Test Blu-ray : Coffret Sissi – L’intégrale

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Sissi / Sissi impératrice / Sissi face à son destin + Les Jeunes années d’une reine

Autriche : 1954 – 1957
Titre original : Sissi
Réalisation : Ernst Marischka
Scénario : Ernst Marischka
Acteurs : Romy Schneider, Karlheinz Böhm, Magda Schneider
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 7h10 environ
Genres : Historique, Romance
Dates de sortie cinéma : 1954 – 1957
Date de sortie DVD/BR : 4 novembre 2025

Les Jeunes années d’une reine (1954): Londres en 1837, panique au palais royal ! La jeune souveraine Victoria a disparu sans souci du protocole. Lors de cette fugue, elle vit la première romance de sa vie… Sissi (1955) : La jeune Sissi accompagne à la cour impériale d’Autriche sa mère et sa sœur aînée Hélène promise au futur empereur. Comme à son habitude Sissi profite d’un moment en solitaire pour partir en promenade au cours de laquelle elle va rencontrer sans le savoir l’héritier impérial… Sissi impératrice (1956): Sissi est maintenant l’impératrice d’Autriche-Hongrie après son mariage avec l’empereur François-Joseph. Toutefois, le pesant protocole et la sévérité de l’archiduchesse Sophie contraignent fortement sa nature spontanée. Quand la jeune femme met au monde une petite fille, sa joie est de courte durée puisque Sophie décide de lui en retirer la garde. Désabusée, Sissi se réfugie en Bavière chez ses parents… Sissi face à son destin (1957) : L’Empire est agité par des révolutionnaires hongrois mécontents de leurs attachement à la Maison d’Autriche. Sissi décide son époux à partir en Hongrie afin de calmer les esprits…

Les films

[3,5/5]

Les films de la saga Sissi ont la réputation d’être des bonbons sucrés pour les yeux, mais en réalité ce sont des machines à fabriquer du kitsch impérial, des usines à rêves où Romy Schneider prend les atours d’une icône éternelle, figée dans une robe qui semble avoir été cousue par des anges aux fesses joufflues. En dépit de sa réputation, la trilogie Sissi n’est pas seulement une série de films romantiques à destination des vieilles (ou des très jeunes) filles : c’est une cathédrale de velours et de dentelle, doublé d’un véritable monument de cinéma populaire qui a façonné l’imaginaire collectif européen comme peu d’œuvres l’ont fait. Et si l’on peut toujours occasionnellement se gausser devant la naïveté des dialogues ou la rigidité des décors, il faut reconnaître qu’avec Sissi, Ernst Marischka a inventé une esthétique, une manière de filmer l’amour et le pouvoir comme une valse interminable.

Dans Sissi, la caméra glisse sur les palais viennois comme mes mains sur tes hanches, ne fais pas ces yeux furibonds, et chaque plan semble conçu pour flatter la beauté de Romy Schneider, âgée de seulement 17 ans au moment du tournage du premier film. Les thématiques sont simples : l’amour, la jeunesse, la liberté face aux contraintes de la cour. Mais derrière cette simplicité se cache une mécanique redoutable : le film transforme la vie privée en spectacle, et la politique en décor. Les séquences de bal, avec leurs mouvements circulaires, deviennent des métaphores de l’enfermement, comme si la danse elle-même était une cage dorée. Et puis il faut également admettre que ces scènes possèdent encore aujourd’hui une puissance visuelle qui dépasse le kitsch et/ou ridicule. D’ailleurs, d’une façon générale, on ne peut que souligner l’obsession d’Ernst Marischka pour la beauté plastique. Les costumes, les décors, les cadrages : tout est pensé pour créer une image parfaite, une carte postale vivante. Cette esthétique a d’ailleurs marqué durablement le cinéma européen pendant les années 50/60, et Sissi est devenu un modèle, une référence, une sorte de Disneyland impérial destinée à transformer l’Histoire en conte de fées. Notre critique signée Julien Mathon (qui s’avère un des articles les plus lus du site) démontrait bien à quel point la trilogie Sissi est une œuvre paradoxale : à la fois naïve et sophistiquée, ridicule et sublime. Et c’est précisément ce paradoxe qui fait la force de la trilogie. Les films ne cherchent pas à être réalistes, ils cherchent à être beaux. Et dans ce domaine, ils réussissent brillamment. Les séquences de bal, les promenades en calèche, les déclarations d’amour : tout est filmé avec une élégance qui frôle parfois l’absurde, mais qui finit toujours par séduire.

Il faut aussi évoquer la dimension politique de Sissi. Derrière les robes et les sourires, la trilogie suit la trajectoire d’une femme qui tente de préserver son individualité face aux contraintes de la cour. Cette thématique résonne encore aujourd’hui : la lutte pour la liberté, l’affirmation de soi, la résistance aux institutions. Certes, le film ne développe pas ces thèmes de manière complexe, mais il les incarne visuellement, et c’est là sa force. Les gros plans sur Romy Schneider deviennent des manifestes silencieux, des cris étouffés sous les dentelles, et, au final, des armes plus puissantes que n’importe quel discours politique. De la même façon, les films de la trilogie jouent constamment sur le contraste entre la nature et la cour. Les escapades champêtres de l’héroïne, filmées avec une lumière douce et des couleurs éclatantes, s’opposent aux intérieurs sombres et rigides des palais. Ce contraste traduit une tension thématique : la liberté contre l’ordre, l’individu contre l’institution. Et si l’impact du message est amoindri par des dialogues souvent mièvres, dans l’ensemble, le personnage de Sissi réussit à incarner cette lutte avec une efficacité redoutable. Parallèlement, les films de la trilogie Sissi évoquent également, en filigrane, la question du temps. Chaque film suit l’évolution de l’héroïne, son passage de la jeunesse insouciante à la maturité contrainte. Cette évolution est filmée avec une douceur qui masque la douleur, mais qui la rend d’autant plus poignante. « La fin de l’innocence », pour reprendre le titre d’un film qu’on évoquait il y a quelques jours à l’occasion de sa sortie au format Blu-ray 4K Ultra HD.

Et puis bien sûr, il faut parler de Romy Schneider, sans qui la saga Sissi ne serait que l’ombre d’elle-même. Son charme, sa beauté, son énergie : tout repose sur elle. Les films sont construits comme des autels dédiés à sa gloire, et chaque plan est une offrande. On pourrait ironiser en disant que Sissi est une publicité géante pour Romy Schneider, mais la vérité est que cette publicité est devenue une œuvre d’art. Romy Schneider incarne Sissi avec une intensité qui transcende le kitsch, et qui transforme la trilogie en une véritable légende, naïve et sublime, ridicule et magnifique. Elle incarne une esthétique, une manière de filmer l’amour et le pouvoir, qui a marqué durablement le cinéma européen. On notera par ailleurs que le reboot urbain de la saga, un temps envisagé et intitulé Sissi la Famille, a finalement été abandonné faute de producteurs.

Dans le coffret Blu-ray Sissi – L’intégrale de la saga, l’éditeur Rimini Éditions nous propose également de (re)découvrir Les Jeunes années d’une reine, réalisé par Ernst Marischka en 1954, qui est en quelque sorte une espèce de « brouillon » de Sissi. Le film raconte l’histoire de la jeune Victoria, future reine d’Angleterre, et met en scène les mêmes thématiques : jeunesse, liberté, lutte contre les contraintes de la cour…. On y retrouve la même esthétique, la même obsession pour la beauté plastique, les costumes somptueux, les décors élégants. Une sorte de répétition générale, d’esquisse ou de prototype qui annonçait la trilogie Sissi. Victoria, déjà incarnée par Romy Schneider, y est une jeune femme qui tente de préserver son indépendance face aux contraintes de la cour. Les séquences de bal, les promenades en calèche, les déclarations d’amour : tout est filmé avec la même obsession pour la beauté, la même volonté de créer une carte postale vivante. On pourrait dire que Les Jeunes années d’une reine est une variation sur le même thème. Pour autant, le film possède aussi sa propre force. Il met en avant la figure de Victoria, filmée avec une intensité qui la rend universelle. Il s’agit d’une œuvre élégante, tout aussi joyeusement excessive que la saga Sissi, et qui mérite d’être redécouverte aujourd’hui comme une espèce de prélude à la trilogie à venir.

Le coffret Blu-ray

[4/5]

Le coffret Blu-ray Sissi – L’intégrale de la saga, édité par Rimini Éditions, se présente comme une petite friandise pour collectionneurs, mais emballée dans un écrin classieux qui respire le sérieux. Les films sont disposés dans quatre boîtiers distincts, et glissés dans un fourreau élégant, accompagnés de quatre cartes postales représentant Romy Schneider dans toute sa splendeur impériale : voilà de quoi flatter l’œil et nourrir l’ego de tout amateur de cinéma patrimonial. Le packaging est à la fois sobre et sexy raffiné, évitant le clinquant pour privilégier une présentation qui évoque la délicatesse des albums photo d’antan. On sent que Rimini a voulu séduire autant les nostalgiques que les nouveaux spectateurs, en offrant un objet qui se regarde presque autant qu’il se visionne.

