Critique : The Crossing

0
1766

The Crossing

Chine : 2018
Titre original : Guo Chun Tian
Réalisation : Bai Xue
Scénario : Bai Xue, Lin Meiju
Interprètes : Huang Yao, Sunny Sun, Carmen Soup
Distribution : 3L Films
Durée : 1h40
Genre : Drame
Date de sortie : 12 août 2020

3,5/5

Agée de 35 ans, Bai Xue est une scénariste et réalisatrice chinoise qui a choisi de réaliser The Crossing, son premier long métrage, dans la région dont elle est originaire, celle qui voit voisiner une immense métropole, Shenzen, avec Hong-Kong, cette ancienne colonie britannique devenue en 1997 la région administrative spéciale de Hong Kong de la république populaire de Chine. The Crossing a été sélectionné dans de très nombreux festivals, en particulier celui de Toronto en septembre 2018 et celui de Berlin en février 2019.

 

Synopsis : Peipei est une lycéenne de 16 ans qui vit avec sa mère à Shenzen et étudie à Hong Kong. Avec sa meilleure amie Jo, elles rêvent de vivre un jour de Noël sous la neige au Japon. Alors que Peipei cherche du travail pour financer ce voyage, le petit ami de Jo lui propose de se faire de l’argent en passant illégalement des téléphones portables par la frontière. D’abord craintive, Peipei prend de l’assurance quand les entrées d’argent se font plus importantes…

Entre Hong Kong et Shenzen

The Crossing a la particularité d’être un film très documenté sur de nombreux événements se déroulant dans l’époque contemporaine entre Hong Kong et Shenzen,  situées à 17 kilomètres l’une de l’autre, tout en pouvant laisser un sentiment de frustration chez le spectateur : alors que presque tous les jours les médias nous parlent des événements qui se déroulent actuellement à Hong Kong, le film est totalement muet sur ce sujet. La raison est simple : ce film a été tourné il y a plus de 2 ans, c’est-à-dire relativement longtemps avant le début des manifestations. Mais qu’importe, après tout : The Crossing est suffisament riche en éléments qui ne sont connus que par une minorité d’habitants de l’Europe occidentale pour intéresser la plupart des cinéphiles. Par exemple le fait que la frontière entre Hong Kong et la Chine est à la fois très surveillée et très poreuse : tout au long de la journée, les allers-retours entre les 2 cités, en particulier par le train, concernent un nombre important d’individus, surveillés par de nombreux policiers et agents des douanes censés empêcher toute forme de trafic. On apprend aussi qu’une jeune adolescente de 16 ans comme Peipei peut suivre ses études à Hong Kong bien que résidant à Shenzen : née à Hong Kong, elle a, en quelque sorte, la double nationalité et elle a droit à une carte d’identité de Hong Kong. Traversant presque tous les jours la frontière et se sentant protégée par sa tenue de lycéenne qui, pense-t-elle, lui évite d’être contrôlée lors de ses passages devant les policiers et les douaniers, la tentation est grande de se faire de l’argent en intégrant un petit groupe de trafiquants spécialisés dans le passage des derniers modèles de smartphones, et même d’armes, entre Hong Kong et Shenzen. Un argent qui lui permettrait de réaliser un rêve : aller passer Noël au Japon avec Jo, sa meilleure amie qui elle vit à Hong-Kong, toutes les deux rêvant de faire connaissance avec la neige, de savoir ce que c’est qu’avoir froid et de porter des yukatas dans un environnement de sources d’eau chaude.

A la fois thriller et film social

Pour réaliser son film, Bay Xue a beaucoup creusé son sujet ce qui s’est traduit par un grand nombre de rencontres avec des jeunes lycéennes ou étudiantes impliquées dans des trafics divers, avec des revendeurs et avec des douaniers. Toutefois, ce film très documenté qui aurait pu devenir une sorte de docu-fiction sur ces trafics et les personnes qui les pratiquent, la réalisatrice a choisi de le placer dans les rails des thrillers et des films s’intéressant à un milieu mafieux. A part Peipei et Jo, on y retrouve Hao, le petit ami de Jo qui introduit Peipei dans le groupe de trafiquants, Madame Hua, celle qui mène ce groupe et qui retrouve dans Peipei celle qu’elle était dans sa jeunesse, jolie et intelligente. Les parents de Peipei, un couple séparé, ne jouent pas un grand rôle dans le film. On sait toutefois que le père vit et travaille à Hong Kong alors que la mère passe beaucoup de temps à jouer au mah-jong. Par contre, Hong Kong et Shenzen peuvent être considérées comme des actrices à part entière de The crossing : Hong Kong, ville verticale, l’aspect d’une forêt, tournée caméra à l’épaule, Shenzen, plus calme, plus horizontale, plus rigide aussi dans les rapports familiaux, tournée principalement en plans fixes et en privilégiant une lumière naturelle. Un élément qui échappera sans doute à de nombreux spectateurs : deux des langues chinoises sont pratiquées dans le film, le cantonais, pratiqué par 90 % des habitants de Hong Kong, et le mandarin, langue la plus parlée à Shenzen. 

L’équipe du film

Alors que Huang Yao, l’interprète de Peipei, est une actrice débutante, il n’en est pas de même pour Carmen Soup, l’interprète de Jo, qui avait déjà une petite carrière à son actif. Sunny Sun, qui joue Hao, avait encore un peu plus d’expérience. Quant à Elena Kong, l’interprète de Madame Hua, elle a tenu son premier rôle en 1997, dans une série de la télévision de Hong Kong. Le tournage n’a pas toujours été une partie de plaisir. En fait, c’était la première fois qu’un tournage était autorisé à la douane de Shenzen, à la suite d’un accord qui fut difficile à obtenir. Par contre, il était interdit de filmer aux postes frontaliers de Hong Kong et il a fallu reconstituer une « copie » du poste dans un autre port. Alors que Piao Songri, le responsable de la belle photographie du film, signait là son premier long métrage, le montage a été confié à Matthieu Laclau, un français originaire de Soustons, très impliqué dans le cinéma chinois depuis plusieurs années, avec des films auprès de Jia Zhangke, Midi Z et Diao Yinan.

Conclusion

En nous montrant des événements se déroulant entre Hong Kong et Shenzen, avant les manifestations qui ont commencé il y a environ un an, la jeune réalisatrice chinoise Bai Xue fait une entrée réussie dans la carrière. Mi thriller, mi documentaire, The Crossing présente de belles qualités de mise en scène et de montage et le soin apporté à la photographie a permis d’aboutir à un très beau résultat.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici