Cannes 2018, carnet de bord, quatrième partie

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Trois visages (3,5/5). Une actrice iranienne reçoit la vidéo d’une jeune fille qui annonce qu’elle va se suicider car sa famille s’oppose à son rêve de devenir comédienne. Inquiète, Behnaz Jafari demande au réalisateur Jafar Panahi de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une manipulation. Ils se rendent dans le village d’où elle a envoyé ce message. Panahi a tourné en clandestinité ce docu-fiction où il ne cesse d’interroger la réalité de ce qui nous est montré. À travers le vécu contrasté d’actrices de trois générations différentes, d’hier avec une vedette d’avant la Révolution de 1979 recluse depuis ses triomphes lointains, d’aujourd’hui avec une star acclamée dans les endroits les plus éloignés de la capitale et celle de demain, empêchée d’exister y compris par ceux qui admirent la deuxième, il dessine un condensé de l’histoire contemporaine de l’Iran sur le sort accordé aux femmes et aux artistes. Comme un autoportrait à peine voilé d’un réalisateur toujours assigné à résidence dans son pays. Mais qui ne perd pour autant pas son sens de l’humour pince-sans-rires.

En sélection officielle, mais hors compétition, Le Grand Bain de Gilles Lellouche (3/5) a surpris, autant à l’annonce de sa présence sur la Croisette que lors de sa réception très positive. Une comédie populaire très divertissante, avec des êtres désenchantés dont le salut pourrait venir de leur présence à une compétition de natation synchronisée. Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Jean-Hugues Anglade et l’étonnant Philippe Katerine sont coachés par Virginie Efira et Leïla Bekhti, guère plus en forme qu’eux. Unis, ils retrouvent un peu de hauteur en se lançant dans une activité guère virile aux yeux des sceptiques et même sacrément ridicule vue de l’extérieur. Malgré le désarroi de ces sportifs amateurs mais soudain motivés, ce long-métrage est une comédie vraiment drôle sur la solidarité et l’empathie.

Un autre grand moment de cinéma francophone avec Nos batailles du belge Guillaume Senez (3,5/5) (Semaine dela critique), écrit avec Raphaëlle Desplechin, écrivaine et sœur du cinéaste Arnaud. Un contremaître d’usine, dévoué à ses collègues menacés par la direction, ne fait pas assez attention aux souffrances morales de sa femme qui souffre en silence, jusqu’au jour où elle s’en va sans prévenir. Romain Duris est sensible en type bien, hélas souvent sourd au désarroi de ses proches. Il est entouré de personnages féminins heurtés, interprétés par des actrices qui leur apportent de fines nuances, dont Laure Calamy en amie loyale, Laetitia Dosch en sœur fofolle, Lucie Debay en épouse absente et Dominique Valadié en mère compréhensive, au vécu non moins solide. Une œuvre bouleversante par les émotions qu’elle véhicule, avec des dialogues très drôles ou émouvants selon les moments.

Petit détour par Cannes Classics, que nous devrions hélas délaisser cette année, faute de temps pour nous plonger dans la case patrimoine de la sélection officielle. Joao and the knife (3/5) du hollandais George Sluizer, connu pour son film très noir L’Homme qui voulait savoir, tourné quinze ans plus tard. Tourné au Brésil, avec à l’image Jan de Bont, le chef opérateur des premiers films de Paul Verhoeven et futur réalisateur de Speed, ce drame met en scène un homme âgé et désargenté qui épouse une jeune femme à peine sortie de l’adolescence, malgré les mises en garde de ses proches. Afin de lui offrir un joli train de vie à son épouse, il part plusieurs années pour faire fortune. À son retour quatre ans plus tard, elle est accompagnée d’une petite fille. En est-il le père ? Il en doute, et la tragédie pointe le bout de son nez. Un conte mystique d »une grande beauté formelle qui accompagne les tourments existentiels de ses personnages.

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