Critique Express : La voix de Hind Rajab

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La voix de Hind Rajab

Tunisie, France : 2025
Titre original : Sawt Hind Rajab
Réalisation : Kaouther Ben Hania
Scénario : Kaouther Ben Hania
Interprètes : Amer Hlehel, Clara Khoury, Motaz Malhees
Distribution : Jour2fête
Durée : 1h29
Genre : Drame
Date de sortie : 26 novembre 2025

5/5

Synopsis : 29 janvier 2024. Les bénévoles du Croissant-Rouge reçoivent un appel d’urgence. Une fillette de six ans est piégée dans une voiture sous les tirs à Gaza et implore qu’on vienne la secourir. Tout en essayant de la garder en ligne, ils font tout leur possible pour lui envoyer une ambulance. Elle s’appelait Hind Rajab.

Dans la vie d’un(e) cinéphile, il y a des films, et des films, et des films, et, de temps en temps, il y a UN film, LE film, celui qui, du début jusqu’à la fin, vous a scotché sur votre fauteuil , le film dont vous ne serez toujours pas sorti plusieurs jours après l’avoir vu. La voix de Hind Rajad est un de ces films. Sa réalisatrice, la tunisienne Kaouther Ben Hania, avait déjà fait très fort il y a 2 ans avec un film passionnant, les filles d’Olfa, à mi-chemin entre fiction et documentaire. Avec La voix de Hind Rajad, elle va encore plus loin avec un film qui fait plus que s’inspirer d’un fait réel particulièrement poignant en utilisant la véritable bande-son du dialogue téléphonique désespéré entre une fillette de 6 ans, seule dans une voiture dans un quartier de Gaza, au milieu des cadavres de membres de sa famille et sous la menace de chars de l’armée israélienne, et des membres du Croissant-Rouge palestinien localisés à Ramallah où le centre des appels d’urgence de Gaza du Croissant-Rouge avait été transféré depuis les bombardements sur Gaza.

On connait tous l’expression « On ne tire pas sur une ambulance ». On la connait tous, sauf l’armée israélienne qui, à Gaza, a tiré à plusieurs reprises sur des ambulances. En fait, pour que l’armée israélienne consente à laisser circuler une ambulance palestinienne sans trop de risque pour elle et ses passagers d’être pris comme cible, il fallait,  le 29 janvier 2024, au moment où s’est déroulée la véritable action racontée dans le film, passer par toute une procédure très longue, une procédure dite de coordination, partant du Croissant rouge, passant par la Croix-Rouge qui transmettait au COGAT, l’unité du ministère de la défense israélienne qui coordonne les activités dans les territoires palestiniens occupés (Cisjordanie et bande de Gaza). Les soldats israéliens sur place devaient ensuite envoyer au COGAT un itinéraire sécurisé pour que l’ambulance puisse circuler sans être ciblée, itinéraire qui était communiqué au Croissant-Rouge par le COGAT via la Croix-Rouge. Une procédure, terminée par un feu vert, une procédure très longue qui laissait largement à des blessé(e)s le temps de mourir !  Le 29 janvier 2024, l’armée israélienne a ordonné l’évacuation du quartier Tel Al-Hawa, un des quartiers les plus aisés de la ville. Obéissant à cet ordre, Bashar Hamouda Saleh Hamada s’apprêtait à quitter Tel Al-Hawa en voiture, en compagnie de son épouse, de ses 4 enfants et de sa nièce Hind Rajab, que tout le monde appelle Hanood. A peine partie, la voiture a été prise pour cible par un tank israélien.  Ne sont restées vivantes que Layan, 15 ans, et Hanood qui n’a pas encore 6 ans. Layan va réussir à amorcer une conversation téléphonique avec le Croissant-Rouge, avant d’être tuée, elle aussi, par une deuxième salve israélienne. Ne restent donc plus dans la voiture que Hanood,  6 cadavres à ses côtés  et un téléphone en communication avec des membres du Croissant-Rouge palestinien. Le cœur du film, ce sont les conversations poignantes que Hanood va alors avoir avec Omar, avec Rana, avec  Nisreen, Hanood les suppliant de venir la sauver, les membres du Croissant-Rouge faisant tout leur possible pour la rassurer et lui donner de l’espoir. La nuit va bientôt tomber, Hanood a peur du noir, elle est au milieu des cadavres de 6 membres de sa famille, l’armée israélienne est toujours à proximité et le film est d’autant plus déchirant que la voix d’enfant qu’on entend durant toutes ces heures dramatiques du 29 janvier 2024, c’est réellement celle de Hanood. En effet, l’ensemble de ces conversations ayant été enregistré par le Croissant-Rouge, Kaouther Ben Hania a demandé, et obtenu, l’autorisation aux parents de Hind Rajab d’utiliser pour son film ce qui, dans cet enregistrement, provient de la voix de Hind Rajab. Bien entendu, à l’autre bout de la communication téléphonique, les membres du Croissant-Rouge sont (très bien) interprétés par des comédiens et des comédiennes, tous et toutes originaires de Palestine. La réalisatrice a été particulièrement avisée de ne pas nous fournir d’images en provenance de la voiture : après tout, elle aurait pu décider de faire jouer le rôle de Hanood à une fillette de 6 ans et de nous la montrer, entourée de 6 cadavres et de chars israéliens. Une telle décision aurait été une grave erreur, le fait de ne rien voir donnant encore plus de force et d’émotion à ce qu’on entend.

Simultanément à ces conversation entre Hanood et les membres du Croissant-Rouge, se déroulent les tractations destinées à ce qu’une ambulance palestinienne puisse venir sauver la fillette sans courir le risque d’être canardée par un char israélien. Dans le film, on assiste à la différence de position entre 2 membres du Croissant-Rouge face à la situation du moment : Omar, particulièrement ému par le sort d’Hanood, qui souhaite qu’on envoie une ambulance le plus vite possible, quitte à ne pas respecter les diktats de l’armée israélienne et Mahdi, certainement ému lui aussi, mais qui, ayant déjà vu mourir de nombreux collègues dans des situations similaires, ne veut pas, en sortant des clous, en envoyer d’autres au casse-pipe. L’histoire de Hind Rajab fait aujourd’hui partie de l’histoire. Vous en connaissez peut-être la fin. Si vous ne la connaissez pas, vous la découvrirez en allant voir ce film magnifique, ce film déchirant, ce film indispensable. Il n’est pas interdit de penser que l’histoire de Hind Rajab sera évoquée le jour où, espérons le, les crimes de l’armée israélienne, qu’ils soient qualifiés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, seront jugés par un tribunal international.

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