Test Blu-ray : La Furie des Vampires

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La Furie des Vampires

Espagne, Allemagne de l’Ouest : 1971
Titre original : La noche de Walpurgis
Réalisation : León Klimovsky
Scénario : Paul Naschy, Hans Munkel
Acteurs : Paul Naschy, Gaby Fuchs, Barbara Capell
Éditeur : Rimini Éditions
Genre : Fantastique, Horreur
Durée : 1h27
Date de sortie cinéma : 22 mars 1973
Date de sortie DVD/BR : 18 septembre 2025

Deux étudiantes en sciences occultes sont à la recherche du tombeau de la comtesse Wandessa, personnage historique suspecté de vampirisme. Égarées en pleine campagne, elles sont accueillies dans la demeure isolée du comte Waldemar Daninsky, condamné à se transformer en loup-garou depuis qu’il a été lui-même mordu…

Le film

[4/5]

L’exportation culturelle est un grand mystère, et on s’étonnera toujours de constater que la culture populaire ne traverse pas systématiquement les frontières. Le brésilien Zé do Caixão (Coffin Joe), alias José Mojica Marins, est ainsi une véritable légende du fantastique dans son pays, mais bien peu de cinéphiles connaissent son œuvre de notre côté du monde. Beaucoup plus proche de nous, l’espagnol Paul Naschy, alias Jacinto Molina, a également toujours peiné à se frayer un chemin vers les cœurs français, et son œuvre n’est pas très bien représentée en vidéo. En effet, s’il a tourné dans plus d’une trentaine de films fantastiques au fil des années 70/80, jusqu’à aujourd’hui, les films de Paul Naschy sortis en France en DVD ou Blu-ray se comptent encore sur les doigts d’une seule main. La Furie des Vampires, qui vient de sortir en Haute-Définition chez Rimini Éditions, est le quatrième de la saga mettant en scène le personnage du loup-garou Waldemar Daninsky, qui apparaîtrait sous les traits de Paul Naschy dans rien de moins que douze films tournés entre 1968 et 2004.

Rassurez-vous cependant : les films de la saga lycanthrope consacrée à Waldemar Daninsky ne se suivent pas réellement, et peuvent tout à fait être vus de façon indépendante, à la façon de La Furie des Vampires, sorti en Espagne en 1971, et deux ans plus tard dans les salles françaises. Ce petit bijou hispano-germano-lycanthropique signé León Klimovsky a tout du patchwork cousu avec les dents : vampires, loups-garous, étudiantes en sciences occultes, et un comte qui se transforme en bête poilue dès que la lune lui fait un clin d’œil. La Furie des Vampires, c’est un peu le point de convergence entre le cinéma de Jean Rollin et celui de la Hammer Films : une vision du fantastique fauchée mais sincère, où l’on n’hésite pas à tourner dans les bois avec trois figurantes à oilpé et une caméra qui jurerait avoir connu Franco (Jess Franco, hein, pas Francisco). Et pourtant, malgré ses coutures apparentes, le film tient debout, et développe même un charme certain – celui d’une époque où on osait tout sans se poser de questions, et où le fantastique désargenté flirtait souvent avec une certaine poésie.

La Furie des Vampires commence avec deux jeunes blondes en mini-jupes qui préparent une thèse de doctorat en ésotérisme. Elvire et Geneviève (Gaby Fuchs et Barbara Capell), étudiantes en sciences occultes (oui, ça existe, même si Pôle Emploi n’a pas encore le code métier), partent donc à la recherche de la tombe de la comtesse Wandessa, une vampire médiévale qui aurait fricoté avec le diable. On est en plein dans le folklore de supermarché, mais León Klimovsky, habile, injecte aux premières séquences de son film une ambiance étrange, à la croisée des chemins entre le gothique et le psychédélique – un peu à la façon d’un film tel que Dracula 73, qui plongeait le roi des vampires en plein cœur du Swinging London de 1972. Cet élément cependant n’est pas le cœur de La Furie des Vampires, mais le fait est que le film aime jouer sur les contrastes. D’ailleurs, d’un point de vue formel, la lumière blafarde des cryptes, les robes blanches des demoiselles, et les maquillages des vampires en général, qui affichent une peau terne et grise, contrastent avec poils touffus et marronnasses du comte Waldemar (et encore plus quand il est sous sa forme loup-garou).

Vous l’aurez compris par vous-même : le comte Waldemar est naturellement incarné par Paul Naschy, ex-haltérophile reconverti en icône du cinéma d’horreur espagnol – il est le cœur battant de La Furie des Vampires. Avec son physique à la Gérard Depardieu, il s’impose comme l’homme à tout faire du fantastique ibérique : il joue, il écrit, il produit, il grogne. Son personnage de loup-garou maudit, condamné à se transformer à chaque pleine lune, est une métaphore poilue de la pulsion incontrôlable, du désir qui ronge, de la bête qui sommeille en chacun de nous. Oui, même en toi, là. Et surtout en toi, là, en train de nous lire en caleçon. La pulsion bestiale, on vous dit. La Furie des Vampires ne se contente pas de faire hurler son héros à la lune : l’intrigue du film interroge la dualité humaine, la frontière entre l’homme et l’animal, entre le désir et la décence. Et elle le fait avec des crocs, du sang, et des dialogues très amusants. Volontairement ou pas, ça, on ne saurait se prononcer.

