Test DVD : Strip-Tease Intégral

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Strip-Tease Intégral

France, Belgique : 2025
Titre original : –
Réalisation : Jean Libon, Clémentine Bisiaux, Régine Dubois, Stéphanie de Smedt, Mathilde Blanc, Yves Hinant
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h30
Genre : Documentaire
Date de sortie cinéma : 12 février 2025
Date de sortie DVD : 8 octobre 2025

Plus que jamais fidèle à l’esprit de la série culte qui a marqué les esprits et déclenché des vocations de cinéastes depuis près de trente ans, Strip-Tease Intégral nous offre, cette fois sur grand écran, cinq peintures sensibles, touchantes, parfois absurdes, souvent drôles, tantôt sombres ou lumineuses – mais toujours aussi vraies que nature – des vanités de la société humaine dans leur plus merveilleuse banalité…

Le film

[4/5]

Émission de télévision documentaire belge ayant fait les beaux jours de la télé francophone entre 1985 et 2012, l’émission Strip-Tease a laissé une empreinte durable dans l’inconscient collectif, à tel point que Jean Libon (co-créateur de l’émission avec Marco Lamensch) et Yves Hinant ont entrepris de « prolonger » un peu le plaisir par le biais de deux longs-métrages : Ni juge ni soumise en 2017, et Poulet frites en 2021. Si ces deux films se concentraient sur un seul sujet, Strip-Tease Intégral, sorti dans les salles en février 2025 pour fêter les quarante ans de Strip-Tease, faisait le pari de retrouver le format de la série d’origine, avec cinq portraits à la Belge, qui nous réservent autant de larmes que d’éclats de rire – un miroir sans tain sur les névroses modernes, avec juste ce qu’il faut de tendresse avec du poil autour.

Strip-Tease Intégral, ce n’est pas un film, c’est une séance de psychanalyse collective déguisée en documentaire. Sans le divan, mais avec les fesses. Pour son grand retour au cinéma, l’émission culte ne se contente pas de compiler cinq sujets : elle les expose, les dissèque, les laisse suinter comme une plaie mal cicatrisée. Sans voyeurisme, sans voix off, sans commentaire, sans jugement – juste une caméra, posée là comme un témoin muet. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en 40 ans, les équipes de Strip-Tease Intégral n’ont pas perdu la main, et semblent toujours aussi doués pour capter l’air du temps avec une précision chirurgicale – au point que parfois, ça pique un peu. Mais c’est dans la douleur qu’on reconnaît les vrais amis, et les bons films.

Dans Strip-Tease Intégral, chaque segment fonctionne comme une loupe sur une névrose contemporaine. Les influenceuses à Dubaï, la comédienne quinqua au Festival d’Avignon, la famille nombreuse zéro déchet, l’hypocondriaque en roue libre et le médecin légiste transformiste : autant de figures qui, mises bout à bout, dessinent notre société des réseaux, obsédée par l’image, la pureté, la santé et l’identité. Le cœur des thématiques du film donne presque l’impression d’être une réunion de mots-clés Google : « écologie », « burn-out », « transgenre », « influenceur », « Avignon »… Autant de hashtags renvoyés au spectateur comme des miroirs, de façon à l’interroger sur ce qu’il reste de l’intimité dans un monde où tout se montre. L’exhibition n’est-elle pas, à sa manière, une forme de résistance, ou de quête de sens. Et dans ce contexte, le strip-tease devient métaphorique : on se dénude pour exister, pour être vu, pour être reconnu. C’est beau, c’est triste, c’est drôle. Et si bien des moments de Strip-Tease Intégral pourront paraître crispants, désespérants, voire même presque caricaturaux, chaque segment laisse les gens s’exprimer, ou plutôt vivre, sans filtre ni mise en scène. Le réel, brut. Brut de pomme, Orangina, Canada Dry.

