considéré par beaucoup comme étant un des plus grands chefs d’œuvre du cinéma ? A bout de souffle, par exemple, un film souvent présenté, en fait à tort, comme marquant le lancement du mouvement cinématographique français connu sous l’appellation « Nouvelle vague ». Ce regret, le réalisateur texan Richard Linklater, connu entre autres pour sa trilogie Before et pour Boyhood, a décidé de vous en débarrasser en réalisant Nouvelle vague, film présenté en compétition au dernier Festival de Cannes et qu’on peut presque qualifier de véritable « Making-of » du film de Jean-Luc Godard. En fait, pour Richard Linklater, la découverte de A bout de souffle lui a fait comprendre alors qu’il avait 20 ans que réaliser un film n’avait rien d’insurmontable et, plusieurs années plus tard, il a souhaité lui rendre hommage. En 1959, le réalisateur suisse a un peu l’impression d’être à la traine par rapport à ses collègues et amis des Cahiers du Cinéma. Certes, à l’époque, il a déjà réalisé une poignée de court-métrages, le plus connu étant sans doute Tous les garçons s’appellent Patrick, avec Jean-Claude Brialy dans le rôle principal, un film de 21 minutes tourné en 1957 sur un scénario de François Truffaut, mais ce dernier a déjà à son actif un long métrage, Les 400 coups, présenté en compétition au Festival de Cannes 1959 où il va obtenir le Prix de la mise en scène, et Claude Chabrol a déjà 2 long-métrages à son actif, Le beau Serge et Les cousins, Ours d’or de la Berlinade 1959. Sans parler de Jacques Rivette, qui a tourné en 1958 son premier long métrage, Paris nous appartient, mais ne le verra sortir qu’à la fin de l’année 1961, sans parler d’Eric Rohmer qui, lui aussi, devra attendre 3 ans pour que sorte son premier long métrage, Le signe du lion, réalisé en 1959.

En ayant fait des choix très forts, Richard Linklater nous conduit donc auprès de Jean-Luc Godard et de son entourage se mettant en quête de financement et se lançant, à la mode Godard, dans le tournage de A bout de souffle. Ces choix forts, c’est, tout d’abord, le fait de réaliser un film qui se rapproche le plus possible d’un film réalisé en 1959 : noir et blanc, format carré, des rues de Paris qui s’apparentent à des rues de Paris à cette époque là. C’est ensuite de choisir des inconnus pour interpréter Godard, Belmondo, Truffaut, Chabrol, Raoul Coutard, Georges de Beauregard et autres personnages. Une ressemblance physique est nécessaire mais il ne faut pas qu’on puisse mettre le nom d’un interprète connu sur le personnage. Une seule exception, l’interprète de Jean Seberg, l’américaine Zoey Deutch. Elle avait déjà tourné en 2015 pour Richard Linklater dans Everybody Wants Some !! et, depuis, sa notoriété a grandi, lui permettant d’obtenir un rôle important dans  Juré n°2, le dernier film de Clint Eastwood. Elle est brune, elle a des cheveux longs, qu’importe ! Le magnifique et long travail d’une coloriste et d’une coiffeuse vont en faire une Jean Seberg plus vraie que nature. Le financement ? Il ne fut pas facile à obtenir, d’autant plus que France Télévisions a vite décidé de jeter l’éponge, considérant que le projet est certes « sympathique  mais trop cher pour un objet destiné à des cinéphiles ». Sauf que le réalisateur va prendre bien soin de donner à l’écran le nom de chaque personnage lors de sa première apparition, montrant ainsi son désir de s’adresser à un public ne se limitant pas aux seuls cinéphiles très pointus. Heureusement, Canal+, l’avance sur recette du CNC et la maison Chanel vont être au rendez-vous et permettre de lancer la réalisation. Et nous voilà, nous spectateurs et spectatrices de l’année 2025, transporté(e)s en 1959 pour assister au tournage de A bout de souffle. On ne peut qu’être bluffé(e)s par l’impression de véracité que l’on ressent. Tous les interprètes sont exceptionnels, le plus exceptionnel de tous étant sans doute Guillaume Marbeck, l’interprète de Jean-Luc Godard : non seulement, il en a le physique mais il en a aussi la façon de se mouvoir,  le phrasé et l’accent si particuliers. On ressent bien l’anxiété de Godard face au défi qu’il s’était mis en tête de réussir : réinventer le cinéma, avec cette volonté farouche de casser les codes, avec son goût pour l’improvisation proche de celle qui se pratique dans le jazz à la même époque : c’est aussi en 1959 qu’est paru l’album « Giant Steps » de John Coltrane ! Avec, aussi, des idées géniales pour tourner certaines scènes comme cette utilisation d’un triporteur de la poste pour y installer le caméraman lorsqu’il suit Belmondo et Jean Seberg sur les Champs-Elysées. Afin d’être encore plus proche de l’ambiance qui régnait lors du tournage de A bout de souffle, le réalisateur texan n’a pas hésité à adjoindre la réalisatrice Lætitia Masson et Michèle Halberstadt à ses 2 scénaristes américains, Holly Gent et Vince Palmo, ces 2 spécialistes de l’œuvre de Godard étant chargées de reprendre l’ensemble des dialogues afin qu’ils collent bien à l’époque. Chargées aussi de faire la traque aux inexactitudes et aux fausses légendes. Après cette immersion très réussie dans l’univers de Godard, on n’a plus qu’une seule envie : revoir A bout de souffle !

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