Côté image, les restaurations 2K apportent un souffle nouveau à la saga Sissi. Certes, les puristes grinceront des dents devant le recadrage en 1.78, qui abandonne le format original 1.33. Mais il faut rappeler que les films ont été conçus à une époque de transition où les salles jonglaient entre formats carrés et panoramiques : même si on aurait aimé avoir les deux formats, le choix de Rimini n’est donc pas une trahison, mais une adaptation cohérente à l’histoire de la projection. Le résultat est convaincant : les décors fastueux et les costumes étincelants retrouvent une vigueur visuelle qui flatte l’œil. Les couleurs saturées, la luminosité affirmée et les contrastes maîtrisés donnent aux films une allure presque “démo technique”, comme si la restauration voulait séduire avant tout par son éclat. On peut regretter une certaine douceur persistante, un niveau de détail parfois timide, et un grain argentique trop discret, mais l’ensemble reste largement supérieur aux anciennes éditions DVD. Seul Les Jeunes années d’une reine apparaît plus lissé, avec une colorimétrie fatiguée et une absence de grain qui trahit une source usée. Les trois Sissi, eux, brillent davantage, même si l’on sent que la restauration privilégie l’œil moderne plutôt que la fidélité absolue à l’Agfacolor d’origine.

Côté son, ce coffret Sissi est une autre bonne surprise. Pour la première fois en France, les films sont proposés en version originale allemande, en plus des doublages français. Proposées en DTS-HD Master Audio 1.0, les pistes allemandes, mêlant post-synchronisation et prises directes, offrent une belle présence des voix et une dynamique correcte. Les dialogues captés en direct conservent une authenticité bienvenue, tandis que les passages post-synchronisés trahissent parfois une légère artificialité, sans que cela devienne gênant. La musique bénéficie d’une ampleur agréable, même si les basses restent timides. Pas de saturations notables, pas de souffle envahissant : le nettoyage est efficace. Également proposées en DTS-HD Master Audio 1.0, les versions françaises tiennent honorablement la comparaison, avec des voix naturelles et des mediums actifs. La dynamique est correcte, et la musique évite les saturations habituelles des mixages anciens. Quelques sifflantes ponctuelles apparaissent sur Les Jeunes années d’une reine, mais rien qui ne gâche l’expérience.

Dans la section suppléments de ce coffret Blu-ray Sissi – L’intégrale de la saga, les amoureux de Romy Schneider et de cinéma patrimonial trouveront assurément leur bonheur. On commencera avec un documentaire sur Romy Schneider (1h02), réalisé en 1967 par Hans-Jürgen Syberberg. On y découvrira une Romy Schneider de 27 ans, en vacances aux sports d’hiver, parlant de sa carrière avec une sincérité désarmante. Elle évoque son rapport compliqué au star-système, son sentiment d’imposture, ses rêves de théâtre et ses souvenirs du tournage du Procès avec Orson Welles. Ce portrait intime, parfois mélancolique, éclaire la personnalité complexe d’une actrice prisonnière de son image de Sissi. On poursuivra ensuite avec un retour sur le tournage de Sissi impératrice (19 minutes), produit en 1998 à partir des images d’époque, et regorgeant d’anecdotes légères : Romy Schneider recevant une voiture pour ses 18 ans, les deux kilos de cheveux portés en montagne, ou la chaleur suffocante des parcs viennois. On continuera avec un entretien avec Renate Seydel (10 minutes), au cœur duquel la biographe de Romy Schneider nous expliquera comment les films ont été pensés pour refléter l’indépendance retrouvée de l’Autriche et ses valeurs idéalisées. Elle évoquera également la magnificence des décors, le refus de l’actrice de tourner un quatrième volet, ainsi que le succès international de la saga. On terminera enfin avec un deuxième entretien avec Renate Seydel (31 minutes), qui reviendra quant à lui sur la vie de l’actrice. Elle y retracera les étapes de son existence tourmentée : la rencontre avec Alain Delon, l’importance de Claude Sautet et de Luchino Visconti, la descente aux enfers après la mort tragique de son fils… Très intéressant.

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