Formellement, La Furie des Vampires est un festival de plans fixes et de zooms approximatifs; mais paradoxalement, ce sont aussi ces maladresses qui font le charme du film. León Klimovsky filme comme un enfant qui aurait trouvé une caméra dans une poubelle magique : avec enthousiasme, sans souci de raccord, mais avec une vraie envie de raconter une histoire. Les séquences dans la crypte, avec leurs éclairages tamisés et leurs ombres mouvantes, évoquent une peinture de Goya passée à la moulinette esthétique du cinéma Eurociné. Et quand la comtesse Wandessa revient à la vie, c’est tout un imaginaire qui s’éveille : celui du corps féminin comme vecteur de malédiction, de séduction, de damnation. La Furie des Vampires, c’est aussi une réflexion sur le pouvoir de la Femme avec un grand F, même si l’intrigue n’utilise finalement ses actrices que dans le but de hurler ou de se faire mordre. Mais bon, c’est là tout l’intérêt de savoir ligne entre les lignes, comme le disait Jack Black dans School of Rock.

Le scénario de La Furie des Vampires, coécrit par Naschy lui-même, est un mille-feuille de clichés assumés : la malédiction, le tombeau profané, le duel final entre le vampire et le loup-garou. Mais derrière cette accumulation, il y a une vraie volonté de créer un mythe, de bâtir une saga. La Furie des Vampires est le quatrième épisode des aventures de Waldemar Daninsky, et il s’inscrit dans une logique sérielle qui rappelle les Universal Monsters des années 40. On est dans le recyclage, certes, mais aussi dans la fidélité à un univers, à une esthétique, à une vision du monde où les monstres sont plus humains que les hommes. Côté décors et paysages, le film se déroule dans une campagne indéterminée, les dialogues nous apprenant néanmoins que l’intrigue se déroule dans le nord de la France. Les décors naturels, les ruines, les sentiers boueux, tout participe à une atmosphère de conte macabre. Et cette nature hostile devient le théâtre d’une lutte entre pulsions et rédemption. Waldemar, bête traquée, cherche à se libérer de sa malédiction. La comtesse, revenante lubrique, incarne le mal absolu. Et au milieu, il y a Elvire, qui découvre que l’amour peut naître même dans les poils d’un homme qui hurle à la lune.

Mais ce qui rend La Furie des Vampires si attachant, c’est qu’il ne se prend jamais trop au sérieux. Il y a une forme de second degré dans la mise en scène, dans les dialogues, dans les effets spéciaux… Et ce sont ce charme désuet et cette légèreté qui élèvent le film de León Klimovsky. On rit, on frissonne, on s’interroge. Et parfois, on se demande pourquoi les femmes vampires ont toujours des décolletés plongeants alors qu’elles vivent dans des cryptes et qu’elles doivent se cailler les miches copieux. Mais derrière cette question saugrenue, il y a aussi une vraie interrogation sur la représentation du corps, sur l’érotisation de la peur, sur le lien entre désir et mort, entre Eros et Thanatos. La Furie des Vampires, mine de rien, c’est du Freud en mode Gothique.

Le Blu-ray

[4/5]

La Furie des Vampires vient de débarquer au format Blu-ray, dans la collection « Angoisse » de Rimini Éditions, et comme à son habitude, l’éditeur nous gratifie d’un joli combo Blu-ray / DVD qui va faire saliver tous les amoureux du cinéma de Paul Naschy en France. L’image restaurée affiche une belle tenue : les contrastes sont nets, les noirs profonds comme la cave à vin de mon beau-frère, et les couleurs, bien que parfois un peu délavées, conservent ce charme rétro qui sied si bien à la série B des années 70 en général, et à La Furie des Vampires en particulier. Le grain cinéma est respecté, les détails du poil de Waldemar sont visibles, sans qu’on ait pour autant l’impression de regarder un documentaire animalier. Côté son, les pistes DTS-HD Master Audio 2.0 monophoniques font le job : la VO espagnole est claire, équilibrée, avec une belle restitution des grognements et des cris. La VF, quant à elle, conserve son charme désuet, avec des doublages qui sentent le studio parisien des années 70, avec tout ce que cela sous-entend de charme et de nonchalance.

Côté suppléments, le Blu-ray La Furie des Vampires nous propose deux versions du film : le montage « cinéma » (1h27) et une version longue (1h35), contenant davantage de scènes de dialogues. Le coffret édité par Rimini contient également un livret « Paul Naschy, grandeur et misère d’un loup-garou », écrit par l’inusable Marc Toullec (24 pages), et surtout un documentaire sur Paul Naschy et la saga Waldemar Daninsky (37 minutes), réalisé par Alexandre Jousse avec des entretiens avec Paul Naschy et avec Laurent Aknin. De quoi plonger dans les entrailles poilues de la saga, et comprendre pourquoi La Furie des Vampires reste un jalon essentiel du cinéma d’horreur hispanique. Un disque indispensable pour les amateurs de lycanthropie, de cryptes humides et d’étudiantes en détresse.

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