Test Blu-ray 4K Ultra HD : Du Sang pour Dracula

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Du Sang pour Dracula

Italie, France, États-Unis : 1974
Titre original : Sangue per Dracula
Réalisation : Paul Morrissey
Scénario : Paul Morrissey
Acteurs : Joe Dallesandro, Udo Kier, Vittorio De Sica
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h43
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 22 janvier 1975
Date de sortie BR/4K : 18 septembre 2025

Très affaibli dans son château de Roumanie, contrée où il ne trouve aucune vierge à se mettre sous la dent, le comte Dracula s’installe en Italie, pays catholique où il lui semble beaucoup plus facile de s’abreuver en sang pur. Là, dans une famille de la vieille noblesse désargentée, il espère profiter des faveurs des quatre sœurs Di Fiore, dont deux sont notoirement connues pour leurs mœurs légères. S’il finit par jeter son dévolu sur la plus jeune, il se trompe lourdement, devancé dans ses ébats par un jardinier entreprenant. En proie à une soif de plus en plus terrible, Dracula voit bientôt fondre sur lui une autre menace…

Le film

[3/5]

Réalisé dans la foulée de Chair pour Frankenstein, avec la même équipe et le même goût pour les fluides corporels, Du Sang pour Dracula s’inscrit dans une veine baroque et trash où le comte n’a plus rien de majestueux. Udo Kier, livide comme un yaourt oublié depuis trop longtemps dans le frigo, y incarne un Dracula maladif, dépendant du sang de vierges pour survivre. Autant dire qu’en Italie, pays de la pasta et des pulsions zérotiques, qui plus est au début des années 70, le pauvre est aussi perdu qu’un sextoy dans une messe en latin. Vous l’aurez compris, Du Sang pour Dracula repose donc sur une idée simple : celle de faire du vampire non plus un prédateur, mais une victime du progrès sexuel ? Le film, sous ses airs de comédie noire, interroge la chute des élites, et met clairement en parallèle la libéralisation des mœurs et la fin des mythes.

Dans le film de Paul Morrissey, Dracula n’est donc plus présenté comme un monstre, mais comme un aristocrate déchu, errant dans un monde qui ne veut plus de lui. Le sang pur devient une denrée rare, et la virginité un fantasme bourgeois. Certains verront là une critique du capitalisme, ou une métaphore de la décadence de la société occidentale, d’autres y percevront une excuse pour filmer Joe Dallesandro, dans la peau de Mario, le solide jardinier, en train de grimper tout ce qui bouge. À chacun son niveau de lecture… Toujours est-il que si Du Sang pour Dracula effleure volontiers plusieurs sujets – pureté, désir, pouvoir, religion, classe sociale, et même plomberie (à travers le fameux bidet, devenu culte malgré lui) – il n’en mène pas un seul à bon port, la faute aux nombreux trous dans le scénario que Paul Morrissey essaie en vain de combler à travers une poignée de scènes-choc détournant les clichés, parfois avec une ironie mordante.

Quelque-part à mi-chemin entre le chef-d’œuvre et le nanar arty (ça laisse de la marge), Du Sang pour Dracula est un film qui agace régulièrement, mais qui fascine aussi à l’occasion. La photographie de Luigi Kuveiller, bien que soignée, alterne entre le sublime et le kitsch, avec des éclairages tranchés qui évoquent parfois une pub pour déodorant. Le montage, signé Jed Johnson, joue sur les ruptures de ton, les ellipses abruptes, et les ralentis qui sentent bon le boulot effectué sous LSD. La musique de Claudio Gizzi, quant à elle, oscille entre le mélancolique et le pompeux, comme si Chopin avait été remixé par DJ Mosimann. Et pourtant, malgré ses excès, Du Sang pour Dracula parvient à créer une atmosphère unique, entre théâtre d’ombres et carnaval décadent.

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[4/5]

Si le film fait toujours débat plus de cinquante après sa sortie, l’édition Blu-ray 4K Ultra HD de Du Sang pour Dracula, sortie chez Sidonis Calysta il y a quelques semaines, fait quant à elle l’unanimité, grâce notamment à son packaging extrêmement soigné. Le film de Paul Morrissey nous est en effet proposé dans un Digibook limité contenant le Katka du film, le Blu-ray, et un livret de 52 pages intitulé « Les temps sont durs pour les vampires » — titre qui résume à lui seul l’ambiance du film.

Le scan 4K, réalisé en 2021 à partir du négatif 35 mm original, offre une image d’une précision chirurgicale. Le piqué est net, la texture argentique conservée, et l’étalonnage HDR10 sublime les éclairages tranchés du film. Les rouges et les verts explosent à l’écran, les noirs sont profonds, et la compression est irréprochable. Côté son, les mixages DTS-HD Master Audio 2.0 monophoniques (anglais et français) font le boulot. La VO offre des voix claires, une dynamique correcte, et une musique bien intégrée. La VF, bien que claire et dynamique, souffre d’un doublage un peu trop détaché de l’image.

Les suppléments qui nous sont proposés par Sidonis Calysta sont à la hauteur de la classe de l’objet. Sur le Blu-ray 4K Ultra HD, on trouve une présentation croisée de Du Sang pour Dracula et Chair pour Frankenstein par Christophe Gans (55 minutes), qui revient avec passion sur les enjeux esthétiques et politiques des deux films. Sur le Blu-ray, trois modules viennent compléter l’expérience. On commencera avec « Joe Dallesandro, les années Warhol », un portrait de Joe Dallesandro (28 minutes), sex-symbol underground devenu icône arty. On continuera ensuite avec « Du sang pour Udo Kier », un entretien avec Udo Kier (18 minutes) au cœur duquel l’acteur allemand revient sur son rôle avec un mélange de fierté et de perplexité. Enfin, on terminera avec la traditionnelle bande-annonce, qui promet plus de frissons que le film n’en livre réellement. En somme, on tient là une édition soignée, généreuse, et parfaitement adaptée à ce film étrange, dérangeant, et résolument hors normes.

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