Aux jours qui viennent
France : 2024
Titre original : –
Réalisation : Nathalie Najem
Scénario : Nathalie Najem, Mariette Désert, Olivier Gorce
Interprètes : Zita Hanrot, Bastien Bouillon, Alexia Chardard
Distribution : Paname Distribution
Durée : 1h40
Genre : Drame
Date de sortie : 23 juillet 2025
4.5/5
Synopsis : Nice, de nos jours. Laura, la trentaine, essaie de se reconstruire après une relation tumultueuse avec Joachim. Elle mène une vie en apparence tranquille, en élevant seule sa petite fille. Mais l’accident de Shirine, la nouvelle compagne de Joachim, va faire ressurgir son passé. Les deux femmes, en proie à la violence du même homme, vont peu à peu se soutenir…
Un homme, deux femmes et une fillette
Sculptrice et animatrice d’ateliers de sculptures destinés à des handicapés, Laura vit à Nice avec Lou, sa fille de 9 ans. Cette dernière aimerait bien participer au voyage scolaire qui va avoir lieu prochainement à Pompéi, mais la somme à débourser, 350 Euros, est hors de portée de Laura qui a déjà du mal à payer le loyer de l’appartement qu’elles occupent. Comme elle en fait part à une collègue, Laura n’a pas eu de vie affective et/ou sexuelle depuis plusieurs années, mais elle a été en couple avec un homme, Joachim, le père de Lou, un homme prisonnier de la drogue, de l’héroïne en particulier, et, de ce fait, très souvent incontrôlable et violent. Ne serait ce que pour Lou, les ponts n’ont pas été entièrement coupés entre Laura et Joachim et, de temps en temps, ils communiquent par téléphone, mais il n’y a rien à attendre de Joachim quant à une participation de sa part aux frais du voyage scolaire tant attendu par sa fille. Quant à Patricia, la mère de Joachim, elle ne rechigne pas à apporter sa contribution, mais sa participation reste quand même très modeste.
Depuis sa séparation avec Laura, Joachim a entamé une relation avec Shirine, dont le métier consiste à identifier les cadavres de migrants morts dans le naufrage d’un bateau dans la Méditerranée afin qu’ils puissent être rendus à leur famille. Ce métier va l’amener à se rendre à Palerme, suivie comme son ombre par Joachim. Une présence que Shirine n’a pas pu, n’a pas su éviter, même si Joachim avoue lui-même qu’il ne sert à rien, mais que, au moins, contrairement à Andrea, le chef italien de Shirine, « il ne la ramène pas ». Le comportement toxique de Joachim avec Shirine étant identique à celui qu’il avait avec Laura, les mêmes causes ne vont elles pas aboutir aux mêmes effets ?
Que de qualités pour un premier long métrage !
Parmi les nombreux films sur les violences conjugales qu’on a pu voir récemment sur les écrans, Aux jours qui viennent, pour de nombreuses raisons, se distingue des autres sur de nombreux points. Par la personnalité de ses 3 protagonistes principaux, pour commencer. Dans ce film, le personnage le plus fragile, c’est l’homme violent. Mise à part sa force physique qui peut lui permettre d’imposer sa loi à des femmes, c’est un homme qui porte en lui une forme de désespoir, un homme incapable de contrôler sa propre vie et qui, pourtant, ne cesse de dire ce qu’elles doivent faire à son ex, à sa fille, à sa mère, à sa nouvelle compagne. Cette fragilité fait que nous spectateurs, tout comme Laura et Shirine, n’arrivons pas, malgré les comportements qu’il adopte, à le rejeter complètement, ressentant pour lui à la fois exaspération et une forme de compassion, espérant, sans toutefois trop y croire, qu’il puisse un jour se faire soigner. Au contraire, Laura et Shirine sont des femmes fortes et intelligentes. Laura n’est plus sous l’emprise de Joachim depuis pas mal de temps, elle est dorénavant en phase de reconstruction et si, financièrement, sa situation n’est pas facile, elle mène une existence sans accroc avec sa fille. Elle serait même prête à entamer une nouvelle relation avec Lazare, un collègue de travail, un homme dont elle découvre avec amusement qu’il est tout le contraire de Joachim, avec sa paire de chaussons et sa robe de chambre qui trainent chez lui. La relation de Shirine avec Joachim étant beaucoup plus récente, et malgré le comportement erratique de ce dernier, lorsque le film nous amène à la rencontrer pour la première fois, elle est loin d’avoir acquis la même liberté psychologique que Laura vis à vis de cet amant encombrant et c’est toujours de l’amour qu’elle ressent à son sujet. Toutefois, lorsque les choses tournent vraiment mal avec Joachim, ce n’est pas vers sa famille que se tourne Shirine, c’est vers Laura, quand bien même elles se connaissent à peine. Vers sa famille, elle aurait trop honte à le faire alors que Laura a connu avec Joachim des mésaventures similaires aux siennes et elle saura la comprendre sans la juger.
Sur les rapports entre les deux femmes, Aux jours qui viennent se démarque aussi d’un certain cinéma, un cinéma qui, heureusement, semble appartenir au passé, un cinéma qui voulait qu’une ex compagne et une nouvelle compagne ne pouvaient que se tirer dans les pattes, qui affirmait qu’il y avait beaucoup moins de solidarité chez les femmes que chez les hommes, etc. Au contraire, aujourd’hui, le cinéma parle beaucoup de sororité et c’est sans doute beaucoup plus en rapport avec ce qui se passe dans la vraie vie.
Une très belle distribution
Depuis son interprétation de Nesrine dans Fatima qui, en 2015, lui donna son premier grand rôle au cinéma, Zita Hanrot a continué de prouver qu’elle est une des meilleures comédiennes françaises de sa génération. Une preuve qu’elle apporte à nouveau dans son interprétation de Laura dans Aux jours qui viennent. A ses côtés, Alexia Chardard compose une excellente Shirine. Bastien Bouillon, s’avère très crédible dans le rôle de Joachim, cet homme toxique dont on aimerait tant qu’il sorte de la drogue et de la violence psychologique qu’il génère. Quant à Maya Hirsbein, l’interprète de Lou, la fille de Laura et de Joachim, elle est époustouflante dans sa capacité à montrer que, malgré son jeune âge, elle comprend tout ce qui se passe entre sa mère, son père et Shirine bien que sa mère fasse tout pour la protéger. Ce film très féminin se devait d’avoir une directrice de la photographie. C’est le cas avec Justine Bourgade qui réalise un très beau travail tout particulièrement dans l’étude détaillée des visages. On terminera en évoquant les nombreuses qualités dont a su faire preuve Nathalie Najem pour son premier long métrage en tant que réalisatrice : choix du sujet, écriture du scénario, direction d’actrices et d’acteurs, utilisation d’une grande intelligence des ellipses.
Conclusion
Ce premier long métrage de Nathalie Najem prouve qu’on tient avec cette scénariste une réalisatrice de très grand talent. On ne peut que souhaiter un grand succès public à Aux jours qui viennent, ce qui permettrait presque à coup sûr à Nathalie Najem de pouvoir continuer dans cette voie de la réalisation.