Marco, l’énigme d’une vie
Espagne : 2024
Titre original : Marco
Réalisation : Aitor Arregi, Jon Garaño
Scénario : Aitor Arregi, Jon Garaño
Interprètes : Eduard Fernández, Nathalie Poza, Chani Martín
Distribution : Epicentre Films
Durée : 1h41
Genre : Biopic, Drame
Date de sortie : 14 mai 2025
4/5
Synopsis : Enric Marco est le président de l’association des victimes espagnoles de l’Holocauste. À l’approche d’une commémoration, un historien conteste son passé d’ancien déporté. Marco se bat alors pour maintenir sa version alors que les preuves contre lui s’accumulent…
L’anatomie d’un affabulateur
Tout laisse à penser qu’en France, l’histoire de Enric Marco n’est connue que d’une toute petite partie de la population. Il n’en est pas de même en Espagne où ce personnage, mort à 101 ans en 2022, avait défrayé la chronique en 2005 lorsque l’historien Benito Bermejo avait mis à jour son imposture qui consistait à prétendre que, en tant que militant anarchiste ayant participé à la guerre d’Espagne, il avait trouvé refuge en France, avait été arrêté par la Gestapo à Marseille puis déporté en Allemagne où il avait été interné dans le camp de concentration de Flossenbürg, en Bavière, alors qu’en fait, il était parti volontairement en 1941 en Allemagne comme travailleur de l’industrie de guerre nazie dans le cadre d’un accord entre Franco et Hitler. Son histoire avait fait l’objet d’un roman non fictionnel, « L’imposteur », écrit par Javier Cercas, publié en Espagne en 2014 et paru en France en 2015. Attirés par le personnage d’Enric Marco dès la révélation de son imposture, les basques Aitor Arregi et Jon Garaño, deux des réalisateurs de Une vie secrète, se sont très vite mis en tête de lui consacrer un film. Documentaire ? Fiction ? Partis sur la réalisation d’un documentaire, ils ont abandonné cette voie lorsqu’ils se sont aperçus qu’elle était déjà suivie par une autre équipe. Le choix d’une fiction s’est alors imposé à eux, d’autant plus que ce choix leur donnait la liberté de « créer » et d’étudier un personnage qui ne soit ni le véritable Enric Marco, ni le Enric Marco créé par ses propres affabulations.
L’histoire d’un tel affabulateur compulsif ne peut qu’être passionnante, d’autant plus lorsqu’elle est racontée avec toute la science du montage de Aitor Arregi et Jon Garaño ! Un homme capable d’aller à Flossenbürg avec son épouse afin de chercher à obtenir un papier officiel comme quoi il a été retenu comme prisonnier dans ce camp. Un homme aimant se mettre en avant, aimant être sous les feux des projecteurs. Un homme parvenant à tromper son monde au point d’être nommé Président de l’association des déportés espagnols. Un homme qui reste droit dans ses bottes face aux accusations de Benito Bermejo. On est loin, bien sûr, de ressentir une énorme sympathie pour un tel personnage, mais on ne peut s’empêcher de penser que, durant de nombreuses années, de 2000 à 2005, il a fait un travail fantastique de (faux, bien sûr) témoignage sur la déportation, en particulier lorsqu’il se rendait dans des écoles en racontant à l’envie ce que disait l’allemand qui accueillait les déportés à Flossenbürg : (désignant la porte) vous êtes arrivés par là, (puis désignant la cheminée) vous repartirez par là. Faut-il voir dans ce comportement, une façon, 60 ans plus tard, de chercher à se pardonner à lui-même le choix qu’il avait fait en 1941 ? En tout cas, son interprète, le comédien Eduard Fernández est impressionnant de justesse tout au long du film.