Formellement, Strip-Tease Intégral reste fidèle à l’ADN de l’émission : caméra fixe, plans longs, montage minimaliste. Mais derrière cette apparente simplicité se cache une vraie maîtrise du rythme et de la tension. Chaque chapitre s’ouvre comme une porte entrouverte sur un univers intime, et se referme avec un petit frisson, parfois drôle, parfois tragique. Le segment « Bidoche », auquel fait référence le titre du film, est une merveille d’ambiguïté : entre dissection et transformation, il interroge la frontière entre le corps et l’identité, entre la chair et le regard. Et là, Strip-Tease Intégral touche au sublime, sans jamais lever le petit doigt.

Alors bien sûr, on entend d’ici les tristes sires qui reprocheront à Strip-Tease Intégral ce qu’ils reprochaient déjà à l’émission, à savoir que l’on se moquerait copieux des personnages qui défilent à l’écran. Mais ce serait comme dire que Barbie est un film misandre : le regard condescendant que l’on prête aux auteurs du film ne se retrouve que dans les yeux de certains spectateurs. A l’image, on ne perçoit de notre côté que beaucoup de tendresse, de curiosité, doublées d’une absence totale de cynisme. Même quand l’influenceuse parle de ses followers comme d’une armée de hamsters sous Lexomil, le film ne ricane pas. Il observe. Et dans cette observation, il y a une forme de respect, presque d’amour. Ce n’est pas du documentaire, c’est de l’humanité en tranches. Et de fait, parfois, en plus de piquer, ça saigne aussi un peu.

Alors voilà, on pourrait se la jouer critique Libé Télérama, et vous affirmer péremptoirement que Strip-Tease Intégral nous propose un « regard acéré sur la société » ou un « portrait sans concession de notre époque », mais non, le film ne porte pas de gilet jaune, il nous donne juste à voir des gens, dans leur quotidien, avec leurs contradictions, leurs absurdités, leurs beautés. Et ça suffit. Le film rappelle que le réel est toujours plus étrange que la fiction, et que parfois, il suffit de regarder pour comprendre. Même si ce qu’on voit, c’est un médecin légiste qui se maquille en Dalida avant d’ouvrir un cadavre. Oui, bon, chacun ses hobbies, qui sommes-nous pour juger autrui ?

Le DVD

[4/5]

Le DVD de Strip-Tease Intégral, édité par Blaq Out, est disponible à partir d’aujourd’hui chez vos dealers de culture habituels. Il s’agit d’un DVD qui ne cherche pas à faire le malin côté technique, mais il s’en sort avec les honneurs. L’image affiche une définition très correcte pour un support SD, avec des couleurs naturelles et un grain vidéo qui rappelle les origines télévisuelles de la série culte. Pas de miracle, mais pas de catastrophe non plus : les contrastes tiennent la route, et les scènes sombres ne virent pas au brouillard numérique. Côté son, le mixage français Dolby Digital 2.0 est clair, bien équilibré, sans saturation ni souffle intempestif. Pour les amateurs de spatialisation, un mixage Dolby Digital 5.1 est également disponible ; le dynamisme de l’ensemble reste relativement discret, mais offre une légère ouverture dans les ambiances, notamment lors des scènes en extérieur ou dans les segments musicaux. Pas de quoi faire trembler les murs, mais suffisant pour entendre les soupirs du médecin hypocondriaque sans devoir coller l’oreille à l’enceinte.

Les suppléments du DVD de Strip-Tease Intégral se résument à un entretien avec le co-créateur de l’émission Strip-Tease Jean Libon (26 minutes), qui reviendra sur les particularités dsu show (thématiques, réalisateurs…) avant d’aborder la genèse du projet, ainsi que les sujets choisis pour le film et ceux ayant du être abandonnés, parfois pour des raisons juridiques. Entre deux réflexions intéressantes sur les mutations du documentaire et de la télévision, il exprimera sa détestation des réseaux sociaux, et reviendra sur les réactions « générationnelles » provoquées par le segment des influenceuses à Dubaï.

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