L’intérêt d’Adam
Belgique, France : 2025
Titre original : –
Réalisation : Laura Wandel
Scénario : Laura Wandel
Interprètes : Léa Drucker, Anamaria Vartolomei, Jules Delsart
Distribution : Memento
Durée : 1h13
Genre : Drame
Date de sortie : 17 septembre 2025
4.5/5
Synopsis : Adam, 4 ans, est hospitalisé pour malnutrition à la suite d’une décision de justice. Lucy, l’infirmière en chef autorise la mère d’Adam à rester auprès de son fils au-delà des heures de visite fixées par le juge. Mais la situation se complique quand celle-ci refuse une nouvelle fois de quitter son fils. Dans l’intérêt de l’enfant, Lucy fera tout pour venir en aide à cette mère en détresse.
Dans ses déclarations, la scénariste et réalisatrice belge Laura Wandel affirme que sa volonté d’écrire part toujours d’un lieu. Dans Un monde, son film précédent, ce lieu, c’était l’école. Pour son deuxième long métrage, c’est l’hôpital qu’elle a choisi, ce lieu étant pour elle une belle représentation de la société avec de nombreuses vies qui s’y rencontrent. A l’intérieur de l’hôpital, étant attirée par le monde de l’enfance, c’est le choix d’une unité pédiatrique qui s’est imposé à elle. Et, dans cette unité pédiatrique, elle a choisi de s’attacher avant tout à Lucy, l’infirmière en chef du service, à Adam, un petit garçon de 4 ans, et à Rebecca, la jeune maman d’Adam. Lucy, c’est l’excellence faite infirmière. Adam, lui, est hospitalisé pour malnutrition, par décision de justice : il a des carences et cela se traduit par des os qui se fracturent. Rebecca, sa mère, est très loin de ne pas aimer son fils : c’est juste une jeune femme en détresse, une mère trop jeune qui ne fait confiance à personne. Manière, sans doute, de se rassurer, cela se traduit par la volonté farouche de voir son fils ne manger que de la nourriture qui vient d’elle. Pourquoi pas ? Sauf que ce qu’elle donne à manger à Adam n’est pas du tout adapté à son âge, d’où les carences. A l’hôpital, le but est d’arriver à ce qu’Adam reçoive une alimentation adaptée à son âge, adaptée à son état. Facile, me direz vous ! Sauf que, dans un premier temps, Adam refuse obstinément d’ingurgiter toute nourriture ne venant pas de sa mère. La grande force de ce film à la fois très court et très intense réside dans la maîtrise dont Laura Wandel fait preuve pour entretenir une très grande tension, disons même un suspense haletant : Lucy arrivera-t-elle à obtenir la guérison d’Adam ? Pourquoi Lucy et non l’hôpital dans son ensemble ? Après tout, dans le cadre de l’hôpital, ce sont les médecins qui, en principe, sont les décideurs. Et puis, il y a des procédures à suivre. Oui mais voilà, ce sont les infirmières qui sont les plus proches des patients, qu’ils soient jeunes ou qu’ils soient vieux, et Lucy, avec son expérience du métier, avec la vigilance et la compassion dont elle fait preuve en permanence, se rend bien compte que braquer la maman serait la pire des solutions, que la présence de cette dernière est indispensable pour arriver à la guérison d’Adam. Rebecca ne fait rien pour faciliter la tâche de Lucy, mais qu’importe, et Lucy, dans l’intérêt d’Adam, n’hésite pas à passer outre aux procédures, à s’opposer à des collègues partisans d’un strict respect des procédures, voire à des médecins dont elle dépend.
Même si Laura Wandel porte avant tout son attention sur le trio Lucy/Adam/Rebecca, elle s’intéresse, de façon beaucoup plus brève, à d’autres problèmes rencontrés par l’hôpital, comme ces parents qui n’arrivent pas à accepter que leur enfant ne soit vu que par un interne et non par un médecin, par des femmes plutôt que par des hommes, comme ces pieux mensonges qui consistent, par exemple, à dire à une mère que sa fille a été opérée suite à une crise d’appendicite et non suite à un avortement afin d’éviter que la jeune fille soit chassée de la famille. Le temps passé par Laura Wandel pour la préparation et l’écriture de son film, environ 4 ans, peut paraître très long à l’aune de sa durée, 1 h 13 minutes, mais le résultat est à la hauteur du temps passé, faisant de cette véritable ode au métier d’infirmière, présentée à la Semaine de la Critique de Cannes 2025, un des films les plus forts de l’année. Durant cette période, elle a passé plusieurs semaines en immersion à l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles, période durant laquelle la cheffe du service pédiatrique l’a faite passer pour une stagiaire, ce qui lui a permis de vivre de l’intérieur la vie du service. Pour sa réalisation, Laura Wandel ne cache pas qu’elle s’est parfois inspirée de Rosetta, des frères Dardenne, en particulier dans sa façon de suivre le personnage de Lucy dans ses déambulations dans l’hôpital. Parfois, dit elle, « j’ai l’impression que l’on ressent davantage de choses en étant dans le dos d’un personnage que si on lui fait face ». A la vision de nombreux films contemporains, cette impression semble partagée par de nombreuses réalisatrices et de nombreux réalisateurs ! Dans Un monde, la réalisatrice avait filmé le récit à hauteur d’enfant. Dans L’intérêt d’Adam, c’est le point de vue de Lucy qu’elle a choisi de mettre en avant. Face à Léa Drucker, absolument remarquable dans le rôle de Lucy, Anamaria Vartolomei campe parfaitement une mère immature dont le comportement apparait incompréhensible mais dont on perçoit le désarroi.