Critique Express : Perla

0
188

Perla 

Autriche, Slovaquie : 2024
Titre original : –
Réalisation : Alexandra Makarová
Scénario : Alexandra Makarová
Interprètes : Rebeka Poláková, Simon Schwarz, Carmen Diego, Noël Czuczor
Distribution : Maverick Distribution
Durée : 1h50
Genre : Drame
Date de sortie : 30 juillet 2025

3.5/5

Synopsis : Vienne, au début des années 1980. Artiste indépendante et mère célibataire, Perla s’est construit une nouvelle vie avec Josef, son mari autrichien, et Júlia, sa fille. Mais le jour où Andrej, le père de Júlia, sort de prison et tente de reprendre contact, le passé ressurgit. Poussée à retourner en Tchécoslovaquie communiste qu’elle avait quittée, Perla entreprend un dangereux voyage, quitte à mettre en péril son avenir et celui de sa fille.

 

Partir ! Quitter le pays qui vous a vu naître et dans lequel vous avez passé votre jeunesse. Quitter le père de votre fille. Il faut de bonnes raisons pour en arriver là ! Et, une fois bien installée ailleurs, dans une nouvelle vie très agréable, pour quel motif pouvez vous envisager un retour vers ce pays que vous avez fui, malgré le danger que cela représente, vers cet homme qui ne représente plus grand chose pour vous et alors que vous en avez épousé un autre ? C’est tout cela que nous raconte la réalisatrice austro-slovaque Alexandra Makarová dans son deuxième long-métrage, présenté en début d’année 2025 au Festival de Rotterdam et à La Rochelle en juillet dernier. C’est dans des conditions particulièrement traumatisantes et alors qu’elle était enceinte que Perla a réussi à fuir la Tchécoslovaquie après le printemps de Prague de 1968. Andrej, son compagnon, a lui été arrêté et mis dans un camp. A Vienne, où elle s’est établie, Perla (Adamová) est devenue une peintre dont la renommée commence à grandir, au point qu’une exposition à New-York est sérieusement envisagée. Quant à Julia, sa fille d’une dizaine d’années, elle idolâtre Vladimir Horowitz et rêve de devenir son pendant féminin. C’est lors d’une petite fête organisée à l’occasion de l’anniversaire de Josef que Perla va rencontrer ce dernier. Il est plus âgé qu’elle et commence par faire la remarque que, pour lui, les tableaux de Perla manquent de subtilité. Ce à quoi Perla réplique : « la subtilité, c’est un truc de trouillard ». Une entrée en matière qui n’empêchera pas Perla d’épouser Josef et de devenir Madame Hoffmann. Un mariage qui, sans doute, va pérenniser l’enracinement de Perla dans la capitale autrichienne.

Sauf que le passé, parfois, ressurgit sans crier gare. Un coup de téléphone, un simple coup de téléphone peut suffire à vous replonger, à votre corps défendant, dans votre vie d’avant, cette vie que vous aviez fuie, cette vie que vous vouliez oublier. Ce coup de téléphone, il est donné par Andrej. Il est sorti du camp où il était prisonnier, il voudrait faire connaissance avec sa fille et, en plus, il souffrirait d’un cancer et n’en aurait plus pour longtemps à vivre. Est-ce seulement la compassion pour un homme qu’elle a aimé qui va décider Perla à se rendre de l’autre côté de la frontière ? Même si Josef l’accompagne, même si elle dispose d’un passeport au nom de Petra Hoffmann, il y a des risques pour elle à entreprendre ce voyage car on est au début de années 80 et le régime politique de la Tchécoslovaquie est toujours le même.  Des risques d’autant plus grand que, plus le séjour dure, plus Perla donne l’impression de ne plus savoir où elle est en est dans sa vie sentimentale au point de rester à Košice plus longtemps que Josef et Julia. Est-ce pour s’occuper des cendres de ses parents comme elle l’affirme à Josef ou bien est-ce dû à un retour de flamme dans sa relation avec Andrej ? Il n’est pas interdit de penser que Alexandra Makarová a pas mal puisé dans l’histoire de sa famille pour écrire le scénario de PerlaEn effet, Saša Makarová, sa mère, est née à Košice du temps où la Tchécoslovaquie était un pays communiste. Certes, Saša n’avait que 2 ans au moment du printemps de Prague, mais, tout comme Perla, elle est s’est installée à Vienne et est devenue une peintre réputée. Ce rapprochement avec la peinture est peut-être pour quelque chose dans l’exceptionnelle beauté de l’image, que ce soit au niveau de la lumière ou de la construction des plans. Le Directeur de la photographie a pour nom Georg Weiss et il avait déjà travaillé sur le long métrage précédent de Alexandra Makarová ainsi que sur ses court-métrages. Même si la difficulté qu’on peut rencontrer à quitter définitivement son pays d’origine et les souvenirs qui s’y rattachent représente le cœur de Perla, à laquelle s’ajoutent les tergiversations de Perla en ce qui concerne sa vie sentimentale, le film brosse également de façon très fine le portrait d’une femme très maternelle mais qui ne se sent jamais prête à sacrifier sa vie sentimentale par amour par sa fille. Dans ce rôle difficile, la comédienne slovaque Rebeka Poláková fait preuve d’un talent sans faille. Sans que cela soit fait de façon particulièrement ostensible, on ne peut s’empêcher de remarquer le nombre de miroirs que nous propose le film, façon sans doute d’évoquer ce combat entre passé et présent vécu par Perla, ainsi que le nombre de portes qui sont franchies, façon sans doute d’évoquer les passages de la frontière entre l’est et l’ouest.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici