Depuis le cinéma hollywoodien des années 1950 jusqu’aux productions contemporaines, l’image du casino est associée à un code vestimentaire très codifié. Hommes en smoking ou costumes sombres, femmes en robes de soirée. Cette tradition stylisée s’est largement construite à l’écran. Un héritage qui se traduit par l’image d’espions et de gangsters en costume-cravate autour de la table de jeu.
Casino : le triomphe du bling-bling des années 70
Sorti en 1995, Casino de Martin Scorsese est un monument du genre qui illustre de façon extrême le code vestimentaire du casino. L’intrigue se déroule à Las Vegas, chez un grand patron de casino joué par Robert De Niro. La production a investi un budget costumes d’environ 1 million de dollars pour recréer fidèlement l’opulence clinquante des années 1970. Le personnage de Ginger (Sharon Stone) défile en robes pailletées, manteaux de fourrure et tenues scintillantes.
Son come-back au casino dans une robe dorée très moulante est l’une des scènes les plus iconiques. Les tenues masculines ne sont pas en reste : De Niro enchaîne plus de cinquante costumes aux couleurs vives, cravates larges et chemises à motifs. Toutes ces images confirment le cliché que jouer au casino rime avec ostentation. Notons qu’historiquement, certains casinos de cette époque (notamment aux États-Unis) pouvaient effectivement imposer des dress codes formels en soirée, mais Casino caricature et exagère ce trait pour le cinéma.
Le cinéma français : glamour à la Riviera
En France aussi, le milieu des casinos a inspiré des films qui véhiculent un certain chic. Par exemple, La Baie des Anges (1963) de Jacques Demy fait de la roulette un décor poétique, reflétant la liaison passionnée de ses protagonistes sous les lustres du casino azuréen. Le Magnifique (1973) de Philippe de Broca place ses héros, tenue-cravate sous le bras, dans une intrigue pleine d’humour à Monte-Carlo. Même les films policiers français ou italiens tournés dans les années 70 aux casinos montrent souvent les gangsters en costume-cravate.
Aujourd’hui encore, cette tradition stylistique perdure. On la retrouve notamment dans l’imagerie des casino en ligne, de quoi valoriser des avatars en smoking et robe de soirée afin de rappeler le prestige du lieu. Loin d’être dicté par la pratique réelle des joueurs, le cliché du costume-cravate au casino vient avant tout du grand écran. Les films hollywoodiens et français ont enseigné cette uniformité vestimentaire de manière si efficace que nous la tenons pour acquis.
Ocean’s Eleven et le Rat Pack : le chic collectif
Autre source d’influence majeure : les films de braquage avec code vestimentaire très marqué. Déjà dans Ocean’s Eleven (1960) avec Frank Sinatra, et plus tard dans son remake (2001) avec George Clooney et Brad Pitt, les personnages forment un quatuor de gentlemen cambrioleurs vêtus de costumes sombres parfaitement ajustés. Selon le costumier Jeffrey Kurland, tous les costumes du film ont été conçus « sur mesure pour chaque personnage… chaque costume, chaque chemise, presque chaque cravate ».
Cette unanimité vestimentaire renforce l’idée que les casinos sont l’apanage d’un type d’homme raffiné. D’autres films dans la même veine (comme The Thomas Crown Affair, ou des films mettant en scène la bande de Sinatra à Vegas) montrent des groupes d’hommes en smoking et des femmes en robes de cocktail autour des tables de jeu. Ainsi, l’héritage du Rat Pack et de ces braqueurs élégants se traduit par une perception où le casino est presque un podium de mode masculine.
James Bond : l’élégance légendaire du casino
Les aventures de l’agent 007 ont durablement associé casinos et style formel. Dans Casino Royale, GoldenEye, Spectre ou d’autres opus, James Bond vient affronter les joueurs en smoking trois-pièces impeccable. Cette image de l’espion en costume-cravate (et parfois en smoking blanc) devant les tables de Baccarat ou de Poker s’est ancrée dans l’imaginaire collectif. Le premier roman Casino Royale (1953) de Ian Fleming se déroule justement dans un casino à Royale-les-Eaux (inspiré du casino de Monte-Carlo).
De nombreuses scènes de Bond ont ensuite été tournées dans des casinos réels (Casino de Monte-Carlo, mais aussi Bahamas ou USA), accentuant le lien entre 007 et l’univers feutré du jeu. Légitimant ce cliché, les costumes des acteurs (Sean Connery, Roger Moore, Daniel Craig…) ont souvent été signés de grandes maisons (Brioni, Tom Ford, etc.) et sont montrés en gros plan. Finalement, à force de répétition, le public en vient à considérer le smoking du joueur comme la norme.